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CHAPITRE X VIII.

Du Dol & de la Fraude intervenus dans les Actes.

LES mots Dol & Fraude font à-peu-près les

mêmes; celui qui ufe de dol, trompe celui avec qui il a affaire; celui qui le fraude, le trompe également. Le dol eft une fraude, & la fraude eft un dol. Nos Auteurs ne font pas de diftinction en cette partie ; comprenons donc la fraude dans ce que nous appelons dol.

Le dol, en général, est tout ce qu'une perfonne met en ufage pour en tromper une autre. M. Ferriere dit que c'est une rufe, une adreffe frauduleuse, dont la fin eft de tromper quelqu'un. C'eft auffi ainfi que le définit la Loi Romaine: Itaque ipfe Labeo definit dolum effe, omnem calliditatem, fallaciam, machinationem, ad circonveniendum, fallendum, decipiendum alterum adhibitum. Lege 1, §. 1, ff. de dolo malo.

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Ce dol fe diftingue en dol réel & en dol perfonnel. Le dol réel, qu'on appelle dolus re ipfá, confifte par exemple, en ce qui vient de la chofe; c'eft-à-dire j'ai acheté une métairie, dont les terres ne font pas auffi bonnes que je l'avois cru; & au lieu d'un bon bien, j'en ai acheté un mauvais. Le dol, en cette partie, ne vient pas de mon vendeur. Ce n'eft pas par fon fait que les terres font mauvaises; mais c'est ma faute, avant de les avoir achetées, de n'en avoir pas examiné la qualité, de ne m'être pas mieux confulté.

Ce dol, quoique réel, ne me fournira pas un moyen de refcifion contre l'achat que j'ai fait, parce

qu'il ne vient pas du chef de mon vendeur, qui n'avoit d'autre intérêt que de fe défaire de fon bien, & ne pas me tromper fur fa contenance, que le furplus étoit foumis à mon jugement. Si nullus dolus interceffit ftipulanti, fed ipfa res in fe dolum habeat. Leg. 36, ff. de verb. oblig. Ce ne feroit qu'autant que dans le prix que j'en ai donné il se trouveroit une létion d'outre-moitié du jufte prix: alors nous rentrons dans le moyen légitime de léfion d'outre-moitié que je viens d'expliquer, & je pourrai me faire reftituer.

Le dol perfonnel, qui peut m'ouvrir la voie à la refcifion, vient au contraire du chef du vendeur; & voilà pourquoi, comme c'eft le vendeur qui m'a trompé, qu'il n'eft pas jufte que la fraude profite à celui qui l'a commife, Leg. 1, ff. de dolo malo, qu'il faut l'en rendre la victime, Lege penultima, Cod. de legatis, qu'enfin, le fecours de la Loi eft toujours pour ceux qui font trompés, Lege 2, Cod. Si minor fe major dixerit ; j'ai alors un moyen légitime de reftitution, parce qu'un pareil dol, toujours commis avec réflexion & dans le deffein de tromper, est un véritable crime.

Par exemple, je veux acheter un bien à Pierre, & pour nous accorder du prix, il me représente des contrats d'acquifition, qui portent des fommes plus fortes que le prix véritable qui en fut donné; des baux à ferme qui juftifient d'un revenu considérable, tandis que, dans le fait, ce bien portoit infiniment moins. D'après cette aftuce, cette machination, je me détermine à donner un prix bien plus fort que la véritable valeur : alors, pouvant prouver cette rufe, la Juftice & la Loi m'admettent à la reftitution. Ce fera à moi à prouver ce dol que la Loi ne permet pas de préfumer. Vous verrez dans tous les Auteurs qui parlent du dol, comment il doit être prouvé, dumoins

par des indices clairs & apparens; Lege Dolum 6 Cod. de dolo.

fe

Après ce que nous venons de dire, chacun peut fixer fur le caractere que doit avoir le dol, pour ouvrir la voie à la reftitution. Eft-il perfonnel, c'est-à-dire, vient-il du chef de celui avec lequel nous avons traité? Pouvons-nous en faire la preuve? Alors point de doute qu'il ne nous fournisse un moyen de reftitution.

Eft-il réel, c'est-à-dire, vient-il de la chofe, & non du chef de celui qui nous a vendu? Alors il ne peut nous ouvrir la voie de la reftitution, qu'autant que le contrat contient une léfion d'outre-moitié du juste prix. Sur ces deux principes, un chacun eft en état, d'après l'efpece où fe trouvent les Parties, de décider fi c'eft le cas fur ce moyen de dol, d'impétrer ou de ne pas impétrer.

Cette diftinction ne peut être prise, dans la grande rigueur, qu'entre majeurs, puifque, quelque légere que foit la léfion vis-à-vis le mineur, celui-ci eft favorable pour la reftitution, comme nous l'avons dit plus haut.

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De la force, violence & crainte qui peut avoir occafionné les actes.

LA force & la violence produifent la crainte, &

fourniffent des moyens pour faire annuller les actes qui en font le fruit.

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La force eft toute impreffion illicite, qui porte une perfonne contre fon gré, par la crainte de quélque mal considérable, à donner un confentement qu'elle ne donneroit pas fi la liberté étoit dégagée de cette

impreffion. Vis eft majoris rei impetus, qui repelli non poteft; Leg. 2, ff. quod metus caufa.

La violence eft une tyrannie qu'on exerce contre quelqu'un pour lui ufurper fon bien, ou le forcer à faire quelque chofe qu'il ne feroit pas fans la violence

exercée.

La crainte est un mouvement de l'efprit, qu'un péril présent ou futur occafionne, & qui, pour l'éviter, nous détermine à faire contre notre gré ce que nous n'aurions jamais fait : Eft inftantis vel futuri periculi caufa mentis trepidatio.

Avant d'aller plus loin dans l'explication des moyens de reftitution que peuvent produire la force ou la violence exercée fur la perfonne qui a contracté, demandons-nous à nous-mêmes pourquoi elles nous fourniffent des moyens? Et cela nous met dans le cas de rappeler des principes fur lesquels un jeune homme doit être campé.

On fe pourvoit en refcision ou reftitution contre des contrats, des obligations, enfin, contre des actes qui nous portent un grand préjudice, ou qui ont été extorqués de nous par force & violence, & c'eft de ces derniers dont nous parlons dans ce chapitre.

Or tout contrat, toute obligation, tout acte qu'on confent, doit être, dans fon effence, le fruit d'un confentement libre de notre part. C'eft ce feul confentement libre qui eft l'ame de toutes les conventions. C'est lui qui forme la Loi que le contrat impofe à chacun des contractans. Confenfu fiunt obligationes Inftit. tit. de obl. ex confenfu; Lege 1, in fine, ff. de contrah. empt. contractus Legem ex conventione accipiunt.

Si d'après ces principes, qui font certains, une convention ne peut être bien légitime qu'autant qu'elle eft le fruit d'un confentement, libre & réciproque de la part des contractans, il faut, par la raifon des contraires, qu'elle ceffe d'être légitime, quand elle

et le fruit d'un confentement qui n'a pas été libre, & que la force, la violence ou la crainte l'ont occafionné alors la convention manque dans fon effence; elle ne contient plus une Loi jufte; elle ne mérite plus l'existence, parce qu'elle manque d'un confentement libre, qui feul pouvoit la faire valoir.

Le confentement, qui eft le fruit de la violence & de la crainte, eft un confentement forcé, auquel l'affection de l'ame étoit contraire, & qui a été donné fans la volonté de confentir. Nihil confenfui tam contrarium eft quàm vis atque metus; Leg. 116, ff. de regulis juris.

Il ne faut donc pas être furpris que les Lois viennent au fecours de ceux dont la volonté a été forcée, & fur-tout par une crainte à laquelle l'efprit n'a pu réfifter alors le moyen de reftitution eft infaillible, en fuppofant toujours que la preuve en foit faite car la Justice n'en croit jamais aux allégations, fur-tout quand il s'agit d annuller des actes.

Cependant, toutes fortes de craintes ne peuvent pas fournir un moyen de reftitution. En cette matiere, il faut diftinguer. Nous admettons deux fortes de craintes, la crainte grave, que nous appelons metus cadens in conftantem virum, & la crainte légere.

La crainte grave n'eft pas le fruit d'une pufillanimité, d'une timidité dont bien de perfonnes font fufceptibles, qui leur fait craindre les moindres chofes, fans qu'il y ait du péril; enfin, de causes capables d'épouvanter ou d'ébranler un homme cou

rageux.

Nous appelons celle-ci une vaine crainte, qui eft infuffifante pour ouvrir le moyen à la reftitution contre un acte folemnel qui ne peut pas être ainfi expofé.

Mais pour que la crainte puiffe opérer la déclaration de nullité d'un acte, il la faut telle, qu'elle ait été capable d'épouvanter l'homme courageux. Talis qui in hominem conftantiffimum cadere poteft; Lege

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