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à ne pas négliger fes devoirs. Etant Souverains, ils ne reconnoiffent pas d'ailleurs des Supérieurs en ordre de Jugement.

Voilà les motifs qui déterminerent le Législateur dans la rédaction de l'article II du titre que nous avons cité. Il décide qu'il n'y a que les Juges fujets à l'appel, qui puiffent être expofés à des actes de déni 'de Juftice: voici fa teneur. « Si les Juges dont il y a >> appel refufent, ou font négligens de juger la caufe, >> instance ou procès qui fera en état, ils feront fom» més de le faire, & commandons à tous Huiffiers » & Sergens de leur faire les fommations néceffai»res, à peine d'interdiction de leur Charge. »

Ces mots, dont il y a appel, doivent être entendus comme s'il étoit dit, dont les Jugemens sont sujets à l'appel. Il n'y a donc que ceux-là qui puiflent être provoqués par des actes de fommation, & qu'on puiffe conftituer in mora: auffi eft-ce pour les y conftituer qu'on leur fait ces fommations, car fans cela ils n'y feroient pas. Nulla intelligitur mora ubi nulla petitio eft. Leg. 88, ff. de Reg.juris.

Suppofons donc que Pierre a un procès, ou une caufe pendante devant le premier Juge ou devant un Sénéchal; que fi c'eft une caufe d'Audience, tous les actes préparatoires foient faits, & que depuis longtemps la Partie pourfuivante présente des placets, fans que jamais la caufe foit appelée; que fi c'eft un procès par écrit, il foit également prêt, & que malgré que le Juge foit follicité de le juger, il ne le juge pas, c'eft alors le cas de lui faire des actes pour le fommer de rendre juftice.

On appelle ces fommations des actes de déni de Juftice, parce qu'en effet un Juge qui ne fait pas appeler une caufe prête, ou qui ne prononce pas fur un procès prêt, dénie & refufe de rendre aux Parties la juftice qu'il eft chargé de leur adminiftrer: mais

'en quoi confiftent ces fommations? Quelle eft leur forme, & quels en font les effets?

Le premier caractere que doivent porter ces fortes de fommations, eft d'être respectueuses, c'est-à-dire, d'être conçues dans des termes qui ne puiffent rien porter d'injurieux ni de contraire à l'honneur & à la dignité des Juges; ce feroit infulter le Souverain, que de manquer au moindre de fes Miniftres dans l'exercice de la Juftice. Vous trouverez à ce fujet un Arrêt rendu par le Parlement de Paris le 4 Juin 1669, qui porte la peine de punition corporelle; il eft rapporté par Bornier, fur l'article IV du titre XXV de l'Ordonnance de 1667.

Vous en trouverez un autre rendu pur le Parlement de Toulouse, en date du 31 Août 1735, rapporté dans le Recueil Judiciaire, intervenu fur un réquifitoire de M. le Procureur Général, qui défend d'inférer dans le relief des Lettres en appel de déni de Juftice, la claufe d'intimation & prife à partie, à peine de nullité, fauf à fe pourvoir par requête, & cela, pour concilier le refpect que l'on doit à la fonction des Juges, avec le droit ouvert aux Parties de les intimer lorfque c'eft le cas.

Pour bien fentir ce refpe&t, & combien peu il faut y manquer, nous pouvons mettre fous vos yeux une partie du réquifitoire que fit M. le Procureur Général. « Ces prifes à partie, difoit-il, font un moyen de » droit. S'il eft jufte de les maintenir contre les Ma» giftrats, qui font affez malheureux pour abufer de » leur miniftere, il eft encore plus jufte de faire con» noître aux Plaideurs que l'honneur des Juges eft » cher à la Cour, & qu'on doit ce ménagement à >> leur caractere, de ne pouvoir s'ériger contre eux >> en accufateurs, qu'après qu'elle leur aura permis » de le faire.

» C'est ainsi qu'en laissant la liberté aux Parties de » réclamer de la partialité des Juges, la Cour peut

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5 conferver en même-temps toute la délicateffe de » leurs droits, & fi quelqu'un a le malheur d'être » pris à partie, il paroîtra dumoins que ce fera la » Cour elle-même qui l'oblige à quitter fon Tribu»nal, & que l'abaiffement où il fe trouve réduit » n'eft plus tout-à-fait l'ouvrage de l'inquiétude & du » caprice des Parties.

» C'eft affermir l'aurorité des Lois, d'apprendre >> au Public à refpecter ceux qui font chargés du >> poids honorable de la Magiftrature.

» Les Romains infiniment jaloux de l'honneur des >> Magiftrats, ne fouffroient pas que leur conduite >> fût expofée aux traits de la cenfure. Il n'étoit per » mis de les accufer qu'après qu'ils avoient déposé » toutes les marques de l'autorité publique, comme » on le voit dans les Lois 48, ff. de Judiciis, 8 & » 12,ff. de Accufat. 38, §. ult. ad Leg. Jul. de Adul»ter. Il étoit néceffaire d'attendre que, rendus à » leur premier état, ils fuffent devenus, pour ainsi» dire, femblables aux autres hommes, & ils ai>> moient mieux fufpendre pour un temps le cours » ordinaire de la Juftice, que de bleffer le refpect >> dû au caractere des Miniftres. >>

Cela étant ainsi, on fent la néceffité qu'il y a de ne rien inférer dans les actes de déni de Juftice qui puisse porter la moindre marque d'injure, & qu'il faut au contraire y parler avec honnêteté : voilà le premier caractere que doivent porter ces fommations autorifées par la Loi.

Le fecond caractere de ces fortes de fommations, eft de ne contenir que la vérité, dans le détail qu'on y fait, lorsqu'on explique les démarches qu'on a faites vis-à-vis le Juge, foit pour obtenir fon Audience, foit pour obtenir un Jugement fur le fonds. Enfin, il faut être fincere dans tout ce qu'on expose au Juge, pour lui prouver qu'il fe refufe à rendre la Juftice qu'il

doit.

Mais ces actes, en contenant une priere au Juge de vouloir accorder Juftice, doivent encore contenir une fommation de la rendre, comme auffi, une proteftation de déni de Justice au cas il ne la rende avec réserve de fe pourvoir.

pas,

Quelle eft d'ailleurs la forme de cette fommation? La même qu'on donne aux actes de réquifition & de proteftation qu'une Partie est intéreffée de faire à une autre pour la confervation de quelque droit. Ce qu'il y a ici de plus, c'eft que la Partie intéreffée à être jugée ne fait ceux-ci que pour parvenir à se faire juger, ou conftater du refus du Juge pour acquérir le droit d'appeler de fon refus. Suppofons, par exemple, qu'il s'agit d'une cause pendante à l'Audience; la Partie qui veut être jugée ne pouvant l'obtenir, fait un acte au Juge en cette forme.

Modele d'acte de fommation & de proteftatio de déni de Juftice.

L'AN 17..... & le..... par nous..... à la re quête de Jofeph..... qui fait élection de domicile, &c, eft expofé à M. le Juge de..... que depuis tel temps le Requérant a devant lui une cause pendante à juger à l'Audience contre le nommé Pierre; que quoique cette cause foit en regle, & que depuis.

. il

préfente des placets pour la faire appeler, cependant il n'a jamais obtenu l'Audience, & d'autant qu'il eft jufte qu'elle foit expédiée, c'est pourquoi le présent acte lui eft fait, pour le prier & fupplier de vouloir accorder l'Audience fur les placets qui lui feront conftamment présentés; & en tant que de befoin l'avons fommé & requis de la donner; & au cas il la refufât, lui avons protefté par ce premier acte du déni de Justice, lui déclarant qu'après les délais portés par les Ordonnances, il lui fera fait de nouvelles réquifi

tions contenant également proteftation de déni de Juftice, après quoi le Requérant se pourvoira par les voies de droit, & lui avons laissé copie du préfent, en parlant à.

Il fuffit de connoître cette premiere formule, pour fentir ce que l'on doit dire dans le second acte, après lequel feulement on peut recourir à la voie de l'appel : mais quel délai faut-il obferver d'un acte à l'autre? A qui faut-il que les copies foient laiffées ?

L'Ordonnance nous fixe fur ces deux objets. Par l'article IV du même titre, qui nous dit d'abord qu'il faut deux fommations avant de pouvoir appeler comme de déni de Juftice, & qui diftingue pour les délais à obferver d'un acte à l'autre.

S'il s'agit d'un Juge dont l'appel reffort nuement en Cour fouveraine, les deux fommations doivent être faites de huitaine en huitaine, au lieu que pour les autres Sieges elles doivent être faites de trois en trois jours. Par l'article III, nous apprenons que ces fommations doivent être faites aux Juges, ou à leur domicile, ou au Greffe de leur Juridiction, en parlant à leur Greffier, ou au Commis des Greffes. C'est donc là où les copies doivent être laiffées, en difant à qui on a parlé.

Si le Juge ne défere pas à de pareilles fommations d'une maniere utile, c'est-à-dire, dans la fuppofition faite qu'il fe bornât à faire appeler la cause pour la renvoyer, la Partie fera autorifée à appeler comme de déni de Juftice, & à intimer le Juge en fon nom, ou le Rapporteur, s'il s'agit d'un procès diftribué, mais permiffion préalablement obtenue de l'intimer & prendre à Partie. La fuite de cette intimation, si elle eft jugée bien fondée, fera de condamner ce Juge aux dépens, dommages & intérêts des Parties. Telle eft la difpofition textuelle de l'article IV.

Mais où doit être porté cet appel? Si celui qui a dénié la Juftice eft l'inférieur du Sénéchal, le droit

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