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de connoître de l'affaire dont s'agit étant dévolu au Sénéchal comme Juge fupérieur, c'eft devant celui-ci. que l'appel de déni de Juftice doit être porté. Alors. on fait qu'il n'eft pas befoin de Lettres pour introduire cet appel devant lui; qu'il fuffit d'une affignation, ce droit émanant de la difpofition textuelle de l'Ordonnance, pourra appeler.

Mais fi celui qui a dénié la Justice est un Juge qui refforte immédiatement au Parlement, alors il faut recourir à la Chancellerie pour prendre des Lettres en appel de déni de Juftice, encore ne peut-on pas dans ces Lettres demander la permission d'intimer le Juge, & de le prendre à partie, puifque le reglement fait par le Parlement de Paris le 4 Juin 1669, fait défenfes à toutes perfonnes de prendre à partie aucuns Juges, ni de les faire intimer fur l'appel de leurs Jugemens, fans en avoir auparavant obtenu la permiffion expresse par Arrêt, à peine de nullité des procédures, & de telle amende qu'il conviendra.

Puifqu'encore, par le reglement du Parlement de Toulouse du 31 Août 1735, « il eft fait défenses » aux Procureurs de la Cour & autres, d'inférer » dans les Lettres de relief d'appel qu'ils obtiendront >> en Chancellerie, la claufe d'intimation & prise >> à partie contre les Juges, à peine de nullité, mais >> fe pourvoiront en ladite Cour par requête, & ob» tiendront Arrêt, portant que lefdits Juges feront » intimés & pris à partie en leur propre & privé

» nom. >>

L'intimation & prise à partie du Juge doit être la fuite naturelle de l'appel de déni de Juftice; alors il n'eft pas fuffifant d'appeler de ce déni de Juftice, il faut encore paffer à l'intimation. M. Rhodier, queftion 2, fur l'article IV du titre XXV de 1Ordonnance de 1667, cite un Arrêt de la Grand'Chambre du Parlement de Touloufe du 3 Décembre 1744, qui jugea qu'il ne fuffifoit pas d'appeler du déni de Juftice, &

d'intimer la Partie fur cet appel; qu'il falloit encore intimer le Juge. Un autre du 16 Juin 1756, rendu à la Tournelle du même Parlement, qui déchargea les Parties affignées à la requête de l'Appelant des affignations données avec dépens, fauf à l'Appelant à se pourvoir par les voies de droit.

Cette Jurifprudence eft d'autant plus juste, que le refus que fait un Juge, eft une faute qui lui eft perfonnelle, qui dépend de lui feul, dont les Parties ne font point la caufe. C'eft donc le Juge & non aucune des Parties qui doit fupporter les frais d'un appel que fa négligence ou fa mauvaise volonté ont rendu néceffaire.

Dès donc qu'une Partie a impétré des Lettres en appel de déni de Juftice, & que cet appel est porté au Parlement, il faut présenter une requête, dans laquelle on expofe la vérité de ce qui s'eft paffé, & à laquelle on joint les pieces qui peuvent juftifier que la caufe étoit en état, ainfi que les deux fommations qui ont été faites au Juge, & avec précaution on expose les raifons qui affurent la juftice de la demande en intimation.

Après quoi on conclut à ce qu'il plaise à la Cour, permettre au Suppliant, en conformité de l'Ordonnance, d'intimer & prendre à partie le Juge, pour voir prononcer fur l'appel, & fe voir condamner aux dépens, dommages & intérêts.

Cette requête fera répondue d'une Ordonnance de Soit-montré à M. le Procureur Général, à qui on remet la requête & les pieces qui y font induites, & fur laquelle il donne fes conclufions, après quoi le Parlement rend Arrêt. C'eft en vertu de cet Arrêt portant permiffion d'intimer le Juge, & de le prendre à partie, qu'on le fait affigner devant ce même Parlement. C'est en plaidant qu'on jugera le mérite de l'intimation, qu'on punira le Juge, ou qu'on le relaxera avec des dommages.

Nous ne donnerons pas la formule de cette impétration, parce qu'elle eft la même que celle d'un appel d'Appointement ou Sentence, & qu'on n'a befoin que d'être Appelant du déni de Justice fait par tel Juge.

L'article V de l'Ordonnance nous dit que le Juge qui aura été intimé ne pourra être Juge du différend, à peine de nullité, de tous dépens, dommages & intérêts des Parties, fi ce n'eft qu'il n'ait été follement intimé, ou que l'une & l'autre des Parties confentent qu'il demeure Juge, & fera procédé au Jugement par autre des Juges & Praticiens du Siege non fufpects, fuivant l'ordre du tableau, fi mieux n'aime l'autre Partie attendre que l'intimation foit jugée. Ainfi parle la Loi.

Cette derniere disposition, dit Me. Rhodier, en expliquant cet article, ne peut avoir lieu, quand le Juge eft intimé à fuite de l'appel du déni de Justice, parce que l'effet & le profit de cet appel eft dévolu au Juge fupérieur du jugement du procès, comme cela fut jugé à l'Audience de relevée de la Grand'Chambre du Parlement de Toulouse le 8 Août 1738.

Il ne nous reste à observer en cette matiere, finon que le déni de Juftice n'eft pas le feul cas où les Juges puiffent être intimés & pris à partie, car fi nous lifons notre Ordonnance, nous en trouverons plufieurs.

Le premier dans l'article VIII du titre premier, qui déclare tous Arrêts & Jugemens qui feront donnés contre la difpofition des Ordonnances, Edits & Déclarations nuls, & de nul effet & valeur, & les Juges qui les auront rendus refponfables des domma-. ges & intérêts des Parties. Cette difpofition eft conforme à celle de la Loi, Omnis actus qui contrà mentem & fententiam legis fit, ad nihilum redu

citur.

Mais cependant les Jugemens & Arrêts rendus en

contravention des Ordonnances, ne font pas réputés nuls ipfo facto, puifqu'il faut les attaquer, que contre les uns on a la voie de la réclamation par l'appel, & contre les autres, les voies de la requête civile, ou de la caffation au Confeil; qu'enfin il faut faire déclarer la nullité.

Quant aux peines dont parle l'Ordonnance, elles n'ont jamais lieu qu'autant que les Juges fe font rendus coupables de fraude ou de concuffion; qu'enfin ils ont prévariqué dans les fonctions de leur miniftere.

Le fecond, lorfque les Juges retiennent des caufes, inftances ou procès, dont la connoiffance ne leur appartient point, comme le dit l'article premier du titre des fins de non-procéder, & qui en cas de contravention ajoute, pourront les Juges être intimés & pris à partie.

Le troifieme, fi les Juges évoquent les inftances pendantes aux Sieges inférieurs, fous prétexte d'appel ou de connexité, fi ce n'eft pour juger définitivement à l'Audience, fur le champ, par un feul & même Jugement, comme le porte l'article VIII du même titre.

Le quatrieme, s'il paroît par écrit ou par l'évidence du fait, que la demande originaire n'ait été formée que pour traduire le garant hors de fa Juridiction: alors, par l'article VIII du titre des Garans, il est enjoint aux Juges de renvoyer la cause pardevant ceux qui en doivent connoître ; & en cas de contravention, ajoute cet article, pourront les Juges être intimés & pris à partie en leur nom.

CHAPITRE X X I X.

Des Lettres tendantes en défaveu des Procu reurs & en intimation.

Nous ne

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Ous ne parlerons ici que des Procureurs ad lites, que le Roi a créés à titre d'Office pour défendre les Parties. Ceux-ci font exposés à être défavoués par leurs cliens, s'ils fe font livrés à des pourfuites fans en avoir le pouvoir, fur-tout s'ils ont agi par dol ou fraude. La Partie alors doit être reçue à contredire, à défavouer ce que fon Procureur a fait. Lege Cùm mandati, Cod. Mand. vel contra. Papon, liv. 6, tit. 4, no. 22.

Nous appelons défaveu la déclaration que fait une Partie, qu'elle n'a pas donné pouvoir à fon Procureur de former certaines demandes, ou de faire certains aveux qui lui font préjudiciables, & contre quoi elle veut revenir.

Il feroit en effet bien dur pour une Partie d'être expofée à une perte ou à un préjudice confidérable, parce qu'il auroit plu à un Procureur, chargé de fa défenfe, d'introduire des demandes qui ne pouvoient l'être fans fon confentement exprès, d'offrir des preu

ves,

de faire des offres, des furdites, des déclarations, des aveux, quelquefois mortels, fans mandat. Voilà pourquoi la réclamation a été permife, & pour qu'elle foit accueillie, il faut que réellement le Procureur ait excédé les bornes de fon pouvoir.

S'il eft convaincu de les avoir excédées, il devra être condamné aux dépens, dommages & intérêts que fa Partie pourroit fouffrir. Il devra même être puni par une interdiction de fes fonctions, plus ou

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