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CHAPITRE XX X.

Des Lettres de Paréatis.

PAREATIS, AREATIS, mot Latin, fignifie en Langue Française, obéiffez, & c'eft de ce nom de Pareatis dont on appelle les Lettres qu'on prend aux Chancelleries pour pouvoir mettre à exécution dans une Juridiction des Arrêts, des Jugemens, même de fimples Ordonnances rendues dans une autre Juridiction étrangere à la premiere. Voilà ce qu'on entend par Pareatis dans l'usage des Chancelleries, & dans l'exercice de la pratique.

Mais quels font les principes qu'il faut mettre en avant pour bien connoître ce genre d'impétration? Les voici.

Tous les Juges Souverains ou autres ont un reffort fixé & déterminé, dans lequel ils peuvent exercer la Juftice & faire exécuter leurs Jugemens. Mais ils ne peuvent outre-paffer ce reffort; & par conféquent, quand il s'agit de faire exécuter le Jugement qu'ils ont rendu dans leur Siege, dans la Juridiction d'un autre, ils font fans empire. Il n'eft pas poffible de le faire fans une permiffion dont nous nous occu- perons bientôt.

Les Jugemens des inférieurs peuvent donc être éxécutés par leur feule force, dans tout le territoire de la juridiction où ils ont été rendus. Ceux des Cours Souveraines dans tout le reffort de leur Souveraineté, mais non pas au-delà: quia non extra territorium jus dicere videtur, qui jus dicit in ea provincia cui toti præeft. Il faut un paréatis, une permiffion; voilà la regle générale : nous verrons plus bas quelle peut en être l'exception.

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Il n'en eft pas chez nous comme chez les Romains, extra territorium jus dicenti impunè non paretur, dit la Loi 20, ff. de Juridictione. Les Jugemens n'avoient de force que dans le territoire du Juge qui les avoit rendus; chez nous, dans quelle juridiction de France qu'ils aient été prononcés, ils forment pour nous de véritables titres, que nous employons utilement comme tels dans toute l'étendue du Royaume, en demandant la permiffion de les exécuter. C'est de cette permission dont nous nous occupons.

Ou les Jugemens que nous avons intérêt de faire exécuter, ont été rendus dans le Royaume, ou hors d'icelui. Suivons ces deux pofitions.

S'ils ont été rendus dans le Royaume, ou par des Juges Souverains, ou par des Juges inférieurs, que ce foit par les uns ou par les autres, on peut s'adreffer à la grande Chancellerie du Roi à Paris, y obtenir des Lettres de paréatis, en vertu defquelles le Jugement fera exécuté dans quelle Cour, dans quelle juridiction, qu'on ait intérêt de promouvoir l'exécution. Tel eft le privilege de cette Chancellerie, de pouvoir accorder des paréatis pour exécuter les Jugemens dans le territoire de toutes les juridictions du Royaume; Ferriere fur l'article 164 de la Coutume de Paris.

Mais il y a des voies plus fimples: fuppofons qu'il s'agît d'exécuter un Arrêt rendu par le Parlement de Bordeaux, dans le reffort de celui de Touloufe; on peut bien fe difpenfer de recourir à la Chancellerie du Roi à Paris, puifque près chaque Parlement il eft établi des Chancelleries, qui peuvent permettre d'exécuter dans le reffort du Parlement où elles font attachées, les Arrêts rendus par d'autres Cours Souveraines. Il fuffit donc de demander les Lettres de paréatis à la Chancellerie qui eft près le Parlement de Toulouse, dans le reffort duquel on veut faire des exécutions. Il en eft de même pour tous les autres.

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Si les Jugemens ont été rendus par des Juges inférieurs, qu'il faille les faire exécuter dans la juridiction d'un autre Juge inférieur, le moyen eft encore plus fimple, puisqu'il suffit de présenter une requête au Juge, dans la juridiction duquel on veut faire exécuter le Jugement, & lui demander qu'il lui plaife permettre l'exécution dans l'étendue de fa juridiction, de tel Jugement rendu par tel autre Juge; Jugement qu'on joindra à la requête, & alors le Juge dans la juridiction duquel on veut faire exécuter, répondra la requête d'une Ordonnance conçue en ces termes : permis l'exécution du Jugement dont s'agit dans l'éten due de notre Juridiction, ce..... &c.

Si on veut faire exécuter dans la juridiction d'un Juge Royal, les Jugemens rendus, ou par un autre Juge Royal, ou par un Juge inférieur, ou dans le reffort d'une Sénéchauffée, les Jugemens rendus par d'autres Sénéchaux, il faut toujours préfenter au Juge, dans la juridiction duquel il faut agir, une pareille requête, qui fera répondue d'une pareille Ordonnance; mais pour exécuter celle-ci, il faut la faire fceller au Bureau du Contrôle, parce que toutes les Ordonnances & Jugemens fans diftinction, qui émanent des Juges Royaux, ne peuvent être exécutées fans cette formalité remplie, & qu'aucun Huiffier ne pourroit fe charger de les mettre à exécution.

Ce n'eft pas qu'à la place de tous ces moyens fimples que nous propofons, il ne dépende d'un chacun de prendre des Lettres de paréatis de la Chancellerie près le Parlement dans le reffort duquel font les juridictions dans lesquelles il faut faire les exécutions : alors, en vertu d'un pareil paréatis, on pourra faire exécuter dans toutes les Juridictions qui font dans le reffort du Parlement, fans demander d'autre permiffion à perfonne.

C'eft même la voie qu'il faut prendre, lorfque, par exemple, on a obtenu un Jugement qu'on a befoin

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de faire exécuter contre plufieurs perfonnes qui habitent dans différentes juridictions. Alors, comme on feroit obligé de demander des permiffions à tant de Juges différens, il eft bien plus fimple de fe pourvoir aux Chancelleries, & y prendre un paréatis, en vertu duquel on peut exécuter dans tout le reffort.

Ce qu'il y a même à obferver en cette matiere, c'eft que ni les Chancelleries à qui on demande des paréatis, ni tous Juges à qui on demande des permiffions d'exécuter dans leur reffort, ne peuvent point entrer en connoiffance de cause, comme le dit l'Article CXX de l'Ordonnance de 1629, c'est-à-dire, s'occuper de la juftice ou de l'injuftice que peut contenir le Jugement qu'on demande de pouvoir exécuter, & cela fous des peines.

Tout ce que nous venons de dire, fe trouve contenu dans la Loi vivante du Royaume, & dans l'Article VI du titre de l'exécution des Jugemens de l'Ordonnance de 1667, qui veut : on copie.

1o. «Que tous Arrêts feront exécutés dans toute » l'étendue de notre Royaume en vertu d'un paréatis » du grand sceau, fans qu'il foit befoin d'en deman» der aucune permiffion aux Cours de Parlement » Baillis, Sénéchaux & autres Juges dans le reffort, » au détroit defquels on les voudra faire exécuter.

2o. » Et au cas que quelques-unes de nos Cours » ou Sieges en empêchent l'exécution, & qu'ils ren» dent quelques Arrêts, Jugemens ou Ordonnances >portant défenfe ou furféance de les exécuter, vou>>lons que le Rapporteur, & celui qui aura préfidé, >> foient tenus folidairement des condamnations por>>tées par les Arrêts, dont ils auront retardé ou em» pêché l'exécution, & des dommages & intérêts de » la Partie, & qu'ils foient folidairement condamnés > en 200 livres d'amende envers nous de laquelle » contravention nous réfervons la connoiffance à » Nous & à notre Confeil.

3. » Sera néanmoins permis aux Parties & Exé >>cuteurs des Arrêts hors l'étendue des Parlemens & >> Cours où ils auront été rendus, de prendre un » paréatis en la Chancellerie du Parlement où ils >> devront être exécutés, que les Gardes des Sceaux >> feront tenus de fceller, à peine d'interdiction » fans entrer en connoiffance de caufe.

4°. » Pourront même les Parties prendre une per>> miffion du Juge des lieux au bas d'une Requête, » fans être tenus de prendre, en ce cas, paréatis au >> grand Sceau & petites Chancelleries. >>

Cette Loi eft fi pofitive, que, pour affurer l'exécution de ce qu'elle ordonne, elle ajoute : « Mandons » à nos Gouverneurs & Lieutenans Généraux de » tenir la main à l'exécution de la présente Ordon»nance, fur la fimple représentation des paréatis, » ou de la permiffion du Juge des lieux. » Voilà ce qui concerne les Arrêts & Jugemens rendus dans l'intérieur du Royaume.

Bernard Labat, Huiffier Audiencier en la Sénéchauffée d'Armagnac, réfidant à Leétoure, fignifia à Arnaud Poftel, Seigneur de Saint-Philip, en fon domicile, juridiction de Caudecofte, reffort du Parlement de Toulouse, une commiffion obtenue en la Chancellerie du Palais à Paris le 7 Juin 1730, par Me. Jacques Morel, Procureur au Parlement de Paris, avec affignation pour comparoître dans deux mois, & cela fans avoir pris un paréatis, ni du grand Sceau, ni de la Chancellerie du Parlement de Touloufe; ce qui étoit une contravention formelle 'aux Reglemens des Chancelleries.

Par Arrêt du Confeil d'Etat du 7 Septembre 17339 rapporté au Recueil Judiciaire de Me. Rodier, tom. 2, page 433, Morel Procureur, & Labat Huiffier, furent condamnés en des amendes & aux frais. « Fait, Sa Majefté, défenfes, ajoute l'Arrêt, à » Labat Huiffier & autres, de fignifier & mettre

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