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Parties plufieurs Appointemens préparatoires, & en tr'autres un, qui joignoit une nouvelle Partie à l'inftance. A la veille de la Sentence, & le 8 Septembre 1759, époque qui approchoit de la fin de la féance du Sénéchal, Brives fit une déclaration d'appel au Parlement des différens Appointemens, & notamment de celui qui avoit joint la Partie à l'instance.

Le Sénéchal regarda cette déclaration d'appel, faite fur la fin d'une féance, comme une chicane pratiquée pour éviter un Jugement que Brives avoit quelque raifon de craindre; & fans s'y arrêter, il rendit une Sentence définitive le 10 du même mois, c'est-à-dire, dans le délai pendant lequel la déclaration d'appel auroit dû fufpendre fes fonctions. Le 15 du même mois, Brives releva fon appel en forme, & prit, en le plaidant, un moyen de cassation, par attentat à l'autorité du Parlement, de ce que le Sénéchal ne s'étoit pas arrêté après la déclaration d'appel, & en même-temps un grief de ce que par l'un des Appointemens dont étoit l'appel, il avoit joint une Partie étrangere à l'instance.

Me. Pouilhés, Procureur, qui plaidoit pour Brives, releva, avec force, l'effet que devoit avoir une déclaration d'appel; il obferva que l'attentat fe commet ipfo facto; que le Sénéchal n'avoit pas pu s'établir le Juge de la déclaration d'appel; que, bien ou mal faite, ce n'étoit pas à lui à le décider; qu'il l'avoit cependant fait en paffant outre, & que par conféquent fon Jugement étoit une entreprise qui alloit contre l'autorité de la Cour, contre l'intérêt public & les Reglemens.

Me. Jouve, Avocat, qui défendoit à la demande en caffation par attentat, fit beaucoup valoir l'air de chicane qu'avoit à la fin d'une féance une pareille déclaration d'appel; il se fondoit sur ce que le grief propofé n'étoit pas bon, & ajoutoit que la Sentence avoit été rendue fur les productions de toutes Parties; que par conféquent, la Partie de Me, Pouilhés étoit

cenfée

enfée s'être départie de fa déclaration d'appel, puifqu'elle n'avoit pas retiré fa production; toutes ces raifons furent méprifées ; & l'Arrêt, faisant droit fur l'appel de la Partie de Pouilhés, réforma l'appointement qui avoit joint la Partie étrangere, caffa par attentat la Sentence & toutes les exécutions qui avoient été faites en conféquence, condamna la Partie de Me. Jouve aux dépens, le Rapporteur à la reftitution des épices, &, jusques à ce, interdit des fonctions de fa charge.

On ne peut impunément porter atteinte à la Souveraineté ; voilà pourquoi, lorfqu'il y a attentat, on confidere moins les demandes au fonds, que l'attentat en foi, parce que l'attentat va contre l'ordre public, contre celui des juridictions: on a vu fans doute par équité, que lorsqu'il y a tant de mauvaise foi de la part des Parties, & que l'attentat eft léger, la Cour met hors de Cour fur l'attentat, & condamne au fonds.

Mais outre que la chofe eft rare, il fembleroit que l'ordre public en eft bleffé, fi on ne favoit qu'il eft libre aux Souverains de ne pas fe conformer à la rigueur abfolue de la Loi dans certaines circonftances, & lorfque leur fagetfe le leur infpire. Il faut donc regarder une déclaration d'appel bien faite, comme une Loi précife qui prête un fecours à un condamné, en lui donnant le temps de réclamer avec réflexion dans les formes de droit, d'un jugement qu'il prétend être injufte, & il faut attendre, avant de rien mettre à exécution, que les délais portés par le Reglement du 4 Septembre 1722 foient écoulés.

Il eft vrai que quelquefois ces fortes de déclarations. d'appel ne font faites que pour gagner du temps, & qu'on voit que lorfque les délais en font paffés, la Partie fait une feconde déclaration d'appel. Cela arrive ordinairement dans le cours des inftances devant les Sénéchaux pour éloigner le Jugement. Une partie fait une déclaration d'appel d'un Appointement prépara

B

toire ou de quelque Ordonnance, laiffe écouler les délais & en fait une feconde; chicane s'il en fut jamais mais alors la Partie arrête la chicane, en préfentant au Juge de l'appel une Requête en permiffion au Juge inférieur de paffer outre jufques à Sentence définitive inclufivement, nonobftant les déclarations d'appel faites ou à faire; l'Ordonnance obtenue, on la met entre les mains du Juge inférieur, qui passe Outre & qui doit en faire mention dans la qualité de la Sentence qu'il rend.

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E n'eft qu'en Cour Souveraine qu'on appelle par des Lettres de Chancellerie; l'Appel n'eft en forme que quand on a pris des Lettres que la Chancellerie expédie à cet effet, & en vertu defquelles on peut faire affigner les Parties contre lefquelles on plaide, ainfi que celles qu'on croit être en droit de faire intervenir, pour voir rendre commun avec elles l'Arrêt qu'on veut obtenir.

Devant les premiers Juges, l'appel fe fait par un fimple exploit d'affignation, fans qu'on foit obligé d'inférer les motifs qu'on a d'appeler, parce qu'on n'eft tenu de le faire qu'en plaidant. Il en eft de même au Parlement; on n'eft pas obligé, dans le relief d'appel, de libeller les griefs, ni de faire connoître les motifs qu'on a d'appeler; s'il y a quelque exception à la regle, c'eft en matiere d'appel comme d'abus; voyez ce que nous dirons au Chapitre des Appels comme d'abus.

Mais que ce foit devant les Sénéchaux ou au Par

lement qu'on veut relever un appel, c'eft toujours des mêmes principes qu'on doit partir : voilà pourquoi, dans une matiere auffi intéreffante il eft befoin de faire précéder à la formule des Lettres d'appel que nous devons donner, des inftructions qu'il faut néceffairement avoir pour fe conduire avec certitude, & pour ne point expofer les Parties.

Les remedes, quelque prompts qu'ils puiffent être, après un appel témérairement relevé, portent toujours un très-grand préjudice aux Parties, & les expofent à des dépenfes très-confidérables. Il ne faut être appelant qu'autant qu'on croit réclamer de l'injustice réelle que peut contenir le Jugement de l'inférieur. Il ne faut confeiller un appel qu'après avoir bien pesé les raifons qu'on croit que là Partie eft en droit de porter, our opérer la réformation du Jugement. Parcourons donc différens principes fur lefquels on peut fe fixer, & ne perdons pas de vue ceux ramenés dans notre Droit Romain.

L'appel eft, comme nous l'avons dit plus haut, une plainte qu'une Partie porte devant le Juge fupérieur, contre le Jugement rendu par le Juge inférieur; & c'est ainsi que le définit la Loi Romaine; appellatio eft iniquitatis Sententiæ quærela.

tes,

Il faut donc avoir raifon de se plaindre de l'injustice qu'on reçoit d'un Jugement; il faut avoir un intérêt bien réel de le faire réformer, fans quoi notre appel ne peut point être écouté: Non folent audiri appellannifi hi quorum intereft; Lege 1, ff. de Appel. recip. vel non. Et en effet, fi l'appel ne doit avoir d'autre but que celui de faire réformer une Sentence injuste, & qu'elle ne le foit pas, nous nous trouvons dans le cas de la Loi 6, §. 4, Cod. de Appel. & conf. Ne temerè autem ac paffim provocandi omnibus facultas præbeatur arbitramur, eum qui malam litem fuerit pe fecutus, mediocriter pœnam à competente Judice fuftinere.

Le mérite de l'appel fe mefure donc fur l'intérêt de l'Appelant, & de là fuit, que quoiqu'un Jugement qui nous greve ait été rendu entre d'autres Parties étrangeres à nous, il fuffit que nous ayons intérêt de le faire réformer, pour que nous puissions l'attaquer; & c'eft ce que nous trouvons expreffément décidé dans la Loi 4, §. 3 & 4, dans la Loi 5, §. 2, & dans la 14., ff. de Appel.

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Voilà pourquoi encore une Partie n'eft point forcée d'attaquer le Jugement in totum, s'il n'y a que certaines difpofitions qui la grevent. Elle peut appeler d'un feul chef, & demander l'exécution des autres parce qu'elle doit toujours fe conduire à mesure de l'intérêt qu'elle a à faire réformer le Jugé, in eo quod intereft; & alors, en démontrant cet intérêt bien fondé, elle eft füre de faire réformer, fans que le Juge ad quem s'y refufe.

Mais il faut confidérer qu'en matiere civile cet intérêt doit avoir lieu quant au fonds, & non-feulement par rapport aux formes: car fi une Partie étoit appeJante d'un Jugement contre lequel elle ne peut oppofer que certaines nullités, fans pouvoir oppofer quelque bon grief au fonds, fon appel ne feroit pas fortune, parce que nous foutenons dans le Parlement de Touloufe, qu'en matiere civile, nullité fans grief n'a pas lieu, & que non appellatur nifi à gravamine.

Telle eft même la Jurifprudence fixe de ce Parlement; nous nous en occuperons dans le chapitre des griefs d'appel, qui fera dans le Traité des Procès par écrit de la feconde édition des Ordonnances mifes en pratique, & là je rapporterai un Arrêt rendu, moi plaidant, le 14 Août 1749, dans une espece où la nullité que je relevois paroiffoit de la premiere force, & lors duquel mon moyen fut méprifé, parce que j'étois fans grief au fonds, & que ceux que je libellai furent jugés mauvais.

L'intérêt d'être appelant d'une Sentence, peut n'être

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