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point connu de la Partie dès après qu'elle est rendue; par exemple, Jean obtient une Sentence; elle eft en fa faveur, dumoins affez, pour ne point l'attaquer du premier moment. Il la fait fignifier fans proteftation d'en réclamer. Pierre, contre qui elle eft rendue, en eft appelant; il libelle des griefs, au moyen desquels il démontre qu'elle eft injufte au fonds, qu'on a d'ailleurs manqué effentiellement dans les formes : enfin, fes griefs font bons. Alors, il peut fe faire que Pierre a intérêt de l'attaquer de fon chef, & qu'il y a des griefs qui lui font communs avec Jean, ce qui arrive affez fouvent, cas dans lequel il faut, de néceffité, être appelant de fon chef, pour éviter des dépens ou les obtenir.

Mais, dira quelqu'un, fi Jean a fait fignifier la Sentence fans proteftation, il est censé y avoir acquiefcé, & par conféquent il ne peut appeler de fon chef, fans s'expofer à être déclaré irrécevable.

Ċe feroit une mauvaise objection, parce qu'il eft de principe, en matiere d'appel, que l'acquiefcement doit être réciproque, qu'il est par conféquent indifférent de s'occuper s'il y a eu de proteftation de la part de Jean, lorfqu'il a fait fignifier la Sentence, ou s'il n'y en a point eu. Toutes les fois que Pierre en a appelé, la voie eft ouverte pour les deux Parties, quod licet actori debet licere reo, & Jean a la liberté d'en appeler de fon chef. Vous trouverez, fur cette matiere, des préjugés, verbo Acquiefcement, dans mon ouvrage des Ordonnances mifes en pratique.

Ce que nous obfervons à deffein, c'eft, par exemple, qu'il n'y a jamais d'acquiefcemens qui puiffent lier les Parties en matiere de compétence, parce qu'il ne peut pas dépendre d'elles de donner juridiction aux Juges qui n'en ont point; non poteft jurifdictio tribui ei qui nullam habet.

Il ne fuffit pas, en matiere d'appel, d'avoir intérêt d'appeler; il faut encore confidérer trois chofes, qui

méritent toute l'attention d'un Praticien : car, en cette partie, on peut engager les Cliens bien témérairement.

La premiere, que le Jugement dont on veut appeler foit fujet à l'appel; car s'il étoit rendu par un Présidial ou par une Bourse en matiere qui n'excede pas leur compétence fouveraine, l'appel feroit irrécevable; il eft de même des autres Jugemens, qui peuvent être rendus par des Juges de privileges fouverains jufqu'à un certain point.

La feconde, que la Partie n'ait pas formellement acquiefcé à la chofe jugée; car alors la Loi faite par le Jugement, eft devenue pofitive entre les Parties; le droit eft acquis; elle a été reconnue jufte, & la Partie qui a acquiefcé ne doit point être reçue à l'attaquer on peut dire alors que le Jugement de l'inférieur doit être exécuté, comme s'il étoit émané d'une Cour Souveraine; la feule exception contre l'acquiefcement eft, comme nous l'avons dit, lorfque c'eft en matiere de compétence, car alors il ne lie plus.

La troifieme, qu'il faut relever l'appel dans le temps; & à ce fujet, nous obfervons qu'une Partie qui, avant l'Ordonnance de 1667, avoit trente ans, n'en a plus aujourd'hui que dix pour réclamer du Jugement de l'inférieur: mais que s'il laiffe écouler ce délai, ce Jugement acquiert la force de la chofe jugée, & n'eft plus fufceptible de réformation; la Partie eft irrécevable.

Ce délai commence à courir du jour de la fignification de la Sentence ou Jugement, faite à la Partie, & les dix ans révolus, tout eft fini, ainfi que le dit notre Ordonnance & la Loi Romaine: Sed, elapfo appellandi tempore, Sententia lata fecundùm Leges vim habet rei judicatæ, fans qu'on doive s'occuper, fi pendant les dix ans on a relevé appel toutes les fois qu'on l'aura laiffé périmer: car alors les chofes font rentrées dans leur premier état; inftantia perempta, idem eft ac fi non fuiffet.

Il n'y a d'autre exception en cette matiere que le cas de l'abus car un Jugement qui en contiendroit feroit toujours fujet à l'appel, quia abufus femper clamat. Ce font là des principes bien certains. Voilà pourquoi la Loi Romaine ajoute ces mots remarquables Secundùm Leges, fur lefquels nous ne differterons pas, pour ne pas fortir du deffein d'être courts, & ne pas charger l'efprit d'un jeune homme.

Mais eft-il toujours vrai qu'il faille laiffer écouler un espace de dix ans, pour que le Jugement du Juge inférieur acquiere la force de la chofe jugée; ou l'Ordonnance nous fournit-elle des moyens pour rendre ce délai plus court? Il paroît dur pour une Partie, qui a obtenu un Jugement en fa faveur, d'attendre un fi long-temps, avant d'être affurée que la Loi qu'elle a obtenue, eft à l'abri de toute réclamation de la part de fon Adverfaire. Répondons à cette question, puifque l'occasion s'en préfente, & nous refterons convaincus que rien n'a échappé à la sagesse du Légiflateur, quand il a rédigé l'Ordonnance de 1667.

Nous trouvons le moyen dans l'article XII du titre de l'exécution des Jugemens, qui cependant ne paroît pas être exécuté au Parlement de Touloufe, dumoins n'en ai-je pas vu d'exemple dans l'ufage, quoique je croie que quelqu'un qui emploiroit le moyen que cet article fournit ne pourroit que réuffir: voici comme parle cette Loi.

« Si aucun eft condamné par Sentence, & qu'elle » ait été fignifiée avec toutes les formalités ordonnées » pour les ajournemens, & qu'après trois ans écoulés » depuis la fignification, celui qui a obtenu la Sen»tence l'ait fommé avec pareille folemnité d'en inter» jeter appel, celui qui eft condamné ne fera plus » recevable à en appeler fix mois après la fomma» tion; mais la Sentence paffera en force de chofe » jugée, ce qui aura lieu pour les domaines de l'Eglife, » Hôpitaux, Colleges, Univerfités & Maladreries, fi

» ce n'eft que le premier délai fera de fix ans au lieu >> de trois. >>

Pour jouir de l'avantage que fournit l'Ordonnance, & ne pas être affujetti à attendre dix ans avant de favoir fi on peut compter fur le Jugement obtenu, il n'y a donc qu'à le faire fignifier à la Partie par un exploit en bonne forme & dans lequel on aura obfervé toutes les formalités prefcrites par les ajournemens. Attendre enfuite trois ans, & ce délai expiré, fommer la Partie par un exploit également revêtu des mêmes formalités, de relever appel, fi bon lui femble, dans le délai de fix mois : on peut méme protester, par cet exploit, que faute par elle de le faire dans ledit délai, le Jugement acquerra la force de la chose jugée; & qu'au cas après icelui elle vînt à en réclamer par appel, on lui oppofera la fin de non-recevoir portée par l'Ordonnance.

On peut dire à cela que l'exécution de cet article ne peut être que rare, parce que, dans l'ordre ordinaire, celui qui a obtenu un jugement favorable, ne manque pas de le faire fignifier de fuite avec commandement, ce qui force l'Adverfaire, qui ne veut pas l'exécuter, à relever fon appel; cependant il peut arriver que fur des prétentions importantes, les Parties auront, par exemple, été mifes hors de Cour & de procès, dépens compenfés; celui qui défendoit aux prétentions, a bien intérêt de ne pas attendre dix ans à favoir fi fon Adverfaire réclamera de ce Jugement qu'il aura fait fignifier, & à fuite duquel le filence aura été gardé.

Un autre aura été déchargé d'une demande fans dépens. On aura même condamné fon Adverfaire aux frais de la Sentence; on fait qu'il faut payer l'exécutoire pour les épices; le condamné fera un acte, pour déclarer que fans entendre acquiefcer à la Sentence & fans préjudice d'en relever appel, il paiera les épices, parce qu'il y eft forcé; & ce paiement fait, il

gardera le filence; il faut alors que celui qui a obtenu la Sentence refte dix ans, toujours dans l'incertitude fi on en réclamera, s'il ne veut prendre le moyen que l'Ordonnance lui indique.

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Enfin, cet article fut trop difcuté lors de la rédaction de l'Ordonnance, pour ne pas convenir que le cas peut se présenter. Ce ne fut pas fans motif que l'article fut rédigé, & je crois qu'en mettant le moyen en jeu, on acquerroit la fin de non-recevoir, fans attendre l'écoulement de dix ans.

CHAPITRE V I.

Des effets des Appels en matiere civile.

L'APPEL fignifié produit des effets; expliquons

en quoi ils confiftent, parce que c'eft conféquemment à ces effets qu'il faut agir lorfqu'on appelle, & qu'il faut tout prévoir en matiere d'appel.

Le premier effet de l'appel, en matiere civile, est de fufpendre l'exécution du Jugé; de façon que par l'appel par lequel je réclame d'un Jugement, j'arrête l'exécution de toutes les condamnations qui avoient été prononcées contre moi ; c'est là la regle générale, de laquelle on peut conclure que tout ce que la Partie contraire pourroit faire au préjudice de mon appel, feroit attentatoire à l'autorité du Juge devant lequel j'aurois appelé, parce que le Juge auroit été nanti, par l'affignation donnée devant lui, en conféquence de l'appel, & que c'eft alors une entreprise fur l'autorité du Juge fupérieur, feul en droit de connoître de tout ce qui eft postérieur à l'appel quand il est signifié avec affignation.

Mais cette regle fouffre des exceptions; il est des

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