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que Jean oppofe n'eft qu'interlocutoire, ou s'il eft définitif, il a été rendu fans la présence de Pierre, qui n'a été dûment appelé, ni aucun de ceux qu'il repréfente. Cela étant ainsi, Pierre doit donc, d'après notre Article, obtenir la Requête civile incidente, la faire fignifier & juger ès Cours où les Arrêts ou Jugemens en dernier reffort auront été produits & communiqués. Voilà pourquoi le même Article attribue aux Cours toute juridiction & connoiffance encore qu'ils aient été donnés en d'autres Cours Chambres ou autres Juridictions.

Ou l'Arrêt ou Jugement que Jean oppose à Pierre dans le cours d'un procès eft définitif, & rendu avec Pierre, ou avec ceux qu'il repréfente. Alors nous entrons dans l'exécution de l'Article XXVI de l'Ordonnance, qui porte : « que fi les Arrêts ou Jugemens » en dernier reffort, produits ou communiqués, font » définitifs & rendus entre les mêmes Parties, ou » avec ceux dont ils ont droit ou caufe, foit contra» dictoirement ou par défaut ou forclusion, les Par>> ties fe pourvoiront, en cas de Requête civile » pardevant les Juges qui les auront donnés, fans >> que les Cours ou Juges pardevant lefquels ils fe

ront produits ou communiqués en puiffent prendre » aucune juridiction ni connoiffance, & pafferont >> outre au Jugement de ce qui fera pendant devant >> eux, nonobftant les Lettres en forme de Requête » civile, fans y préjudicier, fi ce n'eft que les Parties >> confentent refpectivement qu'il foit procédé fur la » Requête civile où fera produit l'Arrêt ou Jugement >> en dernier reffort, ou qu'il foit furfis au Jugement, » & qu'il n'y ait d'autres Parties intéreffées. »>

Les difpofitions de cet Article font trop claires pour avoir befoin de commentaire ; & fi nous venons de voir où eft-ce que les Requêtes, civiles doivent être plaidées, il ne refte qu'à expliquer dans ce chapitre

Comment il faut les plaider; les Articles XXXI, XXXII & XXXVII vont nous l'appren 're.

Nous avons vu plus haut quels étoient les moyens que l'Ordonnance appelle ouvertures de Requête civile, & qu'elle fixe aux Articles XXXIV, XXXV & XXXVI. On ne peut pas en employer d'autres; car la Loi eft impérative quand elle dit : « Ne feront >> reçues autres ouvertures de Requête civile, &c. » Mais fi, d'un côté, on ne peut employer d'autres ouvertures, comme le dit l'Article XXXI, on ne peut non plus que plaider ces ouvertures, fans entrer dans les moyens du fonds, comme le dit l'Article XXXVII.

Voilà la regle générale, contre laquelle il y a une exception naturelle en faveur des perfonnes qui peuvent prendre un moyen de ce qu'elles n'ont pas été bien défendues, & telles font les Eccléfiaftiques, les Communautés & les Mineurs, puifqu'il feroit impoffible de prouver qu'ils n'ont pas été bien défendus, ou qu'ils ne l'ont pas été valablement, fans entrer, en plaidant, dans les moyens du fonds, dès que ce n'eft qu'en s'occupant de ce fonds qu'on peut juftifier de l'omiffion des moyens & des raifons qu'on auroit pu employer pour bien défendre.

&

Puifqu'encore ce n'eft qu'en analyfant les actes qui étoient au procès, qu'on peut prouver qu'on a négligé d'ufer des forces qu'ils pouvoient donner à la défense, que fi on les avoit employés, l'Arrêt auroit été différemment rendu, comment faire encore, lorsque le moyen de Requête civile eft pris de ce qu'on a jugé fur pieces fauffes ou de ce que depuis l'Arrêt on a découvert des pieces décifives? Il faut bien, dans tous ces cas entrer néceffairement dans la

difcuffion du fonds.

Il est bien vrai que quant aux autres ouvertures il ne faudroit s'occuper que de ces mêmes ouvertures. C'eft là le vœu de l'Ordonnance. On n'a pas befoin de s'occuper du fonds, quand il n'eft queftion que de

prouver le dol perfonnel de la Partie adverfe. On peut également démontrer que la procédure ordonnée n'a pas été obfervée; qu'on a prononcé fur chofes non demandées ou non conteftées; qu'on a adjugé plus qu'il n'a été demandé ; qu'on a omis de prononcer fur quelque chef de demande; qu'il y a contrariété d'Arrêts entre les mêmes Parties fur les mêmes moyens, & en même Cour, fans s'occuper du fonds. Il en eft de même des autres ouvertures.

Il ne faut cependant pas fe diffimuler qu'on n'observe pas à la lettre de ne s'occuper que des moyens lorfqu'on plaide. Souvent la Requête civile devient plus favorable, quand on fait voir, en plaidant, des injustices palpables au fonds. Les Avocats font trop éclairés & trop adroits, pour ne pas profiter indirectement de tous les avantages qu'une difcuffion du fonds non affectée peut procurer à leur défense.

Ce n'eft pas que le mal-jugé au fonds puifle devenir un prétexte pour faire rétracter un Arrêt; c'eft ce que porte l'Article XXXII de l'Ordonnance. Il faut toujours avoir à propofer quelqu'une des ouvertures, fixées par les Articles XXXIV & XXXV. Les Arrêts & Jugemens en dernier reffort portent avec eux la préfomption de juftice, res judicata pro veritate habetur : l'autorité de la chofe jugée, le respect dû au Souverain, ne permettent pas la réclamation d'injuftice, judicatis ftandum effe docent jura.

Propofer d'ailleurs un moyen d'injuftice, alléguer un mal-jugé de la part des Souverains, feroit mettre en avant un moyen d'erreur, réprouvé par l'Article XLII de notre Ordonnance, & il eft reçu pour maxime que les Parlemens & autres Cours fouveraines ne peuvent errer en droit; qu'au contraire, jus facere poffunt; Lege Non ambigitur, ff. de Legibus.

CHAPITRE XL V.

Quels font les effets du démis des Requêtes civiles.

LE premier effet du démis de la Requête civile

eft de conserver les choses dans le même état qu'elles étoient avant l'impétration, d'affurer, fi on peut parler ainfi, l'exécution pleine & entiere de l'Arrêt qui avoit été attaqué, de profcrire toute réclamation en le rendant plus folemnel..

Le fecond effet eft la punition que l'Impétrant a encourue, & qui eft fixée par l'Article XXXIX de l'Ordonnance. «Si les ouvertures des Requêtes civiles, » dit-elle, ne font jugées fuffifantes, le Demandeur » ( c'est-à-dire l'Impétrant) fera condamné aux dé» pens & à l'amende de 300 livres envers Nous, & » 150 livres envers la Partie, fi l'Arrêt contre lequel » la Requête civile aura été prife eft contradictoire, >> foit qu'il foit préparatoire ou définitif, & en » 150 livres envers Nous & 75 livres envers la » Partie, s'il eft par défaut, fans que les amendes » puiffent être remises ni modérées. »>

On dit communément que les dépens font arbitraires aux Juges, & encore plus aux Souverains qui fouvent par certaines confidérations les compenfent vis-à-vis ceux qui paroiffent dévoir en obtenir, & cela à titre de punition tacite. Mais on ne peut pas dire qu'ils foient arbitraires en matiere de Requête civile, puifque l'Ordonnance veut expreffément que celui qui eft démis y foit condamné, que même les amendes ne puiffent être remifes ni modérées.

Cette Ordonnance eft de rigueur en cette partie,

comme l'étoit celle du 19 Décembre 1564, & l'Edit de Moulins, Article LXII. C'eft même le vrai moyen d'arrêter la témérité des Plaideurs, qui méritent d'autant plus d'être punis, qu'en réclamant ils avoient fait une injure aux Souverains qui avoient rendu l'Arrêt. Confidération prise dans la Loi 3 au Code, De fumma Trinitate.

Le troifieme effet du démis eft fixé par l'Article XLI. « Celui, dit-il, qui aura obtenu Requête civile » & en aura été débouté, ne fera plus recevable à »fe pourvoir par autre Requête civile, foit contre » le premier Arrêt ou Jugement en dernier reffort » ou contre celui qui l'auroit débouté, même quand » les Lettres en forme de Requête civile auroient » été entérinées fur le refcindant s'il a fuccombé au >> refcifoire. >>

Cette difpofition eft copiée d'après l'Ordonnance de Henri III en 1579, Article CXLVI, & d'après le Droit Romain, qui ne permettoit pas de fe pourvoir deux fois contre les Sentences; adversùs Præfectorum Prætorium Sententias iterùm non licebat fupplicare. La premiere réclamation eft une grace, qui une fois accordée ne doit plus être multipliée; & quand une fois on en a abufé, il tourneroit en dérifion dangereufe de permettre une feconde fupplique, foit contre le premier Arrêt, foit contre celui qui auroit prononcé le démis de la Requête civile.

Il y a plus, dit M. Salé, quand bien même les Lettres auroient été entérinées, fi fur le refcifoire on avoit rendu un fecond Arrêt conforme au premier, il ne feroit pas moins dangereux d'autorifer à prendre des Lettres de Requête civile contre ce dernier Arrêt, après que la conteftation auroit déjà été jugée deux fois de même dans le même Tribunal entre les mêmes Parties. Ne feroit-ce pas en effet vouloir rendre les procès éternels? Vide l'Ordonnance de Blois, Art. CXLVI; Cairon, pag. 649 ; Imbert, p. 544 & 546.

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