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Lettres impétrées & fignifiées, le Tribunal eft forcé d'y prononcer, qu'il doit les accueillir fi elles font réellement juftes, ou en débouter fi elles ne le

font pas.

La feconde, lorfqu'une Partie veut faire une chicane pour éloigner un Jugement, embarraffer un procès ou gagner la fin d'une féance, c'eft dans des cas de cette espece, qu'on voit de pareilles impétrations que les Parties ne font que parce qu'elles pr voient bien que toute requête chicaneufe qu'elles pourroient présenter à un Rapporteur qui connoît le procès, feroit refufée.

Auffi le Parlement de Toulouse, pour éviter de pareils abus, fait-il défenses par un Reglement du 4 Septembre 1722 aux Procureurs « de préfenter au>> cunes requêtes, & d'obtenir des Lettres fruftra>>toires & inutiles, ou pour arrêter l'expédition des >> Parcies, à peine d'être condamnés en leur propre » aux dépens, dommages & intérêts envers les >>> Parties. >>>

Ce Reglement va plus loin, puifque cette Cour ordonne "que les lettres, les requêtes ou les nouvelles >> affignations qui feront fignifiées dans la quinzaine » avant la fin du Parlement, n'arrêteront point le » jugement des procès, fans qu'il foit befoin de » pourfuivre aucun Arrêt pour les faire rejeter, mais » qu'il fera paffé outre au jugement des procès, » nonobftant les fignifications, après que par l'Or» donnance délibérée par les Juges de la Chambre » où le procès eft pendant il aura été ordonné de >> procéder à la vifite & jugement des procès nonobf » tant les fignifications, fans que les oppofitions que » les Parties pourroient former envers lefdites Or» donnances foient d'aucun effet, & puiffent arrêter » le Jugement. >>

Cette derniere disposition est la même que celle contenue en la Déclaration du Roi du 18 Octobre

1694, dont nous avons parlé plus haut, & elle eft d'autant plus fage, qu'elle met des bornes invincibles à la chicane des plaideurs. Auffi depuis le Reglement de 1722, on ne voit prefque plus au Parlement de Toulouse d'impétrations chicaneufes faites à la fin des féances. Les Procureurs qui y fervent ne fe prêtent pas d'ailleurs facilement au caprice des Parties; toujours attentifs & toujours exacts, s'il eft des demandes à former dans un procès, de quel genre qu'elles foient, ils n'attendent jamais pour les produire que la quinzaine de la fin de la féance foit com

mencée.

CHAPITRE LI I.

Des Lettres de rémission & grace qui s'expédient dans les Chancelleries établies près Les Cours fouveraines du Royaume.

LES Lettres de rémiffion, dit l'article II du

>> titre XVI de l'Ordonnance Criminelle, feront ac»cordées pour les homicides involontaires feulement, » ou qui feront commis dans la néceffité d'une légi>> time défense de la vie. » Voilà le caractere de celles qu'on peut impétrer aux Chancelleries établies près les Cours fouveraines du Royaume.

On les appelle improprement Lettres de grace, parce que ce qui eft purement grace, ne peut émaner directement que de la puissance fouveraine du Roi. On ne peut véritablement appeler grace, que celle que Sa Majefté accorde pour les cas mentionnés dans l'article V du même titre, & pour lesquels il eft indifpenfable de s'adreffer à la grande Chancellerie de France.

Les Lettres d'abolition, dit cet article, celles " pour efter à droit après les cinq années de la con,,tumace, de rappel de bans, ou de galeres, commutation de peine, réhabilitation du condamné en ses biens & bonne renommée, & de révision de " procès, ne pourront être fcellées qu'en notre grande Chancellerie.,,

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Il y a donc une grande distinction à faire entre les Lettres de rémiffion dont nous nous occupons, & les Lettres d'abolition & de grace que Sa Majefté accorde; ces dernieres ne font données qu'à ceux qui fe font rendus coupables de véritable crime, qu'aucune circonftance ne peut excufer; & quand on les a obtenues, il faut les faire entériner par les Cours fupérieures auxquelles elles font adreffées, & ce, en la forme prefcrite par le titre XVI de l'Ordonnance Criminelle.

Les Lettres de rémiffion, qu'on comprend fous le terme générique de grace, ne s'accordent feulement, comme le dit l'article II ci-deffus cité, que pour homicides involontaires ou commis dans le cas d'une légitime défense de fa vie, & dans celui où l'Impétrant a rifqué de la perdre; celles-ci peuvent être accordées par les Chancelleries établies près les Cours fouve

raines.

Mais pour autre cas que celui-là, les Secrétaires de ces Chancelleries ne peuvent figner, préfenter au fceau & aux Gardes-fcels defdites Chancelleries aucunes Lettres de rémiffion, à peine de nullité defdites Lettres, comme nous le prouverons plus bas.

Auffi en cette matiere, & pour favoir fi c'eft le cas de fe pourvoir aux petites Chancelleries, faut-il bien diftinguer les actions qu'on appelle volontaires, de celles qu'on appelle involontaires & d'abfolue néceffité, pour éviter de périr foi-même. Quand l'homicide procede d'une action volontaire, qu'on a eu le temps de réfléchir; comme fi par exemple, il s'étoit

écoulé quelque intervalle entre l'agreffion & l'homicide, alors c'est au feul Prince qu'il faut avoir recours, & pourquoi ?

Parce que ce n'eft plus une action de néceffité & de premier mouvement, qu'on ne s'eft pas borné à repouffer une injure qu'on recevoit, mais qu'on a vengé une injure déjà reçue, il faut, comme dit la Loi Romaine, confidérer le deffein de celui qui a commis l'action: animus & propofitum delinquentis attenditur, cùm de Lege Cornelia agitur. Lege Divus, §. ad Leg. Cornel. de Siccariis, alors il y a un véritable crime, que Sa Majefté seule peut abolir & pardonner.

Les diftinctions que font nos Lois fur cette matiere font très-juftes: on ne doit point punir comme homicide, difoit l'Empereur Gordien, celui qui en a tué un autre qui vouloit le tuer : Quia defenfor propriæ falutis in nullo peccaffe videtur; Lege 3, Cod. ad Leg. Cornel. de Siccariis. Mais auffi, s'il a pu fe difpenfer de le tuer, ne mérite-t-il pas toujours d'être puni d'une peine arbitraire.

Voilà ce que les difpofitions du Droit Romain décident d'après les Lois Scientiam 45, §. 4, ad Leg. Aquil., & la Loi Is qui aggrefforem, Cod. ad Leg. Cornel.de Siccariis. La premiere dit : Qui cùm aliter tueri fe non poffent damni culpam dederint innoxii funt, ergo fi aliter fe defendere poffunt, noxii funt. La feconde dit: Is qui aggrefforem vel quemcumque alium in dubio vitæ difcrimine conftitutus occiderit, nullam ob id factum calumniam metuere debet.

Voici comme parloit Sa Majefté dans fon Edit du mois de Juin 1678. « Nous avons précisément expli» qué nos intentions pour la qualité des cas pour » lefquels les Lettres de rémiffion & d'abolition » pourroient être accordées, & bien que, fuivant » la difpofition de l'Article II du Titre XVI de notre » Ordonnance du mois d'Août 1670, il ne puiffe

être expédié ès Chancelleries près nos Cours que » les rémiffions qui font de droit, comme pour >> homicides involontaires, ou qui font commis dans » la néceffité d'une légitime défense de la vie, &

que pour les autres cas qui ont befoin de notre >> grace particuliere, elles ne puiffent être expédiées » qu'en notre grande Chancellerie.

» Néanmoins nous fommes bien informés que dans » les Chancelleries près nofdites Cours, non-feule>>ment il s'expédie des Lettres de rémiffion pour >> des cas qui ne peuvent être remis que par nous, » mais que même, fous ce prétexte de légitime dé>> fenfe de la vie, on y obtient des rémiffions en >> faveur de ceux qui ont tué pár chaleur ou par >> reffentiment de quelque injure reçue fur le champ, >> fans avoir couru rifque de la vie; d'où il arrive » que les plus fcélérats trouvent l'impunité de leur >> crime, & étant important de remédier à cet abus, » qui eft d'une très-dangereufe conféquence pour le » bien de la Juftice, & intéresse si notablement la » fociété civile.

» Voulons, & nous plaît, que notre Ordonnance » du mois d'Août 1670 foit exécutée felon fa forme » & teneur; & ce faifant, qu'ès Chancelleries éta»blies près nos Cours, les Lettres de rémiffion feront » accordées feulement pour les homicides involon»taires, ou qui feront commis dans la néceffité d'une » légitime défense de la vie, fans qu'en autre cas il » en puiffe être expédié, à peine de nullité & d'en » répondre par nos amés & féaux Garde-Scels def» dites Chancelleries en leurs propres & privés

>>> noms. >>

Il y a encore fur cette matiere deux Déclarations du Roi de 1683 & 1686; mais il en eft une troifieme du 22 Mai 1723, regiftrée au Parlement de Toulouse le 14 Juillet fuivant, fur les difpofitions de laquelle on doit fe fixer.

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