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L'Article premier porte: « qu'il ne sera expédié » aucunes Lettres de rémiffion dans les Chancelle»ries établies près les Cours fouveraines, fi ce n'est » pour les homicides purement involontaires & arri» vés par cas fortuit, ou dans les cas où ceux qui » les auront commis y auront été contraints par la » néceffité d'une légitime défenfe, & pour éviter un » péril évident de la vie, fans qu'il y ait eu aucune » querelle qui ait pu y donner occafion. >>

Il faut donc, d'après cette Loi, que le meurtre ait été commis en cas fortuit; que celui qui l'a fait fût véritablement contraint de le commettre, étant en péril évident de perdre fa propre vie, ce qui

bannit en lui toute intention de tuer & toute idée de vengeance. Alors ce n'eft plus une action purement libre de fa part, puisque fa volonté n'y a pas concouru, qu'elle eft au contraire le fruit du hafard & de la. néceffité.

Auffi la fageffe de la Loi ajoute-t-elle, fans qu'il y ait eu aucune querelle qui ait pu y donner occafion. Car alors, fi quelque difpute, fi quelque querelle a précédé, il est très-facile de croire que la malice & la vengeance ont eu part au meurtre; ce n'eft plus le cas fortuit que le Législateur fuppofe, ni cette néceffité indifpenfable de donner la mort pour fauver une vie, qui doit être, felon la Loi, en péril évident; ce n'eft plus une action qu'on puiffe fuppofer abfolument involontaire; & quand elle n'eft pas accompagnée des conditions que le Législateur y attache que quelque circonstance indique qu'elle n'a pas été pleinement involontaire, ce n'eft que le Roi qui peut l'abolir & la pardonner.

Cela eft fi vrai, c'est que Sa Majefté, par ce même Article, fait de fuite défenfes à fes Confeillers-Secrétaires « de figner & de préfenter au Sceau & aux » Maîtres des Requêtes & Gardes-Scels desdites >> Chancelleries, de fceller aucunes Lettres de ré

>> miffion pour tous autres cas que ceux ci-deffus, » à peine de nullité des Lettres, & de plus grande >> s'il y échoit contre lefdits Officiers, & de tous » dépens, dommages & intérêts des Parties, & à fes » Cours & autres Juges de les entériner, à peine de » nullité des Arrêts & Jugemens. ››

Il est donc bien évident que pour pouvoir demander des Lettres de rémiffion aux Chancelleries établies près les Cours fouveraines, il faut que le meurtre ait été commis en cas fortuit dans un évident péril de fa vie, qu'il n'y ait eu aucune querelle antécédente qui ait pu y donner occafion; enfin, qu'il paroiffe par toutes les circonftances de l'action, qu'il n'y avoit pas de mauvais deffein de la part de celui qui a donné la mort.

Mais, fans même avoir donné la mort, on peut être dans le cas d'avoir befoin d'impétrer des Lettres de rémission, puisqu'elles font néceffaires à ceux qui, fans avoir commis un meurtre ni donné le moindre coup, fe font trouvés malheureusement en la compagnie d'un coupable, par exemple,

Jean & Pierre fe trouvent par hafard, & fans aucun deffein prémédité, à la compagnie de Jofeph, qui, faifant rencontre d'Antoine, l'excede & le laiffe fur le carreau; Jofeph, parfaitement coupable, ne peut demander fon pardon qu'au Roi; c'est le feul qui peut abolir fon crime; mais Jean & Pierre feront forcés d'impétrer des Lettres de rémiffion de la petite Chancellerie. Vide Lizet, en fa Pratique criminelle, titre 8 aux Notes de l'édition de 1609, in-8°., & M. Jouffe qui le cite, en expliquant l'Article III du Titre XVI de l'Ordonnance criminelle.

Ce dernier ajoute qu'il en eft de même d'un pere qui fe feroit trouvé dans une querelle où fon fils auroit tué quelqu'un, fans fe mettre en devoir de l'en empêcher; car quoique ce pere n'eût point frappé & n'eût été que fpectateur, néanmoins il n'eft pas

excufable de ne s'être pas mis en devoir d'empêcher fon fils, qu'il eft obligé d'avoir recours au pardon, qu'il en eft de même auffi à l'égard de fa femme, & d'un maître à l'égard de fon domeftique ; que dans ces cas les Lettres peuvent s'obtenir aux Chancelleries des Cours de Parlement.

Mais quand on eft dans le cas d'obtenir de pareilles Lettres, à quels Juges faut-il les adreffer? C'eft ce que nous enfeigne l'Article II de la Déclaration de 1723, qu'il nous fuffit de copier, puisqu'il porte la diftinction qu'il faut faire.

« Ordonnons, dit cet Article , que l'adreffe des >> Lettres de rémiffion, expédiées efdites Chancelle>>ries, ne pourra être faite, lorfque les Impétrans » feront de condition roturiere, qu'à nos Baillis & » Sénéchaux, ou autres Juges reffortiffant nûment » en nos Cours, & dans le reffort defquels l'homicide >> aura été commis, fans que, fous prétexte d'Arrêt » de défenfe ou d'appel de décret, ou autres pro»cédures d'inftruction, ni en tels autres cas que ce » foit, lefdites Lettres puiffent être adreffées à nos >> Cours, fi ce n'eft feulement aux cas où elles fe » trouveroient faifies de l'appel des Jugemens défi» nitifs des premiers Juges, & que les Impétrans » auront été transférés en leurs prifons, & leurs » procès apportés en leurs Greffes; ce que nous >> voulons être pareillement exécuté pour l'adreffe » des Lettres de grace qui feront expédiées en notre » grande Chancellerie, & fignés en commandement » par nos Secrétaires d'Etat. »>

Il faut réunir les difpofitions de cette Déclaration à celle des Articles XI, XII & XIII du Titre XVI de l'Ordonnance criminelle. Le onzieme dit : « que dans >> les Lettres de rémiffion, pardon, pour efter à droit, » rappel de ban & de galeres, commutation de >> peine, réhabilitation & révision de procès, obtenues par les Gentilshommes, ils feront tenus d'expri

» mer nommément leur qualité, à peine de nullité. Et pourquoi cela ? Parce que Sa Majefté a voulu les diftinguer de la roture, & que les Lettres qu'ils obtiennent doivent être adreffées aux Cours de Parlement.

L'Edit d'Amboife de 1572 ni l'Ordonnance criminelle n'ont pas eu en vue précisément d'accorder en çela une faveur aux Gentilshommes; mais ce qui a déterminé cette difpofition, c'eft que des gens de cette qualité acquierent ordinairement dans leur Province & dans leur voifinage une fi grande autorité, que beaucoup de Juges craignent, n'ofent & ne veulent rien entreprendre fur eux, ce qui leur feroit un moyen de rendre leurs crimes impunis.

L'Article XII porte: «< que les Lettres obtenues par » les Gentilshommes ne pourront être adreffées qu'à » nos Cours, chacune fuivant fa juridiction & la >> qualité de la matiere, qui pourront néanmoins, fi » la Partie le requiert & qu'elles le jugent à propos, » renvoyer l'inftruction fur les lieux. »

Nous voyons par là que les Lettres de rémiffion que demandent les Gentilshommes doivent être adreffées aux Cours fouveraines, chacune fuivant fa juridiction, c'est-à-dire, à la Cour de laquelle reffortit la juridiction dans le territoire de laquelle le crime a été commis, & à laquelle la connoiffance du crimé appartenoit, comme juridiction du lieu du délit, &. comme attribuée par l'Article I du Titre I de l'Ordonnance criminelle.

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La qualité de la matiere peut changer cet ordre quand la connoiffance du crime en est attribuée à des juridictions particulieres. Par exemple, dit M. Joufle, quand les homicides font commis par les Employés du Roi, en exerçant leurs fonctions, ceux qui font commis par les Officiers de Maréchauffée & gens de Guerre exerçant leurs charges, &c.

Après s'être occupés des Lettres qu'obtiennent les

Gentilshommes, le Législateur fixe l'adreffe que doivent porter celles impétrées par les Roturiers.

« L'adreffe des Lettres obtenues par des perfonnes » de qualité roturiere, dit l'Article III, fera faite à » nos Baillis & Sénéchaux des lieux où il y aura » Préfidial; & dans les Provinces où il n'y aura point » de Siege Préfidial, l'adresse fe fera aux Juges >> reffortiffans nûment en nos Cours, & non autres, » à peine de nullité des Jugemens. >>

L'exécution de cet Article devint un fujet de contestation entre les Bailliages & Sénéchauffées auxquelles font unis des Sieges Préfidiaux, & entre les fimples Bailliages & Sénéchauffées qui reffortiffent nûment aux Cours de Parlement; ce qui détermina Sa Majefté, de rendre une Déclaration le 27 Février 1703, dont le préambule annonce tout-à-la-fois le fondement des prétentions respectives & les motifs de la décision, ce qu'il feroit trop long de rapporter.

Elle ordonna en conféquence des anciennes Ordonnances (on copie), « que l'adreffe des Lettres » de rémiffion, pardon & autres de femblable qua»lité, obtenues par des perfonnes de condition ro» turiere, feroit faite à nos Baillis & Sénéchaux » reffortiffans nûment en nos Cours de Parlement, » dans le reffort defquels le crime aura été commis » fans que nos Baillis & Sénéchaux des lieux où il » y a Préfidial puiffent prétendre que l'adreffe leur » en doive être faite, fi ce n'eft lorfque le crime >> aura été commis dans le reffort de leurs Bailliages » & Sénéchauffées; dérogeant à cet égard en tant » que de befoin feroit à la difpofition de l'Article >> XIII du Titre XVI de notre Ordonnance du mois » d'Août 1670, & de tous autres Edits & Décla>>rations à ce contraires. >>

Aujourd'hui tout eft réglé par la Déclaration du 22 Mai 1723, dont nous avons rapporté la teneur des deux premiers Articles, aux difpofitions defquels

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