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queftion contre les Grecs, & leur dirent: Vous AN. 1234. avez dit & fort bien qu'un catholique doit con1. Jan, feffer publiquement ce qu'il croit. Vous devez donc nous dire fi vous croïez que le Saint-Eprit ne procede pas du Fils. Ils répondirent: Nous ne eroions pas qu'il procede du Fils. Ce n'est pas là, dirent les nonces, ce que nous demandons. mais fi vous croïez & fi vous dites qu'il ne pro cede pas du Fils.

Les Grecs ne voulurent point l'avoüer préci fément mais ils prefferent les nonces de répondre à leur question. Ceux-ci voïant qu'il étoit nuit ne croïoient pas devoir entamer une fi grande matiere : mais les Grecs presserent, & firent allumer dans le palais des flambeaux de cire & des lampes. Les nonces ainfi pressez répondirent: Votre premiere queftion est de fçavoir qui a fait cette addition: Nous difons que c'eft JESUS-CHRIST. Où ? Dans l'évangiJ..xvi. 13. gile, lorsqu'il a dit : Quand l'Esprit de verité fera venu, il vous enfeignera toute verité. Pourquoi ? pour l'inftruction des fideles & la confufion des heretiques qui devoient nier cet article: car quiconque ne le croit pas eft en voïe de perdition. Nous prouvons cette verité par l'évangile, , par les épîtres de faint Paul, par les écrits de vos peres, par les nôtres, fi vous les voulez recevoir: comme faint Auguftin, faint Gregoire, faint Jerôme, faint Ambroife, faint Hilaire, & plufieurs autres.

A ces mots les Grecs demeurerent en filence comme tout étonnez, & l'empereur dit en grec: Calos : c'est-à-dire, fort bien. Et après avoir long-temps confulté avec fes fçavans, il dit aux nonces: Montrez-nous où il eft dit dans l'évangile que le Saint-Efprit procede du Fils. Jo. xvi. 13. Un d'eux lut ce paffage de faint Jean: Quand P'Efprit de verité fera venu il vous enfeignera

Route verité; & il ajoûta: En difant l'Esprit de verité, il dit que le Saint-Efprit procede de la AN. 1234. verité; & c'est ce que nous voulons prouver. 21. Jany, Les Grecs firent entrer un de leurs philofophes pour répondre, & les nonces lui demanderent; L'efprit en ce paffage pour quel efprit fe prendil? Il répondit: Pour le Saint-Efprit. Et la verité fe prend-elle ici pour JESUS-CHRIST, OU non? Il répondit : La verité eft de plusieurs fortes, l'une des propofitions complexes, l'autre des incomplexes: puis étant preffé, il dit qu'en ce paffage la verité ne fignifioit pas JESUS-CHRIST, mais la verité créée. Enfuite il fut obligé de s'en dédire & d'avouer que le Saint-Esprit eft l'efprit de JESUS-CHRIST. Les nonces demanderent pourquoi il est nom, mé l'efprit du Fils de Dieu ? Les Grecs ayant confulté, répondirent: Parce qu'il eft de même fubftance que le Fils. Donc, reprirent les nonces, le Pere étant confubftantiel au Fils doit être auffi nommé l'efprit du Fils, ce qui eft faux. Alors ils fe feparerent, & il étoit près de minuit.

XXXI. Suite des conferen

ces.

Jan

Le dimanche les nonces s'occuperent à l'office divin; & le lundi de la feconde femaine vingttroifiéme de Janvier ils vinrent le matin au palais: où comme ils commençoient à difputer contre les philofophes des Grecs, l'empereur leur 23. dit par maniere de reproche: Vous devriez montrer fimplement la verité de cette question, fans philofophie & fans fyllogifmes: cette maniere de difputer ne produit que des contestations & des querelles. Les nonces répondirent: Un ferviteur de Dieu, comme dit faint Paul, 2. Tim, x vo ne doit point quereller; auffi aimons nous beau- 24. coup mieux montrer la verité fimplement: mais nous pouvons dire avec le même Apôtre que c'est vous qui nous avez contraints de n'ê

2. Cor. XII.

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que

tre pas fages, en nous reduifant par vos répon AN. 1234. ses à nous écarter de nôtre fimplicité. Nous de23. Janu. mandâmes hier à vos philofophes pourquoi le Saint-Esprit eft nommé l'efprit du Fils de toute éternité. Il femble qu'on ne peut en donner trois raifons: ou parce qu'il eft de même substance, comme répondit vôtre docteur: ou parce que le Fils envoye le Saint-Efprit dans les créatures, ou parce que le Saint-Elprit procede de lui. Nous avons réfuté la premiere raison: nous détruifons la feconde en difant que le Saint-Esprit eft l'efprit du Fils de toute éternité, & toutefois le Fils ne l'a pas envoyé de toute éternité dans les créatures. Refte donc la troifiéme, qu'il eft nommé l'efprit du Fils, parce qu'il procede de lui.

,

Les Grecs ayant oüi cette raison, demanderent qu'on la leur donnât par écrit ; & les nonces l'ayant d'abord donnée en latin, ils demanderent qu'on la leur traduisît en grec: ce qui fut fait. Enfuite ils demanderent le temps d'en déliberer, & on leur accorda le jour même lundi & le mardi. Le mardi au foir on manda les nonces pour venir chez le patriarche, où ils trouverent fon clergé affemblé; & il fit apporter un long écrit, contenant, difoit-il, la répon24. Janv. fe à leur opinion. Les nonces en ayant oui la lecture y trouverent plufieurs fauffetez, & plufieurs puerilitez ridicules. Ils délibererent s'ils le recevroient, & s'y refolurent, plûtôt pour la confufion des Grecs, que pour leur propre confolation. Mais les Grecs confiderant que les nonces faifoient peu de cas de leur écrit, leur dirent: Retirez-vous avec la grace de Dieu, & nous vous envoyerons incontinent cet écrit. Après qu'ils furent partis les Grecs refolurent de compofer un nouvel écrit, où ils changerent la plus grande partie de ce qui étoit dans le pre

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mier, & y ajoûterent plufieurs propofitions nouvelles. Ils y emploïerent tant de temps, qu'ils AN. 123 4. l'envoierent aux nonces lorfqu'ils alloient fe mettre au lit, c'eft pourquoi ils remirent au lendemain à le traduire.

Le mercredi après la meffe & l'office, ils s'appliquerent à cette traduction de grec en latin. Cependant le patriarche envoïa s'excufer d'affifter ce jour-là à la conference, parce qu'il étoit fort indifpofe; mais après leur repas l'empereur les manda, & on s'affembla chez le patriarche. Les Grecs demanderent d'abord aux nonces s'ils avoient vû leur écrit. A quoi ils répondirent, que la traduction n'étoit pas encore écrite; comme il étoit vrai: toutefois pour ne pas perdre de temps, "ils dirent: Qu'on life l'écrit devant nous, & nous y répondrons. Un des philofophes fe leva & commença à lire l'écrit qui étoit long & plein de fyllogifmes & de termes de dialectique contre la défense de l'empereur. Ils vouloient examiner à la rigueur selon les régles de cet art, ce que les nonces avoient avancé fimplement & fans raisonner en forme.

25.Janvier.

Les nonces répondirent donc fortement à cet écrit, & l'empereur voïant la peine qu'avoient les fiens à le défendre, dit: Laiffons cet écrit qui ne produit que des difputes: avançons & montrez par les Peres la verité de ce que vous foûtenez. Alors un des nonces bien inftruit dans les livres des Grecs, ouvrit faint Cyrille & lut le neuvième de fes anathêmes, où il condamne, quiconque dit que JESUS-CHRIST a Conc. Eph. reçu du Saint-Esprit une puiffance étrangere Sup. liv. pour faire des miracles; au lieu de dire qu'il les xxv. n. 22, operoit par l'efprit qui lui étoit propre. Et dans l'explication de cet anathême faint Cyrille dit, que le Saint-Esprit eft du Verbe, & fubftantiel

par. 1.c.26.

lement en lui. Or, ajoûtoient les nonces, une AN. 1234. perfonne divine ne peut être d'une autre que par generation, ou par proceffion : le Saint-Efas. Janv. prit ne vient pas du Fils par generation, c'est donc par proceffion. Les Grecs chicanerent encore un peu fur cette preuve, puis on se re

XXXII.

tira.

Le jeudi vingt-fix les nonces déclarerent. Queftion qu'ils ne vouloient plus difputer fur l'article du de l'Eucha- Saint-Efprit. Car, difoient-ils, fi vous ne vouriftie diffe- lez pas acquiefcer à la verité manifefte, que26. Janv. pouvons-nous vous propofer de plus? Or l'em

rée.

pereur doit partir demain de cette ville, & nous voulons parler en fa prefence de la feconde caufe de votre féparation. Les Grecs confentirent donc, quoiqu'avec peine, qu'on traitât du sacrement de l'autel, & voulurent que les nonces commençaffent. Ils déclarerent qu'ils procederoient fimplement fans argumenter en forme, de quoi les Grecs témoignerent être fort contens. Toutefois ils voulurent détourner la difpute à d'autres queftions fur l'azyme & le pain levé, & confumer le temps en difcours frivoles jufques à l'heure du dîner. Enfin le patriarche dit: Montrez-nous comment & en quelle: maniere vous confacrez, & nous vous répondrons. Ils le firent, & le patriarche demanda tréve jufques après le repas.

Ils s'affemblerent donc encore l'après dînée & le patriarche dit: Nous avons nos freres le patriarche de Jerufalem, celui d'Alexandrie & celui d'Antioche, fans le confeil defquels il ne nous eft pas permis de répondre à vos propofitions. Nous convoquerons un concile pour la mi-Mars; nous vous prions d'y affifter; & vous entendrez ce qu'on vous répondra fur ce que vous nous avez propofé. Les nonces répondiLent: Nous vous avons affez déclaré que le pa

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