Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mille chevaliers. Aiant paffé les Alpes, il affembla fes troupes fous Verone, & fecondé par les AN. 1236. Cremonois, il attaqua Mantouë revoltée con

tre lui, & fit le dégat à l'entour. Le légat Jac- God. Mon. ques évêque de Paleftrine ne put l'arrêter, & fa 1236. négociation fut fans fruit, parce que l'empe

reur étoit perfuadé que le pape n'agiffoit pas fin- Matth. Par. cerement, & qu'il avoit promis fon fecours aux p. 376. Milanois & aux autres Lombards rebelles. D'ail- Vita Greg. leurs le légat devint fufpect à l'empereur, pour ap. Rain. avoir réuni entre eux les citoïens de Plaifance 1236. n. 8. fa patrie, quoiqu'il n'eût en cela fait que fon devoir. L'empereur ne voulut plus l'écouter, & le chargea d'injures & de menaces. Il porta même fes plaintes au pape de la conduite du légat auffi-bien que du fecours que le pape donnoit aux Lombards; & le pape lui écrivit pour la juftification une lettre, où il dit en substance.

Etant obligez,à l'imitation du Sauveur,de pro- x. ep. 253. curer la paix, nous avons envoïé en Lombardie ibid. un légat pour réconcilier les peuples de cette province avec vous, & entre eux-mêmes. Et le deffein que vous aviez d'y venir n'a pas dû vous détourner d'y envoïer: puifque vous n'y veniez, difiez-vous, que pour l'extirpation de l'herefie, le fecours de la terre fainte, le recouvrement des droits de l'églife & de l'empire, & le rétablissement de la paix: ajoûtant que vous ne prétendiez rien faire que par notre confeil. Or nous avons choifi pour cette légation un homme qui devoit être d'autant moins fufpect, qu'il a tout quitté pour s'élever à la perfection de l'amour divin: & fa patrie ni fa famille ne doivent point donner d'ombrage, puifqu'il y a renoncé en embraffant la vie religieufe. C'eft que la ville de Plaifance étoit oppofée à l'empereur. Enfin, ajoûte le pape: Si vous avez quelque reproche contre lui, nous fommes prêts à Tome XVII.

I

vous en faire juftice. La lettre eft du vingt-troiAN. 1236. fiéme d'Octobre 1236.

ap. Matth.

Par. 1239.

1. 419.

Dans la même lettre le pape refute ce que l'empereur avançoit pour fa juftification au fujet des entreprifes fur les églifes du roïaume de Sicile, & dit: Encore qu'il foit permis aux églifes de traiter par échange avec les feigneurs elles ne doivent pas être contraintes à le faire à leur défavantage, ni fans le confentement du fupérieur au préjudice du ferment de ne pas aliener les biens d'églife. Suppofé que vous conferiez quelques benefices vacans, vous ne pou vez toutefois commettre la charge des ames qui y eft annexée, puifque c'eft un droit fpirituel dont un laïque n'eft pas capable: ni fubftituer d'autres titulaires à ceux qui font vivans, & n'ont point été deftituez juridiquement. Suppofé que vous fuccediez aux évêques morts pour la collation des benefices: vous n'y avez pas plus de pouvoir qu'eux, & nous ne perdons pas en cela le droit de conferer même du vivant de l'évêque, les benefices dont il n'a pas difpofè, Il femble que ce droit dont parle ici le Gregoire, foit la prévention fur les collateurs ordinaires.

le

pape:

pape

Le pape vient ensuite au neveu du roi de Tu nis, que l'empereur avoit mis en prison. Ce prince Mufulman avoit quitté le roi fon oncle qui le menaçoit de mort, prétendant vouloir embraffer la religion Chrétienne & venir à Ro me fe faire baptifer par mais Frideric perfuadé que ce n'étoit qu'un prétexte pour colorer fa fuite, l'avoit fait arrêter apparemment à la priere du roi de Tunis. Le pape lui en fait un grand crime, comme s'il vouloit empêcher la converfion du neveu, & ajoûite: Il ne vous eft pas permis d'ignorer que la faveur du baptê me ya jufques à délivrer les efclaves de la fet

vitude de leurs maîtres, s'ils veulent les empêcher de fe convertir. Cette maxime ainfi prife AN. 1236. en general feroit fauffe & propre à rendre odieu

1.2.

I. Cor. VII.

20.

1. Pet. 11.

fe la religion chrétienne. Elle feroit contraire à 1. Tim. vI. l'écriture: felon laquelle le baptême ne change rien à la condition des perfonnes, & il eft ordonné aux efclaves d'obeïr à leurs maîtres, quels qu'ils foient. Il eft vrai que dans les decretales de 18. c. 1. Gregoire IX. il ya deux chapitres qui défendent 2. de Jud. aux Juifs d'avoir des esclaves chrétiens: encore & Sax. le premier ordonne-t-il qu'on leur en payera le prix.

pe

Dans la fuite de la lettre le pape Gregoire renvoye l'empereur Frideric aux exemples de fes prédecefleurs, & ajoûte: Il eft manifefte que Conftantin dont la monarchie s'étendoit par tout le monde, du confentement du fenat & de tout le peuple de l'empire, a donné au pales ornemens imperiaux, la ville & le duché de Rome, que vous voulez revolter contre nous par l'argent que vous y répandez; & que laif fant l'Italie à la difpofition du faint fiége, il fe choifit en Grece une nouvelle refidence. D'où le faint fiége enfuite a transferé l'empire aux Germains en la perfonne de Charlemagne, fans diminuer en rien la fubftance de fa jurifdiction & de fa fuperiorité fur les empereurs, à qui l'églife donne le glaive dans leur couronnement. Par où vous êtes convaincu de déroger au droit du faint fiége, à vôtre foi & à vôtre honneur, en méconnoiffant celui qui vous a fait ce que Vous êtes. Ce ratfonnement feroit concluant fi les faits fur lefquels il eft fondé étoient verita

bles.

Godefr Mon, ann.

bardie où il attaqua Verone, prit Vicence all 1236. L'empereur cependant faifoit progrès en Lom- Mo

Ricard, S.

mois de Novembre de la même année 1236. & partic. Mais ayant appris la révol- Germ. eod. I ij 3 p. 1026. €

la brûla en

te du duc d'Autriche, il fut obligé de retour AN. 1236. ner en Allemagne. Avant que de partir il f de travailler à la paix de Lom Vita Greg. prier le pape bardie; & le pape y envoya deux nouveau p. Rain. légats, Rainald évêque d'Oftie & Thomas pr 1236. n.13. tre cardinal du titre de fainte Sabine

comm

il paroit par la lettre aux prélats de Lombardic pour leur recommander ces deux légats, datte Matth. Par. du vingt-neuvième de Novembre. L'empereu P. 366. retourna en Allemagne, défit le duc d'Autri che, le dépouilla de fes états, & paffa l'hyve à Vienne.

LXII.

heureux

Jourdain,

Cette année 1236. à la Pentecôte qui fut l Fin du bien- dix-huitiéme de Mai, le B. Jourdain tint à Pa ris le chapitre des freres Précheurs qui fur fecond très-general. Enfuite il paffa en Palefting pour visiter les faints lieux & les convents do fon ordre en cette province. Mais étant dans un Bern. Guid. vailleau fur les côtes de Galilée, il fut accueil Boll.13. d'une tempête que le fit perir avec deux freres de fon ordre & plufieurs autres perfonnes. Ceux qui fe fauverent de ce naufrage dirent depuis qu'avant que les corps de ceux qui y étoient morts fuffent enterrez, on avoit vû fur eux toutes les nuits des lumieres venant du ciel, & que

ap.
Febr. to. 4.

8.723.

ibid, p.730.

ex vitis pat. l'on avoit fenti une odeur très-agréable. Jour Pred. p.so. dain & fes deux compagnons furent d'abordenterrez fur le lieu: mais enfuite les freres Precheurs d'Acre vinrent avec une barque, & les transfererent dans leur églife. Le B. Jourdain mourut ainfi le treiziéme de Février 1236. c'està dire 1237. avant Pâques.

Il fe fit plufieurs miracles par fon interceffion, & on rapporte de lui plufieurs paroles remai quables. Il vint un jour trouver l'empereur Friderir; & après qu'ils eurent été long-tems aflis Boll.p.732. enfemble en filence, Jourdain dit: Seigneur, Vita PP. je vais en diverses provinces pour le devoir de

ma charge; c'eft pourquoi je m'étonne que yous ne me demandez pas les bruits qui courent. AN. 1237 L'empereur répondit J'ai mes envoyez dans toutes les cours & toutes les provinces, & je fçai tout ce qui fe fait par le monde. Jourdain reprit: JESUS-CHRIST fçavoit tout comme Dieu, & cependant il demandoit à fes difciples ce qu'on difoit de lui. Vous n'êtes qu'un homnie, & vous ignorez beaucoup de chofes que l'on dit de vous, & qu'il feroit fort à propos que vous fcuffiez. Or on dit que vous opprimez les eglifes, que vous méprifez les cenfures ecclefiaftiques, que vous croïez aux augures, que Yous favorifez trop les Juifs & les Sarrafins, que vous n'honorez pas le pape vicaire de JESUS-CHRIST. Affurément tout cela n'eft pas digne de vous. Telle fut la correction qu'il fit à l'empereur.

Un feculier lui dit un jour Maître, d'où vient ce que nous difons quelquefois entre nous que depuis que vos freres & les freres Mineurs font venus, le temps n'a point été fi bon, ni la ter-re fi fertile qu'auparavant? Jourdain répondit: Je pourrois le nier, & vous faire voir le contaire. Mais foit; je vous montre qu'il eftjufte. Car depuis que nous fommes venus au monde, nous l'avons inftruit & lui avons découvert plufieurs pechez qu'il ne connoiffoit pas,

que toutefois il ne veut pas éviter. Or ces pechez font plus grands étant commis avec connoiffance: c'eft pourquoi Dieu envoye de plus grands fleaux; comme la fterilité. Et j'ajoûte,que fi vous ne vous corrigez à prefent que vous fçavez ce que vous devez faire & éviter; il vous arrivera encore pis.

Comme il étoit en une abbaye de l'ordre de Ciftcaux, plufieurs moines l'environnerent & lui dircut: Maître, comment votre ordre pour

« AnteriorContinuar »