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Matt. XXIV.

12.

ra-t-il durer en ne vivant que d'aumônes ! A AN. 1236. prefent le monde a beaucoup de devotion pour veus; mais vous fçavez qu'il eft écrit que la charité fe refroidira. Il répondit avec une extrême douceur: Je vais vous montrer par vos propres paroles que vôtre ordre manquera plûtôt que le nôtre. L'évangile porte que la charité fe refroidira dans le même temps où l'iniquité abondera, & où s'éleveront des perfecutions infupportables. Or vous jugez bien que les perfecuteurs Yous ôteront vos biens temporels: & comme Vous n'êtes pas accoûtumez d'aller d'un lieu à Fautre demander l'aumône, vous perirez neceffairement. Nos freres au contraire feront alors difperfez, & feront un plus grand fruit, com48. v111. me les Apôtres lorfqu'ils furent feparez par la perfecution. Ils iront deux à deux à leur ordinaire cherchant leur vie. Je vous dis plus, ceux qui vous pilleront leur donneront volontiers: comme nous avons fouvent éprouvé, que les voleurs & les pillards nous donneroient avec joye de leur butin fi nous le voulions rece

4.

voir.

On lui demandoit pourquoi les artistes entroient plutôt dans fon ordre que les theologiens &les decretiftes. Il répondit: Les payfans ac coûtumez à boire de l'eau, s'enyvrent plus aifément quand ils trouvent de bon vin, que les nobles ou les bourgeois qui y font acccoûtumez. Les artistes boivent pendant toute la semaine de l'eau d'Ariftote & des autres philofophes : c'est pourquoi quand un dimanche ou une fête ils viennent au fermon & entendent les paroles de JESUS-CHRIST & de fes ferviteurs, ils y font aifément pris au lieu que les theologiens ont fouvent oiii de femblables difcours, & reffemblent à un facriftain fi accoûtumé à passer devant l'autel, qu'il ne falue plus.

Se trouvant dans une affemblée d'évêques, ils lui demanderent d'où venoit que les évêques ti- AN. 12374 rez de ces deux ordres fi parfaits de Prêcheurs & des Mineurs, ne réüffiffoient pas dans l'épifcopat. Vous devez, dit-il, vous en prendre à vous-mêmes, puifque ce relâchement ne leur arrive qu'après qu'ils ont paffé à votre ordre : car tant qu'ils ont été dans le nôtre nous les avons bien corrigez. De plus il y a long-temps que je fuis dans cet ordre, & je ne me fouviens point que le pape ni aucun prélat ou chapitre de cathedrale m'ait demandé ou à quelque autre fupérieur un bon fujet pour être évêque. Ils les choififfent eux-mêmes, ou par affection pour leur parens ou par quelqu'autre raifon peu fpirituelle. Il dit une autrefois il n'eft pas étonnant que nos freres ne fe conduifent pas fi bien dans l'épifcopat que les autres religieux : ils font plus éloignez de leur profeffion, qui leur défend de rien poffeder même en commun. On parloit un jour devant lui d'un grand perfonnage de l'ordre, & on difoit qu'il devoit être fait évêque : J'aimerois mieux, dit-il, le voir porter au tombeau, que fur une chaire épifcopale.

Jourdain nous a laissé une relation fuccinte M S. des commencemens de l'ordre des freres Precheurs, qui eft ce que nous avons de plus original touchant faint Dominique & fes premiers difciples. A la fin de cet écrit il marque l'occafion pour laquelle on inftitua dans l'ordre de chanter aprés complies l'antienne Salve regina. Au c. 59. 60% convent du Boulogne étoit un frere nommé Bernard, qui pour l'expiation de fes pechez paffez demanda à Dieu quelque pénitence finguliere, & après en avoir beaucoup déliberé confentit enfin d'être obfedé du démon, comme il le fut c. 61. en effet. Or cette affliction de frere Bernard fut la premiere occafion de chanter Salve regina dans

1238.n.73.

la maifon de Boulogne, d'où cet ufage s'étendie AN. 1237. à toute la province de Lombardie & enfuite à ap. Rain, tout l'ordre. L'auteur de la vie de Gregoire IX. dit que ce pape ordonna que le vendredi après tout l'office achevé on chanteroit cette antienne; & le rapporte avec ce que le pape fit en 1238. d'où l'on peut inferer qu'il établit cette dévotion à l'imitation des freres Prêcheurs.

Vit. S.

Raim. 7: Jan. Boll.

#. 1. p. 411.

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roc.

Le bienheureux Jourdain avoit gouverné l'ordre des freres Prêcheurs prés de feize ans. Pour élire un nouveau general on affembla le chapitre à Boulogne ; & comme les peres affemblez ne s'accordoient pas fur le choix, on ordonna des prieres au tombeau de faint Dominique, après lefquelles étant revenus à l'élection, ils élurent tout d'une voix Raimond de Pegnafort, quoiqu'abfent. Il eut d'abord grande répugnance à accepter cette charge: mais les principaux peres de l'ordre étant venus de Boulogne à Barcelone, lui firent comprendre que c'étoit la volonté de Dieu, & il s'y foûmit. Toutefois il ne garda la charge que deux ans.

Vers le temps où Raimond fut élu maître ge Evêchez de neral des freres Prêcheurs le pape lui adrefla la Majorque commiffion d'établir un évêque à Majorque con& de Ma- jointement avec les évêques de Vic & de LeriSup. n. 1. da. Nous avons vû que dès l'année 1230. Jacques roi d'Arragon avoit conquis fur les Maures Fifle de Majorque, & avoit prié le pape d'y ériger une cathedrale, ce qu'il n'avoit pu obtenir alors. Le pape l'accorda enfin par fa bulle du lib. x1. ep. neuviéme de Juillet 1237. par laquelle il commet les deux prélats & Raimond pour donner un digne pafteur à cette églife: qui appartient, dit-il, au faint fiege fans moïen. Il ordonne aux deux évêques de le facrer, appellant avec eux le nombre légitime d'évêques, mais d'ailleurs que de la province de Tarragone. Depuis

159. a. Rain.

1237.n.27.

AN. 1237.

l'évêque de Majorque a été fotmis à la métro- pole de Valence, comme il eft encore à prefent. Le premier fut Bernard abbé de faint Felix de Jo. Damet. Guixale. hift. Balear.

lib. 2.

1246. R. 9.

légat en

Sardaigne.

n. 16. 17.

Le pape donna auffi un évêque à la ville de MarcaHifp. Maroc en Afrique, où le nombre des chrétiens p. 525! étoit grand au milieu des infideles. Il choifit pour x1. ep. 137. cette églife frere Agnel homme fage & lettre, qui Rain. n.28. avoit quitté le monde pour fe confacrer à Dieu . Vading. dans l'ordre des Mineurs, & le facra de fa main, comme il témoigne dans fa bulle du douzième de Juin 1237. Dès l'année précedente le pape avoit envoyé LXIV. pour légat en Sardaigne & en Corfe Alexandre, Alexandre fon chapelain pour y maintenir la difcipline ecclefiaftique, & conferver les droits temporels de Rain. 1 237l'églife Romaine. On garde à Rome des actes blics, par lefquels il paroît qu'Ubalde juge de Galloury, & de Torre en Sardaigne du chef de fa femme Adelafie, reconnoît tenir en fief de l'égli- · fe Romaine ces terres & quelques autres. On trouve une pareille déclaration de Pierre feigneur d'Arbora, dattée du vingt-huitiéme d'Avril 1237. & par une autre il promet tous les ans à l'église Romaine une redevance d'onze cens befans d'or. Dans l'ifle de Corfe la corruption étoit grande entre le clergé; & les évêques mêmes leur donnoient mauvais exemple à quoi le légat Alexandre fut chargé de remedier.

pu

.

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AN. 1237.

I.

Otton car

dinal légat

en Angle

terre.

Lib. x. ep. 202. ap.

Rain. 1236.

3.49.

LIVRE QUATRE-VINGT-UNIE' ME.

E's l'année 1236. Henri III. roi d'Angleterre, avoit prié le pape Gregoire de lui envoïer un légat à latere, mais le pape ne le jugea pas à propos pour lors,comme il le témoigna par fa lettre du vingt-uniéme d'Août. Il l'envoya au come mencement de l'année suivante 1237. & étendit fa légation au païs de Galles & à l'Irlande: par la lettre adreffée aux prélats de l'Angleterre & de ces deux provinces, en datte du douzième de Février. Ce legat fut Otton cardinal diacre du titre de faint Nicolas, & après qu'il fut parti le pape étendit encore fa légation fur l'Ecoffe, & le fit sçavoir au roi Alexandre par fa lettre du dixiéme de Matth. Par. Mai. Comme le roi Henri avoit fait venir ce an. 1237.p. légat à l'infçu des feigneurs d'Angleterre, plufieurs en furent indignez, & difoient : Le roi renverfe tout & ne tient point fes promeffes:

371.

to. XI. conc. P.525.

il

a fait venir en cachete ce légat qui change toute la face du royaume. On difoit aufli qu'Edmond archevêque de Cantorberi avoit fait au roi des reproches fur fa conduite, particulierement fur la demande du légat: fçachant que fa dignité en fouffriroit outre l'interêt public. Mais le roi fans écouter le confeil de ce prélat, ni d'aucune autre perfonne, ne voulut point fe défifter de fa réfolution. Le légat Otton arriva en Angleterre vers la faint Pierre, c'est-à-dire à la fin de Juin, & y entra avec beaucoup de fuite & d'apparat: les évêques & les plus confiderables du clergé allerent au-devant jufques à la mer, quelques-uns même s'avancerent dans des barques & lui offrirent des prefens ineftimables. Plufieurs évêques lui envoyerent leurs deputez

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