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noient du païs de Coüarzem au Nort de la CoAN. 1244. rafane. Le prince de cette nation nommé fultan Mahomet Couarzem-fchah aïant été dépoffedé par Ginguis-can environ vingt-trois ans auparavant & le païs ravagé, ce peuple demeura errant cherchant des terres où il pût fubfifter; & il vint jufques à Jerufalem de la maniere qui eft racontée dans une lettre écrite d'Acre le vingtcinquième de Novembre 1244. par Robert patriarche de Jerufalem, Henri archevêque de Nazareth, & d'autres prélats du païs, & adreffee à tous les prélats de France & d'Angleterre. En voici la fubftance:

. Sanut.

P. 217.
ap. M. Par.
8. 5.56.

Les Tartares détruifant la Perfe ont tourné leurs armes contre les Corofmins & les ont chalfez de leurs païs, en forte que n'aïant plus d'habitation certaine ils en ont demandé à plufieurs princes. Sarrafins fans en pouvoir obtenir: mais le fultan de Babilone ne voulant pas les recevoir chez lui leur a abandonné la terre fainte, les invitant à s'y établir, & leur promettant fom fecours. Ils font donc venus avec une grande armée de cavalerie, menant leurs femmes & leurs familles, & fi fubitement, que ni nous, ni ceux qui étoient proche n'ont pû le prévoir: ils font entrez dans la province de Jerufalem du côté de Saphet & de Tiberiade, & fe font emparez de tout le païs depuis le Tourion des chevaliers jufques à Gazare. Alors de l'avis unanime des maîtres du Temple, de l'Hôpital & des chevaliers Teutoniques & de la nobleffe du païs, nous avons refolu d'appeller à notre fecours les fultans de Damas & de la Chamele nos alliez & ennemis particuliers des Corofmins. Mais comme ce fecours tardoit à venir & que Jerufalem eft fans aucune fortification: les Chrétiens qui étoient dedans fe trouvant trop peu pour réfilter aux Corofmins, ont réfolu d'en fortir au

hombre de plus de fix mille, pour venir chez les utres chrétiens, laiffant très-peu des leurs dans ville.

Ils fe font donc mis en chemin par les mon-tagnes, avec leurs familles & leurs biens : se fiant aux treves qu'ils avoient avec le fultan de Carac, & avec les payfans Sarrafins des montagnes. Mais ceux-ci sortant contre ces Chrétiens en ont tué une partic, & pris une partie efclaves, qu'ils ont vendus à d'autres Sarrafins, mê-meles religieufes. Quelques-uns s'étant échapez & defcendus dans la plaine de Rama, les Corofmins ont fondu fur eux & les ont tuez: en

forte que de ce grand peuple à peine s'en eft-il fauvé trois cens. Enfin les Corofmins font en- p.555.5574 trez dans Jerufalem prefque deferte; & comme les Chrétiens qui y reftoient s'étoient réfugiez dans l'église du faint Sepulchre, ces barbares les ont tous éventez devant le fepulchre même, & ont coupé la tête aux prêtres qui celebreient. fur les autels: fe difant l'un à l'autre : Répandons ici le fang des Chrétiens, où ils offrent du vin à leur Dieu, qu'ils difent y avoir été pendu. Ils défigurerent en plufieurs manieres le faint fepulcre, arracherent le marbre dont il étoit revêtu en dehors, profanerent le Calvaire & toute l'églife par toutes fortes d'ordures; & envoyerent au fepulchre de Mahomet les colomnes qui étoient devant celui de nôtre-Seigneur. Ils rompirent les tombeaux des rois qui étoient dans la même églife, c'est-à-dire de Godefroi de Bouillon & de fes fucceffeurs, & difperferent leurs os. Ils profanerent le mont de Sion, le temple, l'églife de la vallée de Jofaphat où eft le fepulcre de la fainte Vierge: ils commirent dans l'églife de Bethlehem & la grotte de la nat tivité des abominations que l'on n'ofe dire. En quoi ils furent pires que tous les Sarrafins, qui

ont toûjours confervé quelque refpect pour les AN. 1244. faints lieux. Ce recit fait voir avec quelle précaution on doit lire les relations modernes de l'état des mêmes lieux faints.

La lettre continuë: Ne pouvant souffrir de fi grands maux & voulant empêcher les Corof mins de détruire tout le pays, nous refolûmes de nous oppofer à eux avec les deux fultans qui ont été nommez; & le quatrième jour d'Octobre notre armée fe mit en marche près d'Acre, & s'avança fuivant la côte par Ĉefarée & les places maritimes. Les Corofmins camperent devant Gazare, attendant le fecours que devoit leur envoyer le fultan de Babylone. Quand ils Feurent reçu nous étant approchez nous donnâmes la bataille la veille de la faint Luc, c'est-à-dire, le lundi dix-feptiéme d'Octobre. Les Sarrafins qui étoient avec nous furent battus & prirent la fuite; & nos gens demeurez feuls contre les Corofmins & les Babyloniens fe trouverent en fi petit nombre, que nonobftant leurs efforts ils fuccomberent. Dès trois ordres militaires il ne fe fauva que trentetrois Templiers, vint-fix Hofpitaliers & trois chevaliers Teutoniques: la plupart des Scigneurs & des chevaliers du pays furent tuez ou pris.

Nous avons prié le roi de Chipre & le prin ce d'Antioche d'envoïer des troupes pour la défenfe de la terre fainte en cette extrémité: mais nous ne fçavons ce qu'ils feront. Cependant quelque grande que foit notre affliction pour le paffé, nous craignons encore plus pour l'avenir. Car le pays que les chrétiens avoient conquis fe trouve deftitué de tout fecours humain; & les infideles font campez dans la pleine d'Acre à deux milles de la ville. Ils courent librement par tout le pays jufques à Nazaret & Saphet, &

reçoivent des païfans & des autres habitans les Contributions que les Chrétiens en tiroient; car AN. 124§§. tous ces habitans fe font revoltez contre nous pour s'attacher aux Corefmins. Enforte qu'il he reste aux Chrétiens que quelques forteresses, qu'ils ont grande peine à défendre. La conclufron de la lettre eft que la terre fainte eft perdue, fi elle ne reçoit du fecours au paffage du mois de Mars prochain. Les porteurs de cette lettre furent Galeran évêque de Beryte & Arnoul de l'ordre des freres Prêcheurs, qui s'embarquerent le premier dimanche de l'Avent vingtfeptiéme de Novembre 1244. nonobstant la rigueur de sa saison ; & après fix mois d'une navigation très perilleuse arriverent à Venife vers Afcenfion, qui cette année 1245.é étoit le dou

ziéme de Mai.

Petr. de

I 244. n. 2.

L'empereur Frideric reçut plûtôt la nouvelle de l'irruption des Corafmiens, comme il paroît par deux lettres qu'il écrivit fur ce fujet. Dans la premiere adreffée à tous les princes du monde, Vin, 1. ep. il dit en avoir reçu l'avis de la part du patriar- 28. che d'Antioche, après en avoir oui déja quel- ap. Rain. p. que bruit; & il ne parle en cette lettre que de la venue des Corafmiens, de la fuite des Chrétiens en Jerufalem, du carnage qui en fut fait, & de la profanation des lieux faints. Il témoigne être dans l'impatience d'apprendre le fuccès de la jonction des Chrétiens avec les fultans de Damas & de Carac: mais il fe plaint de ce que l'on a rompu la tréve que le comte de Cornouaille avoit faite avec le fultan d'Egypte ; & que la guerre d'Italie & fes differends avec les papes Pont empêché de fecourir la terre fainte comme il défiroit.

La feconde lettre de l'empereur eft adreffée Matth. Par. au comte de Cornouaille fon beau-frere, & dat- an. 1244. tée de Fogia le vingt-fixiéme de Février indic- p. 146.

tion troifiéme, c'eft-à-dire l'an 1245. Il y dé AN. 1245. plore la malheureuse journée du dix-feptiéme d'Octobre, & en rejette la faute fur le patriarche de Jerufalem, qui voulant avoir feul l'honneur de la victoire a fait donner la bataille à contretemps. Il fe plaint encore de la rupture de la tréve qu'il avoit faite avec le fultan d'Egypte, & de la fimplicité de ceux qui fe font fiez à l'alliance des fultans de Damas & de Carac ; & finit par la guerre d'Italie qui le retient, & les propofitions avantageufes de paix qu'il accufe le pape d'avoir refufees.

XX.

tion d'un

Cependant le pape Innocent fit expedier des Convoca- lettres circulaires aux archevêques pour la conconcile gevocation du concile general, où il dit: JESUSneral. CHRIST a donné ce privilege à son églife, to. XI. conc. que par son miniftere la justice obtient fon effet, p. 636. ap. & les guerres font appaifées. Voulant donc Rain. 1245 rétablir dans fa fplendeur l'église agitée par une Matth. Par. horrible tempête, pourvoir au péril de la terre

2. I.

.976.

fainte, relever l'empire de Romanie, réprimer les Tartares & les autres infideles, & terminer l'affaire entre l'églife & le prince: nous avons réfolu d'appeller les rois, les prélats & les autres princes. C'est pourquoi nous vous mandons de venir en perfonne à notre prefence dans la faint Jean prochaine, afin que l'église reçoive de vous un confeil utile. Or vous devez sçavoir que nous avons cité publiquement ce prince, c'est-à-dire Frideric; pour comparoître dans le concile par lui ou par fes envoïcz, répondre aux plaintes propofées contre lui & y fatisfaire. Vous aurez foin de moderer le nombre des perfonnes & des chevaux de votre fuite, en forte que vous ne foïez point trop à charge à votre églife. Vous ordonnerez auffi de notre part à vos fuffragans de venir dans le même terme & à leurs chapitres d'envoïer des députez.

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