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quoi Thadée s'efforça de répondre, montrant
des lettres du pape dont il prétendoit qu'il n'a- AN. 1245.
voit pas executé le contenu; & en concluoit 28. Juin.
que l'empereur n'avoit pas été non plus tenu

de fes promeffes. Quant aux reproches d'herefie
il dit en regardant l'affemblée: Seigneurs, per-
fonne ne peut
être éclairci fur cet article fiim-
portant, à moins que l'empereur mon maître
ne foit prefent, & ne déclare de fa bouche ce
qu'il a dans le cœur. Mais je donne un argu-
ment probable qu'il n'eft point heretique, c'eft
qu'il ne fouffre point d'ufuriers dans les états.
Par là Thadée notoit indirectement la cour de
Rome, que l'on accufoit d'être infectée de ce
vice. Quant à la liaifon de Frideric avec le ful-
tan d'Egypte & les autres Sarrafins, à qui il
permettoit de demeurer dans fes terres : il le fait
exprès, dit Thadée, & par prudence, pour
contenir fes fujets rebelles & féditieux, & pour
épargner le fang chrétien dans les guerres où il
employe ces infideles. A l'égard des femmes.
Sarrafines, elles ne lui ont fervi que d'un fpec-
tacle agreable: & voyant qu'elles donnoient de
mauvais foupçons, il les a congediées pour toû-
jours. Enfuite Thadée fupplia le concile de lui
accorder un petit delai pour écrire à l'empe-
reur, & le perfuader, s'il pouvoit, de venir en
perfonne au concile, ou lui envoïer un pouvoir
plus ample A quoi le pape répondit: A Dieu
ne plaife. Je crains les pieges que j'ai eu tant de
peine à éviter. S'il venoit je me retirerois auffi-
tôt je ne me fens pas encore preparé au martyre
ni à la prifon. Ainfi fe termina la premiere session.
du concile.

Seconde

Le feconde se tint huit jours après, fçavoir le xxvI. mercredi cinquiéme de Juillet, & on y observa les mêmes prieres & les mêmes ceremonies. feffion. Alors Oudar évêque de Calvi en Poüille, qui. 630.

1

avoit été tiré de l'ordre de Cifteaux & qui étoit AN. 1245. exilé fe leva, décrivit toute la vie de Frideric, 5. Juillet, n'épargnant ni fes. vices ni fes infamies ; & Vghel.to.6. dit qu'il tendoit principalement à ramener les p. 603.

p.661.662.

prélats & tout le clergé à la pauvreté où ils
étoient du temps de la primitive églife: ce qui
paroiffoit par les lettres qu'il envoyoit de tous
côtez. Enfuite fe leva un archevêque d'Espa-
gne, qui exhorta fortement le pape à proceder
contre l'empereur rapportant plufieurs entre-
prifes qu'il avoit faites contre l'églife, & que
fon intention avoit toûjours été de la déprimer
autant qu'il pourroit. Cet archevêque promet-
toit au pape que
lui & les autres prélats d'Efpa-
gne l'aflifteroient de leurs perfonnes & de leurs
Biens autant qu'il defireroit: or les Espagnols
étoient venus au concile en plus grand nombre &
à plus grand train qu'aucune autre nation. Plu-
fieurs autres prélats du concile firent les mêmes
offres.

Alors Thadée fe leva, & regardant l'évêque de Calvi lui dit : On ne doit point ajoûter foi à vos paroles, ni même vous écouter. Vous êtes le frere d'un traître, qui a été convaincu juridiquement dans la cour de l'empereur mon maître & pendu, & vous marchez fur fes traces. Le prélat fe tût, & Thadée repoussa avec la même vigueur les accufations de quelques autres. Plufieurs parens & amis de ceux qui avoient été noyez dans la mer ou emprisonnez quatre ans auparavant réprochoient cette action à l'empereur. A quoi Thadée répondit: Il ca fut veritablement affligé, & ce malheur arriva contre fon intention: mais il ne put empêcher que dans ce combat naval & la chaleur de l'action les prélats ne fuffent confondus & enveloppez avec les ennemis. S'il avoit été préfent il auroit eu foin de les délivrer. Le pape objecta,

Après qu'ils furent pris, pourquoi ne laiffa-t'il pas aller les innocens en retenant les autres? Tha- AN. 1245. dée répondit: Il faut fe fouvenir que le pape Gre- 5. Juillet goire avoit changé la forme de la convocation du concile: en ce qu'au lieu de n'y appeller que les perfonnes néceffaires, il y avoit appellé des ennemis déclarez de l'empire, des laïques qui venoient à main armée, comme le comte de Provence & d'autres. On voïoit clairement qu'ils n'étoient pas appellez pour procurer la paix, mais pour exciter le trouble. C'eft pourquoi l'empereur envoïa des lettres par tous les païs, pour prier amiablement les prélats de ne point venir à ce concile frauduleux, prévoïant qu'ils feroient attaquez avec les ennemis ; & leur déclara qu'il ne leur affuroit point le paffage dans fes états, C'est donc juftement que Dieu les livra entre les mains de celui dont ils avoient méprifé les avis. Toutefois après les avoir pris, il vouloit renvoïer les prélats & les autres perfonnes défarmées quand l'évêque de Paleftrine & quelques autres eurent l'infolence de le menacer & de l'excommunier en face étant fes prifonniers. Le pape reprit: Si votre maître ne fe fût pas défié de la bonté de sa cause, il auroit présumé que le concile compofé d'un fi grand nombre de gens de bien l'auroit abfous plutôt que de le condamner: mais on voit par fa conduite quel étoit le reproche de fa confcience. Thadée reprit : Comment pouvoit-il efperer que ce concile lui fut favorable, où il voïoit fes ennemis mêlez avec les au tres, & où devoit préfider le pape Gregoire fon ennemi capital, quand il voïoit qu'ils le menaçoient même dans les fers? Le pape ajoûta: Si un de ces prifonniers s'étoit rendu indigne de grace, pourquoi a-t'il traité de même les innocens ? Il n'y a que trop de raison de le déposer hon

teufement.

En cette feconde feffion Thadée pria inftamAN. 1245. ment le concile de proroger la troifiéme, parce 5 Juillet. qu'il attendoit l'empereur, & qu'il avoit des nouConc. p. velles certaines qu'il s'étoit mis en chemin pour

639.

venir au concile. Les envoïez du roi de France & du roi d'Angleterre infifterent auffi sur cet artip. 661. cle: principalement les Anglois, qui prenoient plus d'interêt à la gloire de l'empereur comme beaufrere de leur roi. Enfin le délai fut accordé de douze jours jufques au lundi d'après la huitaine de la feconde feffion, c'eft-à-dire, jufques au dixfeptiéme de Juillet.

duan. an. 1245.

Ce qui déplut fort à plufieurs prélats qui fëjournoient à Lion à grands frais particulierement aux Templiers & aux Hofpitaliers qui avoient envoïez des gens armez pour la garde du pape & du concile & la sûreté de la ville. Mon. Pa- L'empereur vint cependant à Verone avec fon fils Conrad & quelques feigneurs Allemands, & y tint une diete où fe trouverent les feigneurs Lombards de fon parti: puis feignant de vouloir aller au concile, il s'avança jufques à Turin. Mais quand il eut appris ce qui s'étoit paffé à Lion, il dit avec beaucoup de chagrin: conc.p.661. Je voi plus clair que le jour que le pape fait tous les efforts pour me deshonorer. C'eft le defir de la vengeance qui l'anime, parce que j'ai fait prendre fur mer des pirates Genois fes parens anciens ennemis de l'empire avec les prélats qu'ils conduifoient. Ce n'eft que pour ce fujet qu'il a convoqué le concile: mais il ne convient pas à un empereur de fe foûmettre au jugement d'une telle affemblée, principalement fçachant qu'elle lui eft contraire. Or quand on fçut à Lion que Frideric ne vouloit ni venir au concile, ni envoïer des feigneurs avec un pouvoir fuffifant, plufieurs de ceux qui l'avoient favorifé jusques-là l'abandonnerent.

D.

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La troifiéme feffion du concile se tint au jour marqué lundi dix-feptiéme de Juillet. Le pape AN. 1245. Y ordonna avec l'approbation du concile que dé- 17. Juillet. formais on celebreroit l'octave de la nativité de la

XXVII. Troifiéme

fainte Vierge puis il fit lire dix-fept articles feffion. de reglemens, dont la plupart regardent la pro- p. 639. E. cedure judiciaire les quatre derniers font fur p. 645. des matieres plus importantes. Le détail de ces premiers reglemens feroit ennuyeux à rapporter, principalement pour les lecteurs qui ne font pas. inftruits des formalitez de juftice: mais on y voit l'efprit de chicane qui regnoit alors entre les ecclefiaftiques, occupez pour la plupart à pourfuivre ou à juger des procès ; & c'est ce qui obligeoit les conciles à entrer fi avant dans ces matieres, qui dans de meilleurs temps auroient paru indignes de l'attention des évêques. Il y a un reglement pour obliger les prélats & c. 132 les autres adminiftrateurs des biens des églises à acquitter les dettes dont elles étoient chargées & les empêcher d'en contracter de nouvelles. On trouve dans le fexte des decretales & ailleurs plu- 666. fieurs autres conftitutions attribuées au concile de p. 671.1 Lion.

Conc.

Il fit un decret pour le fecours de l'empire de C. P. où il ordonne que la moitié des reve- P.65o.c.14a nus de tous les benefices où les titulaires ne refident pas en perfonne au moins pendant fix mois, fera appliquée durant trois ans au fecours de cet empire. Il excepte les beneficiers qui de droit font difpensez de la refidence: qu'il charge toutefois de donner le tiers de leur revenu s'il excede cent marcs d'argent, il accorde à ceux qui contribueront à ce fecours la même indulgence de celui de la terre fainte. On peut juger par ce decret de la multitude des beneficiers non refidens. Le pape, car c'est toujours lui qui parle en ces decrets avec l'approbation

Qr

C. 1

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