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2.60.

Hift. eccl. freufe peinture qu'en fait Jacques de Vitri téliv. LXXVI. moin oculaire. Cependant tous ces étudians étoient clercs, & deftinez à fervir ou à gouverner les églifes.

Hift. liv. ****IV. .

Je voi bien que la conftitution des univerfitez contribuoit à ces défordres: car encore qu'elle eût fes avantages comme j'ai marqué d'abord, elle avoit aufli fes inconveniens. Il étoit difficile de contenir par une exacte difcipline cette multitude de jeunes gens dans l'âge le plus bouillant, car ce n'étoit pas des enfans qui étudioient. Ils étoient raffemblez de divers païs, & déja divifez par la diverfité des nations, des langues, des inclinations: loin de leurs parens, de leurs évêques, & de leurs feigneurs. Ils n'avoient pas même le refpect pour des maîtres étrangers à qui ils païoient un falaire & qui fouvent étoient de baffe naiffance. Enfin les maîtres mêmes étoient divifez & par la diversité de leurs opinious, & par la jaloufie de ceux qui étoient moins fuivis contre ceux qui l'étoient plus; & ces divifions paffoient aux difciples. Vous en avez vû un exemple bien fenfible dans la fameufe querelle entre les religieux mandians & les docteurs féculiers à la tête defquels étoit Guillaume de Saint Amour. Combien de chicanes & de mauvaife foi dans le procedé de ces docteurs, combien de calomnies contre leurs adverfaires Mais les religieux de leur côté n'auroient-ils point mieux fait de fe contenter d'être doctes fans être fi jaloux du titre de docteurs, & de fe moins prévaloir de leur crédit à la cour de Rome & à celle de France ?

Un autre inconvenient des univerfitez, eft que les maîtres & les écoliers n'étoient occu pez que de leurs études: ils étoient tous clercs. & plufieurs beneficiers, mais hors de leurs églifes, fans fonctions & fans exercice de leurs or

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dres. Ainfi ils n'apprenoient point tout ce qui dépend de la pratique: la maniere d'inftruire l'adminiftration des facremens, la conduite des ames, comme ils auroient pû l'apprendre chez eux en voïant travailler les évêques & les prêtres & fervant fous leurs ordres. Les docteurs des univerfitez étoient purement docteurs, uniquement appliquez à la théorie, ce qui leur donnoit tant de loifir d'écrire & de traiter fi au long des queftions inutiles; & tant d'occafions d'émulation & de querelles en voulant rafiner les uns fur les autres. Dans les premiers fiecles les docteurs étoient des évêques accablez d'occupations plus férieuses. Voïez la lettre de faint Auguftin à Diofcore que j'ai déja citée.

XI.

Paffons aux études fupérieures & commen çons par la théologie. On enfeignoit toûjours Theologic la méme doctrine quant au fonds, car JESUS- pofuive, CHRIST n'a jamais ceffé d'affifter fon églife fuivant fa promeffe: mais il se mêloit de l'im perfection dans la maniere de l'enfeigner. On convenoit que le fondement de la théologie eft l'écriture entendue fuivant la tradition de l'églife, mais on s'attachoit plus au fens fpirituel qu'au litterak, foit par le mauvais goût du temps. qui faifoit méprifer tout ce qui étoit fimple & naturel: foit par la difficulté d'entendre la lettre de l'écriture, faute de fçavoir les langues originales, je veux dire le grec & l'hebreu, & de connoître l'hiftoire & les mœurs de cette antiquité fi reculée. C'étoit plûtôt fait de donner des fens myfterieux à ce que l'on n'entendoit pas & cette maniere d'expliquer l'écriture étoit plus au goût de nos docteurs accoutumez à fubtilifer fur tout.

Je fçai que les fers figurez ont été de tout temps reçus dans l'églife: nous les voïons dans les peres des premiers fecles comme faint Ju

pour montrer qu'elles fuffifent, mais que l'une, & l'autre eft neceffaire. Que ces deux puiffances appartiennent à l'églife, parce que les deux glaives fe trouvent entre les mains des Apôtres: mais que l'églife ne doit exercer par elle-même que la puiffance fpirituelle, & la temporelle par la main du prince auquel elle en accorde l'exercice. C'eft pourquoi JESUS-CHRIST dit à 1. faint Pierre Mets ton glaive dans le fourreau. Comme s'il difoit: Il eft à toi, mais tu ne dois pas t'en fervir de ta propre main, c'eft au prince à l'emploïer par ton ordre & fous ta direction.

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Je demande à tout homme fensé fi une telle explication eft autre chofe qu'un jeu d'efprit, & fi elle peut fonder un raifonnement ferieux. Gen. 1. 16. J'en dis autant de l'allegorie des deux luminaires, que l'on a auffi appliquée aux deux puiffances, en difant que le grand luminaire eft le facerdoce, qui, comme le foleil, éclaire par fa propre lumiere; & l'empire eft le moindre luminaire, qui, comme la lune, n'a qu'une lumiere & une vertu empruntée. Si quelqu'un veut appuyer fur ces applications de l'écriture & en tirer des confequences, on en eft quitte pour les nier fimplement; & lui dire que ces paffages font purement hiftoriques, qu'il n'y faut chercher aucun myftere; que les deux luminaires font le foleil & la lune, & rien plus; & les deux glaives deux épées bien tranchantes comme celle de faint Pierre. Jamais on ne trouvera rien au-delà.

Cependant ces deux allegories fi frivoles font les grands argumens de tous ceux qui depuis Gregoire VII. ont attribué à l'églife autorité fur les fouverains, même pour le temporel, contre les textes formels de l'écriture & la tradition conftante. Car JESUS CHRIST dit nettement fans figure & faus parabole : Mon roïau

pas

XXII. 25..

me n'eft point de ce monde. Et ailleurs parlant 7o. xv11. à fes difciples Les rois des nations exercent 26. Luc. leur domination fur elles: mais il n'en fera ainfi de vous. Il n'y a ni tour d'efprit ni raifonnement qui puiffe éluder des autoritez fi précifes: D'autant plus que pendant fept ou huit fiecles au moins on les a prifes à la lettre fans y chercher aucune interpretation myfterieuse. Vous avez vû comme tous les anciens, entre Gelaf ep. 8. autres le pape faint Gelafe, diftinguent netteHift. liv. ment les deux puiffances ; & ce qui eft plus fort, vous avez vû que dans la pratique ils fuivoient cette doctrine, & que les évêques & les papes mêmes étoient parfaitement foûmis, quant au temporel, aux rois & aux empereurs, même païens ou heretiques.

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Hift. liv. XX. 7. 39.

Le premier auteur où je trouve l'allegorie des Hift. livs deux glaives, eft Geoffroi de Vendôme au com- LXV11. n. mencement du douziéme fiecle. Jean de Sarif- 26. Geofr. opufc. 4. beri l'a pouffée jufques à dire, que le prince aïant reçu le glaive de la main de l'églife, elle a droit de le lui ôter; & comme d'ailleurs il enfeigne qu'il eft non feulement permis, mais Policrat. loüable de tuer les tyrans, on voit aisément lib. iv. c. 3. jufques où vont les conféquences de fa doctrine. La plupart des docteurs du même fiecle ont infifté fur l'allégorie des deux glaives; & ce qui eft plus furprenant les princes mêmes & ceux qui les défendoient contre les papes, ne la rejettoient pas ils fe contentoient d'en restraindre les conféquences. C'étoit l'effet de l'ignorance craffe des laïques, qui les rendoit esclaves des clercs pour tout ce regardoit les lettres & la doctrine. Or ces clercs avoient tous étuHift. liv. dié aux mêmes écoles & puifé la même doctri- 1x111. .j ne dans les mêmes livres. Auffi avez-vous vû 15. que les défenfeurs de l'empereur Henri IV. contre le pape Gregoire VII. fe retranchoient à di

. 21.

que

re qu'il ne pouvoit être excommunié ; convenant que s'il l'eût été il devoit perdre l'empiLiv. 1xxx. re. Frideric II. fe foumettoit au jugement du concile univerfel; & convenoit s'il étoit con1xxx11. n. vaincu des crimes qu'on lui imputoit, parti culierement d'hereffe, il méritoit d'être dépofe. Le confeil de faint Louis n'en fçavoit pas davantage & abandonnoit Frideric au cas qu'il fût coupable: & voilà jufques où vont les effets des mauvaifes études.

34.

Car un mauvais principe étant une fois pofe, attire une infinité de mauvaises conféquences quand on le veut réduire en pratique: comme cette maxime de la puiffance de l'églife fur te temporel. Depuis qu'elle a été reçue vous avez vû changer la face extérieure de l'églife. Les évêques ne font plus occupez de la priere & de la converfion des pecheurs, mais de négocier entre les princes des traitez de paix ou d'alliance, de fes exciter à la guerre contre les ennemis de l'églife, ou même les y contraindre par les cenfures ecclefiaftiques & fouvent par les armes. Et comme l'argent eft le nerf de la guerre, il a fallu, , pour fubvenir à ces pieufes entreprises, faire des impofitions fur le clergé & fur le peuple: foit en donnant des in dulgences, foit en menaçant des cenfures. Ainf joignant ces affaires generales à celles que donnoient à chaque prélat fes feigneuries, ils fe font trouvez accablez d'affaires feculieres contre la 1. Tim. 11. défenfe de l'Apôtre: & ont crût fervir plus utilement l'églife, que s'ils rempliffoient leurs devoirs effentiels.

XIII. Tradition.

Revenons à l'étude de la théologie. Outre l'écriture elle s'appuïe fur la tradition: mais pour fonder un article de foi la tradition doit être perpetuelle & univerfelle: reçûë de tout temps & attestée par le confentement de toutes

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