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nom par Salchin, qui devoit être quelqu'un de fes principaux officiers, & dont la lettre commence AN. 1247. par de grands lieux communs de theologie Mu fulmane, pour relever l'unité de Dieu & fa fingularité, fans compagnon, fans focieté de feme meni d'enfans, fans partage, fans nombre, fans compofition; qui font les expreffions dont ils fe fervent pour exclure la Trinité des perfonnes

divines. Il releve enfuite la miffion de Mahomet ap. Rain. au deffus de celle de Moïfe & de JESUS- 1247. 2.576 CHRIST, difant que Dieu a raffemblé en lui tous 18. &c. les dons qu'il avoit diftribuez aux autres prophetes; puis venant à la lettre du pape, il dit: Nous ne fçavons quelle eft fon intention; car fi c'est d'établir la verité par des preuves & des démonftrations, il faudroit pour cet effet s'affembler & propofer de vive voix les objections & les réponfes, & on trouveroit chez nous des gens capables de le contenter. Et enfuite:

Nous avons voulu conferer avec les freres Prêcheurs qu'il avoit envoyez; mais il n'étoit pas tout-à-fait sur pour eux de difputer de votre religion & de la notre dans notre pays en prefence de nos fçavans. De plus, la langue étoit un obfta. cle, ils ne fçavoient pas l'Arabe, & n'étoient accoutumez à difputer qu'en Latin ou en François. Leur pauvreté & leur vie monaftique nuifoit encore; quoiqu'on vit reluire en eux la science & la vertu, le mépris du monde, la religion & la pureté des mœurs.

La lettre du pape marquoit qu'ils vouloient aller vers les Tartares, & il nous exhortoit à les aider dans leur deffein: mais nous ne leur avons pas confeillé d'entreprendre ce voïage. La fureur & la cruauté des Tartares va bien au delà

deice

que vous en dites; l'Antechrift lui-même ne retiendroit pas fes larmes, s'il voyoit feulement une partie des maux qu'ils commettent

Mais Dieu par fa mifericorde a confolé les M AN. 1247. fulmans en la perfonne d'un fultan qui fera fentit aux Tartares l'ardeur du feu qu'ils ont allumé; c'eft Melicfaleh notre maître, à qui cette an née ils ont envoyé des ambaffadeurs pour lui demander la paix; mais il ne leur a pas permis de venir à la porte, ni de baifer la pouffiere defes pieds. Telle eft en substance la lettre de Salchin aupape.

Les freres Prêcheurs dont il parle étoient apparemment Afcelin & fes trois compagnons, dont l'un nommé Simon de faint Quentin écri vit la relation de leur voyage en Tartarie: elle commence ainfi. L'an 1247. le jour de la translation de faint Dominique, c'est-à-dire le vingtquatrième de Mai, frere Afcelin envoyé par le pape arriva avec les compagnons à l'armée des Tartares en Perfe commandée par Baiothnoi: qui l'ayant appris leur envoya quelques-uns de fes grands officiers avec fon égip ou principal confciller & des interpretes. Ils leur demanderent de quelle part ils venoient. Frere Afcelin répondit: Je fuis envoyé du pape, qui chez les chrétiens eft eftimé le plus grand de tous les hommes en dignité, & reveré comme leur pere & leur feigneur. Les Tartares fort indignez de ce difcours dirent: Comment ofez-vous dire que le pape votre maître eft le plus grand de tous les hommes? Ne fçait-il pas que le Can eft le fils de Dieu, & que Baiothnoi & Batho font des princes foumis à lui? Afcelin répondit: Le pa pe ne fait qui eft le Can, ni qui font Baïothnoi & Batho, il n'a jamais oui leurs noms; s'il les avoit fçû il n'auroit pas manqué de les mettre dans les lettres dont il nous a chargez. Il a feulement appris qu'une certaine nation barbare nommée les Tarrares, eft fortie de l'Orient, a conquis plufieurs pays & paffé une infinite

'hommes au fil de l'épée. Etant donc touché de compaffion; par le confeil de fes freres les cardi- AN. 12481naux, il nous a envoyez à la premiere armée de Tartares que nous rencontrerions, pour en exkorter le chef & tous ceux qui lui obéiffent, à eeffer cette deftruction principalement des chrétiens, & fe repentir des crimes qu'ils ont commis. C'eft pourquoi nous prions votre maître de recevoir les lettres du pape & y faire réponse.

Les Tartares s'en allerent & revinrent quel- c. 415, que temps après revêtus d'autres habits & demanderenteaux freres s'ils apportoient des prefens. Afcelin répondit: Le pape n'a pas accoutu mé d'envoier des prefens, principalément à des inconnus & des infidelles: au contraire les chrétiens fes enfans lui en envoyent, & fouvent les infideles mêmes. Les Tartares demandoient aux freres avec empreffement files Francs pafferoient encore en Syrie: car ils difoient avoir appris par leurs marchands que plufieurs devoient y venir bien-tôt. Et peut-être fongeoient ils à leur tendre des pieges en feignant de vouloir embraffer la foi ou autrement, pour les détourner de leurs terres, & fe les rendre amis au moins pour un temps; car au rapport des Georgiens & des Armeniens ils craignent plus les Francs que toutes. les autres nations du monde. Enfuite les officiers Tartares revinrent & dirent aux freres: Si vous c. 424 voulez voir notre maître & lui prefenter les lettres du vôtre, il faut que vous l'adoriez par troisgenuflexions, comme le fils de Dieuregnant fur la terre; car tel eft l'ordre du Can, que Baïothnoi foit honoré comme lui-même. Quelquesuns des freres craignoient que cette adoration ne fait une idolâtrie; mais frere Guichard de Cremone qui fçavoit les coutumes des Tartares, leur répondit Ne craignez rien, on ne vous de

mande cette forte de reverence, que pour AN. 1247. marquer que te pape & toute l'églife feront fou mis aux ordres du Can; & tous les ambaffadeuts font cette ceremonie. Les freres ayant déliberé fur ce fujet, refolurent tout d'une voix de perdre plûtôt la tête que de faire ces genuflexions, tant pour conferver l'honneur de l'églife, que pour ne pas fcandalifer les Georgiens, les Armeniens & les Grecs; même les Perfans, les Turcs & toutes les nations orientales. D'ailleurs ils ne vouloient pas donner occafion aux enbemis de l'églife der fe réjouir, & aux chrétiens eaptifs des Tartares de defefperer de leur déli

C. 44.

vrance.:

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Afcelin déclara cette refolution à tous les affiftans, & ajouta : Pour vous montrer que nous ne parlons pas ainfi par orgueil ou par une dureté inflexible, nous fommes prêts de rendre à votre maître tout le refpect que peuvent rendre avec bienfeance des prêtres de Dieu, & des religieux nonces du pape... Nous lui rendrons le même refpect qu'à nos fuperieurs, à nos rois & à nos princes. Que fi Baïothnoi vouloit fe faire chrétien, fuivant le fouhait du pape & le nôtre, non feulement nous flechirions le genou devant lui, & devant vous tous, vous baiferions la plante des pieds. A cette propofition les Tartares entrerent en fureur & dirent aux freres : Vous nous exhortez nous à nous faire chrétiens, & à devenir des chiens comme vous ? Votre pape n'eft-il pas un chien, & tous vous autres des chiens? Afcelin ne put répondre que par une fimple negative, tant étoient grandes leurs clameurs & leurs emporte

mens.

mais nous

Les réponses des freres étant rapportées Baïothnoi il les condamna à mort: mais quel ques-uns de fon confeil étoient d'avis de n'en

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uer que deux & renvoïer les deux autres au pape. D'autres difoient: Il faut en écorcher un, AN. 1247) emplir fa peau de paille & la renvoïer à fon maî

e par les compagnons. On proposoit encore d'autres manieres de s'en défaire. Enfin une des fix femmes de Baïothnoi lui dit : Si vous faites mourir ces envoïez, vous vous attirerez la haine de tout le monde, vous perdrez les prefens que l'on vous envoie de toutes parts, & on fera mourir fans mifericorde vos envoïez. Baïothnoi fe rendit à la raifon. Les Tartares revinrent aux c. 45freres & leur demanderent comment les Chrétiens adoroient Dieu. Afcelin répondit: En plu heurs manieres: les uns profternez, d'autres genoux, d'autres autrement. Plufieurs étrangers adorent votre maître comme il lui plaît, epouventez par fa tyrannie: mais le pape & les Chrétiens ne la craignent point & ne reconnoiffent point les ordres du Can, dont ils ne font point fujets. Les Tartares dirent: Mais vous adorez du bois & des pierres, c'est-à-dire les eroix qui y font gravées. Afcelin répondit: Les Chrétiens n'adorent ni le bois ni la pierre, mais la figure de la croix, à caufe de notre-Seigneur JESUS-CHRIST qui y a été attaché pour notre

Lalut.

Enfuite Baïothnoi leur fit dire d'aller trouver c. 464 le Can, pour voir eux-mêmes la grandeur de fa puiffance & lui rendre les lettres du pape. Mais Afcelin inftruit des artifices du Tartare répondit: Mon maître ne m'a pas envoïé au Can qu'il ne connoît point, mais à la premiere: armée de Tartares que je rencontrerois. Je n'i rai donc point au Can; & fi votre maître ne Teut pas recevoir les lettres du pape, je retournerai vers lui & lui rendrai compte de ce qui s'eft paffé. Les Tartares ajoûterent: De quel front ofcz-vous avancer que le pape eft le plus.

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