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les églifes, lorfque la queftion à été examinée & approfondie. Tels font les dogmes contenus dans les fymboles & les autres décifions des conciles generaux, ou dans les écrits autentiques de la plupart des docteurs depuis la naiffance de l'églife. Il faut donc rejetter toutes les prétendues traditions fondées far des pieces fauffes, ou fur des opinions particulieres ou nouvelles ; & on appelle nouveau en cette matieJe tout ce dont on connoît le commencement depuis les apôtres. Car, comme dit Tertulien, il ne nous eft pas permis d'inventer, ni même de rien chercher après l'évangile. On ne peut donc appuyer aucun raifonnement theologique fur des pieces fauffes comme les decretales d'Ifidore: on ne peut en appuyer fur l'opinion particuliere d'aucun docteur, quelque venerable qu'il foit d'ailleurs, comme celle des Millenaires avancée par quelques anciens.Enfin il fuffit qu'on fçache le commencement d'une opinion pour être affuré qu'elle ne fera jamais déclarée être de foi, quoiqu'en puiffent dire ceux qui s'échauffent le plus à la foûtenir: puifqu'il eft de foi que l'église ne croira jamais que ce qu'elle a toujours crû, quoiqu'elle puiffe l'expliquer plus clairement quand elle le juge neceffaire. On a beau raifonner pour montrer que la chose a dû être ainfi, & que ce que l'on avance eft plus digne de la fageffe ou de la bonté de Dicu: il faut prouver qu'il l'a voulu, & qu'il nous l'a révelé: il faut prouver, non pas que l'églife a dû le croire, mais qu'elle l'a crû ́en effet.

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La tradition commence par l'inftruction de vive voix, mais pour la perpetuer le fecours de l'écriture eft très-utile. Aufli Dieu a-t'il pourvû Hift, liv fur ce point à fon églife. La longue vie de IV.n. 17. faint Jean l'évangelifte & de faint Polycarpe fon difciple, firent paffer la tradition jusqu'à faint

1.

Strom.

Irenée qui la confervoit fi foigneufement dans fa mémoire, & qui vivoit à la fin du fecond fiecle. Il nous en a beaucoup laiffé dans fes P. 274. Hift. lib. écrits, auffi-bien que faint Clement AlexanIV. n. 36. drin, inftruit comme lui par ceux qui avoient vú les Apôtres; & c'est ce qui rend fi précieux les écrits de ces peres & des autres des deux premieres fiecles. La même providence nous a donné d'âge en âge d'autres faints docteurs fr deles dépofitaires de la tradition, qu'ils ont eu foin de tranfmettre à leurs fucceffeurs ; & de là nous viennent tant d'écrits des peres des fix premieres fiecles. Mais ces tréfors font inuti les à ceux qui ne les connoiffent pas ou qui les negligent.

Or c'étoit le malheur des docteurs du treiziéme & du quatorziéme fiecle, de ne connoî tre que peu d'ouvrages des peres, principalement des plus anciens, & de manquer des fecours neceffaires pour les bien entendre. Ce n'eft pas que les livres fuffent perdus, ils exiftoient, puifque nous les avons encore: mais les exemplaires en étoient rares & cachez dans les bibliotheques des anciens monafteres, où on en Hift. liv. faifoit pès d'ufage. C'eft où le roi faint Louis les fit chercher pour les tranfcrire & les multiplier au grand avantage des études; & de là vint le grand ouvrage de Vincent de Beauvais, où nous voyons les extraits de tant d'anciens auteurs mêmes profanes. Dès le fiecle precedent nous en voyons un grand nombre de citez dans les écrits de Jean de Sarisberi; mais c'étoit la curiofité de quelques particuliers. Le commun des étudians & même des docteurs fe bornoit à peu de livres, & principalement à ceux des auteurs modernes, qu'ils entendoient mieux que

LXXXIV.

n.4.5.

les anciens.

Il faut fe fouvenir que ceux qui étudioient

le plus alors étoient les religieux Mandians. Or la rigoureufe pauvreté dont ils faifoient profeffion ne leur permettoit guere d'acheter des li wres qui étoient très-chers; & leur vie active & toujours ambulante ne leur donnoit pas le temps de les tranfcrire eux-mêmes, comme faifoient les moines rentez & fedentaires, qui pendant plufieurs fiecles en firent leur principale occupation. De là vint fans doute que les nouveaux theologiens donnerent fi fort dans le raifonnement, les queftions curieufes & les fubtilitez, qui ne demandent que de l'efprit fans lec ture & fans examen des faits,

Mais ils ne confideroient pas que cette maniere d'étudier alteroit infenfiblement la tradition de la difcipline. Par exemple voulant raifonner fur les facremens fans la connoiffance exacte des faits, ils ont fuppofé qu'on les avoit toujours adminiftrez comme on faifoit de leur temps, & ont pris quelquefois pour effentielles, des ceremonies acceffoires: comme l'onction & la tradition du calice à la prêtrife, au lieu qu'en ce facrement l'effentiel eft l'impofition des mains. C'est par le même principe qu'on a voulu affujettir les Grecs à paffer par les quatre ordres mineurs avant que d'arriver au foudiaconat; & que l'on a crû neceffaire d'avoir des ornemens & des autels portatifs, même dans les plus grands voïages & les miffions les plus éloignées. Ce n'eft que l'ignorance de l'antiquité qui a fait regarder ces regles comme inviolables, tandis qu'on en negligeoit de plus importantes.

Je ne laiffe pas d'admirer que dans des temps fi malheureux & avec fi peu de fecours les doc. teurs nous ayent fi fidelement confervé le dé, pôt de la tradition, quant à la doctrine. Je leur donne volontiers la loüange qu'ils méri+ tent; & remontant plus haut je benis autant

que j'en fuis capable, celui qui fuivant fa pro melle n'a jamais ceflé de foûtenir son église. Je demande feulement qu'on fe contente de mettre ces docteurs en leur rang, fans les élever au-deffus: qu'on ne prétende pas qu'ils ont atteint la perfection & qu'ils nous doivent fervir de modeles: enfin qu'on ne les prefere pas aux peres des premiers fiecles.

XI. Le titres magnifiques que l'on a donnez à Réputation quelques-uns de ces docteurs, ont impofé aux des Schola- fiecles fuivans; on a dit Albert le Grand, comtiques. me s'il étoit autant diftingué entre les theolo

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giens, qu'Alexandre entre les guerriers. On a nommé Scot le docteur Subtil. On a donné à d'autres les épithetes d'Irrefragable, d'Illuminé, de Refolu, de Solemnel, d'Univerfel. Mais fans nous laiffer ébloüir par ces grands titres, voyons s'ils ne montrent point le mauvais goût de ceux qui les ont donnez plûtôt que le mérite de ceux qui les portent: jugeons-en par leurs ouvrages: nous les avons entre les mains : pour moi j'avoue que je ne vois rien de grand dans ceux d'Albert que la groffeur & le nombre des volumes.

Souvenons nous que ces theologiens vivoient dans un temps dont tous les autres monumens ne nous paroiffent point cftimables, du moins par rapport à la bonne antiquité; du temps de ces vieux Romans dont nous voyons des extraits dans Fauchet: du temps de Joinville & de Hift. de la Ville-hardoitin, dont les hiftoires quoiqu'upoëf. tiles & plaifantes par leur naïveté, nous paroif

fent fi groffieres; du temps de ces bâtimens gothi-
ques chargez de petits ornemens & fi peu

agreables en effet qu'aucun architecte ne vou
droit les imiter, Or c'eft une observation veri-
table qu'il regne en chaque fiecle un certain
goût qui fe répand fur toutes fortes d'ouvrages.

Tout ce qui nous refte de l'ancienne Grece eft folide, agréable & d'un goût exquis : les restes de leurs bâtimens, les ftatuës, les médailles, font du même caractere en leur genre que les bcrits d'Homere, de Sophocle, de Demofthene & de Platon par tout regne le bon fens & l'imitation de la plus belle nature. On ne voit rien de femblable dans tout ce qui nous refte depuis la chûte de l'empire Romain jufqu'au milieu du quinziéme fiecle, où les fciences & les beaux arts ont commencé à se relever, & à diffiper les tenebres que les peuples du Nord avoient répandues dans toute l'europe.

Par là fe détruit un préjugé affez ordinaire, que les fciences vont toujours le perfectionnant, qu'il eft facile d'ajouter aux inventions des autres, que des hommes plus médiocres qu'eux le peuvent faire; & qu'un nain monté far les épaules d'un geant, voit plus loin que le geant même. J'accorde ces propofitions generales, mais je nie qu'on puiffe les appliquer à notre fujet, Pour ajoûter à la doctrine ou à la méthode des anciens, il eût fallu la connoître parfaitement, & c'eft ce qui manquoit à nos docteurs, comme je viens de montrer: ainfi le nain demeurant à terre, fa vie étoit très-bornée, D'ailleurs les fciences & les arts qui fe perfectionnent de jour en jour font des inventions humaines mais la vraïe religion eft l'ouvrage de Dieu, qui lui a donné d'abord fa perfection Loute entiere. Les apôtres & leurs difciples ont fçû toute la doctrine du falut & la meilleure maniere pour l'enfeigner,

XV.

des Scho

Mais n'eft-il pas vrai que les fcholaftiques ont trouvé une méthode plus commode & plus Méthode exacte pour enfeigner la théologie, & leur ftile laftiques, n'eft-il pas plus folide & plus précis que celui de la plupart des anciens? Je l'ai fouvent ouji

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