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254.

bre 1257. Ce fut alors qu'il publia l'apologie pour les freres mandians qu'il avoit prononcée AN. 1257. à Anagni devant le pape un an auparavant. Cet Echard. ouvrage eft intitulé: Contre ceux qui attaquent. Tht.17. La religion, c'est-à-dire la profeffion religieufe: opufc. 19. & le faint docteur y répond en détail & avec une grande exactitude à toutes les raifons & les autoritez avancées par Guillaume de S. Amour. Il réduit tout à fix queftions: s'il eft permis à un religieux d'enfeigner: s'il peut entrer dans un corps de docteurs féculiers : s'il peut prêcher & confeffer fans avoir charge d'ames: s'il eft obligé de travailler de fes mains s'il lui eft permis de quitter tous fes biens, fans fe rien réferver ni ca particulier ni en commun: enfin s'il peut mandier pour vivre.

Sur la premiere queftion faint Thomas foû- c. 2. tient que la profeffion religieufe, loin de rendre les hommes incapables d'enfeigner la doctri-ne de l'évangile, les y rend plus propres : puifqu'ils gardent non feulement les préceptes, mais les confeils, & s'appliquent à la méditation des chofes divines; étant dégagez par leurs vœux de ce qui en détourne les autres hommes. Si les religieux peuvent être appellez aux prélatures, à plus forte raifon au doctorat & à la fonction d'enfeigner: & il eft utile à l'église qu'il y en ait de particulierement confacrez à l'étude de la religion & à l'inftruction des ignorans ; comme il y en a de dévouez au fervice des malades & à d'autres bonnes œuvres. Quand JESUS-CHRIST Matth défend à fes difciples de fe faire appeller docteurs, xxIII. il ne condamne ni la chofe ni le nom, mais feulement la vanité qu'en tiroient le Juifs.

Si les religieux peuvent être docteurs ; il n'y c. 3: a aucune raison de les exclure de la focieté des docteurs féculiers: puifque cette focieté eft fondée, non fur ce qui les diftingue, mais fur ce

qui leur eft commun, qui eft d'étudier & d'en AN. 1257. feigner. Quant à la liberté des focietez, elle regarde les focietez de peu de perfonnes formées par un interêt particulier, & non celle qui font établies par l'autorité des fuperieurs pour l'utilité publique.

c. 4.

Sur la troifiéme queftion il faut obferver qu'il y a des heretiques qui mettent la puissance du 16.4.1.c. 9. miniftere ecclefiaftique dans la fainteté de la vie ibid. c. 25. indépendamment de l'ordination : ce qui a donné occafion à quelques moines, préfumant de leur vertu, de s'attribuer de leur propre autorité les fonctions ecclefiaftiques. D'autres ont donné dans l'excès oppofé, foûtenant que les religieux font incapables de ces fonctions, même pour les exercer par l'autorité des évêques. D'autres enfin par une erreur plus nouvelle, prétendent que les évêques ne peuvent donner ce pouvoir aux religieux, fans le confentement des curez. Saint Thomas foûtient au contraire que les évêques ne se dépoüillent pas de leur puissance en la communiquant aux curez ; & qu'ils n'ont pas befoin de leur permiffion pour prêcher ou donner l'abfolution à leurs paroiffiens. Or ils peuvent commettre d'autres prêtres pour les fonctions, & fouvent il eft expedient ou même néceffaire. Il y a des curez fi ignorans qu'ils ne fçavent pas parler latin, & on en trouve très-peu qui aient étudié l'écriture fainte. On fçait par experience que quelques particuliers ne fe confefferoient point s'ils ne pouvoient le faire à d'autres qu'à leurs curez foit par la honte de fe confeffer à ceux qu'ils voïent tous les jours, foit par foupçons d'inimitié, ou par quelqu'auSup. liv. tre raifon. Or il eft utile qu'il y ait des religieux LXXVII. . établis exprès pour le foulagement des pafteurs. Sur l'objection tirée du concile de Latran, qui ordonne de fe confeffer au propre prêtre, faint

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Thomas foûtient que ce propre prêtre n'eft pas feulement le curé, mais encore l'évêque & le AN. pe, ou ceux qu'ils commettent à leur place; & que le propre prêtre n'eft pas dit par oppofition au pafteur commun, mais par oppofition à l'étranger. Il ajoûte que le pape a jurifdiction immediate fur tous les Chrétiens, & qu'il eft l'époux de l'église univerfelle comme l'évêque l'eft de fon églife particuliere. Qu'il peut changer tout ce que les conciles ont décidé n'être de droit pofitif & en difpenfer felon les occurrences. Car, ajoûte-t'il, les peres affemblez dans les conciles ne peuvent rien ftatuer fans l'autorité du pape, fans laquelle on ne peut même affembler de concile. Ces maximes touchant l'autorité du pape étoient nouvelles, & la derniere eft manifeftement tirée des fauffes decretales. Quant au travail des mains, quelques moines, Dift.17. c.3. dit faint Thomas, ont été anciennement dans cette erreur, de dire que le travail étoit contraire à l'abandon parfait à la providence, & que le travail recommandé par faint Paul font les œu

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fpirituelles. C'eft contre cette erreur que Sup. liv. faint Auguftin à écrit fon traité du travail des xx. moines d'où quelques-uns donnant dans l'excès oppofe, ont pris occafion de dire, que les religieux font en état de damnation s'ils ne travaillent de leurs mains. Nous montrerons au contraire, que les religieux fout en état de falut même fans ce travail. Le travail des mains est de precepte ou de confeil. Si ce n'eft qu'un confeil, perfonne n'y eft obligé s'il ne s'y eft engagé par vou: donc les religieux dont la regle ne le preferit pas, n'y font pas obligez. Si c'est un précepte, les féculiers y font obligez comme les religieux; & en effet quand faint Paul disoit ; Que celui qui ne veut point travailler ne man- 2. Theff.11. ge point, il n'y avoit point encore de religieux 10.

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diftinguer des féculiers. De plus faint Paul nere AN. 1257. commande le travail qu'en trois cas: pour éviter Eph. v.28. le larcin, pour ne point défirer le bien d'autrui, 1.Theff.v. pour guerir l'inquietude & la curiofité. Donc 11. 2.Theff. ceux qui peuvent fubfifter de quelque maniere 1. Cor. 1x. que ce foit fans tomber dans des inconveniens, De op. mon. ne font point obligez à travailler. Or les reli

AI. 8.

16,

gieux à qui le miniftere de la prédication eft conhé, en peuvent fubfifter, puifque le Seigneur a ordonné que ceux qui annoncent l'évangile vivent de l'évangile, & les moines oififs contre lesquels écrivoit faint Augustin, n'étoient point ministres de l'églife. Enfin le travail des mains doit ceder à des occupations plus utiles, telle qu'est la prédication : les apôtres étoient infpirez, mais les prédicateurs d'aujourd'hui font obligez de s'inftruire par une étude continuelle.

Guillaume de faint Amour prétendoit qu'il n'eft pas permis à celui qui a du bien de s'en dépoüiller entirement fans pourvoir à sa fubfiftanp. 73. ce, foit en entrant dans une communauté renrée, foit en fe propofant de vivre du travail de fes mains. Il fit fur ce fujet un petit traité intitulé de la quantité de l'aumône, pour montrer qu'elle doit avoir des bornes ; & que ne fe rien réferver c'eft tenter Dieu, s'expofant an péril de mourir de faim, ou à la néceffité de , 6. mandier. Saint Thomas dit que c'est renouveller les erreurs de Jovinien & de Vigilance, qui blâmoient la pratique des confeils évangeliques & Sup. liv. en particulier la vie monaftique. Ce n'eft pas feu1. n. 5. lement, dit-il, dans la pauvreté habituelle que confifte la perfection de l'évangile, c'est-à-dire dans le détachement intérieur des biens que nous poffedons réellement : mais dans la pauvreté actuelle & le dépouillement effectif de ces biens; & cette perfection ne demande pas qu'on poflede des biens en commun, ou qu'on travaille des

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mains. Ici il montre bien que les moines les plus parfaits de l'antiquité renonçoient aux biens mê- AN. 1257% me poffedez en commun, mais il n'ajoute pas qu'ils vivoient de leur travail fans rien demander à perfonne.

Il foûtient enfuite qu'il eft permis à un religieux de vivre d'aumônes après avoir tout quitté pour JESUS-CHRIST. Que les prédicateurs c. 7. envoïez par les fuperieurs ecclefiaftiques peuvent recevoir leur fubfiftance de ceux qu'ils inftruifent: qu'ils peuvent même la demander & mandier quoique valides, & qu'on doit leur donner préferablement aux autres pauvres. Il fuppofe que les religieux rentez peuvent vivre de leurs revenus fans travailler, en quoi il paroît faire plus d'attention au relâchement des moines de fon temps qu'à la regle de faint Benoit. Il prétend que JESUS-CHRIST a mandié fon pain quand il dit à Zachée: Defcendez promp- Luc. xix, tement, je dois loger aujourd'hui chez vous.

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apporte l'exemple de faint Alexis, dont l'hiftoire n'eft d'aucune autorité; & des pelerinages en demandant l'aumône, que l'on impofoit pour penitence, fuivant la nouvelle difcipline & contre l'efprit de l'ancienne. Il dit que la mandicité n'inspire la flatterie & la baffaffe fervile qu'à ceux qui demandent par cupidité & pour s'enrichir, non à ceux qui fe contentent du neceffaire que loin de nuire aux autres pauvres, ils leur procurent par leurs exhortations & leurs confeils des aumônes abondantes. Il met grande difference entre la maadicité forcée & la volontaire, & prétend que celle-ci n'expofe pas aux mêmes périls que l'autre. Les mandians valides condamnez par les loix ne font d'aucune utilité au public: mais l'aumône donnée aux religieux qui prêchent, eft plûtôt une récompenfe due à leur travail, qu'une liberalité.

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