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blé, il emprunta encore celui des chanoines; afin de mettre les pauvres en état d'attendre la AN. 123 la moiffon. Outre l'office canonial, il difoit tous les jours le pfeautier, mortifioit fon corps, & couchoit fouvent à terre, quoiqu'il eût un lit convenable à fa dignité.

Pendant la guerre entre les François & les Bretons, la ville de faint Brieu étant attaquée, le faint évêque alloit par les rues confolant les habitans, & fe jetta même fouvent au milieu des ennemis pour arrêter le pillage au péril de fa vie. Si quelquefois preffé par fon clergé, il fe croïoit obligé à excommunier les pillards ou les autres criminels, pour ne paroître pas foible & négligent: ille faifoit avec une extrême douleur, & répandant beaucoup de larmes. Il s'oppofa avec une grande fermeté aux entreprifes de la nobleffe de Bretagne fur les droits & la liberté de l'églife: enforte qu'il fut obligé de fortir de la province, & fe retira auprès de l'évêque de Poitiers, qui pour les infirmitez continuelles ne pouvoit exercer fes fonctions. L'évêque de faint Brieu lui fervit de vicaire ou plûtôt de fuffragant pendant quelques années : faifant les ordinations, les dédicaces d'églifes, les confécrations d'autels, donnant la confirmation, & rempliffant tous les devoirs du miniftere épifcopal, d'une maniere qui lui attiroit l'eftime & l'affection de tout le monde. L'orage étant paffé il retourna à son diocese, & y mourut le vingt-neuviéme de Juillet 1234.

Lobin. to.r

P. 234.

2. p. 34.

VI.

Cependant le pape. Gregoire follicitoit l'empereur Frideric d'accomplir les conditions du Suite de la traité de paix fait avec lui l'année précedente; paix du pa& premierement de la faire jurer par plufieurs pe avec feigneurs d'Allemagne & d'Italie, & par plul'empereur fieurs villes d'Italie qui en devoient être garans. en écrivit à l'évêque de Ratisbone chanceTome XVII.

D

av. ep. 114. v. ep. 76. ep. 2.

lier de l'empereur, & à l'empereur même : lui AN. 1231. reprefentant que huit mois s'étoient déja paffez v. ep. 38. fans execution du traité. Il le prioit aufli de Ap. Rain. recevoir en fes bonnes graces les Templiers & 1231. n. 1. les Hofpitaliers, & leur rendre les biens dent ep. 82. il les avoit dépouillez, de ne pas envoïer en Syrie comme en exil fes fujets du roïaume de Sicile, qui avoient été du parti de l'églife, & de ne pas maltraiter les Lombards. Mais il exhorta auffi les Lombards d'être foumis à l'empereur, de ne point s'oppofer à la diete qu'il vouloit tenir chez eux, ni au paffage de fon .80.93. fils en Italie. Le pape interceda même auprès de l'empereur pour Rainald fils de Conrad duc de Sup. liv. XXIX. n. Spolete, quoiqu'il cut fait beaucoup de mal à Peglife Romaine pendant que l'empereur étoit à la terre fainte.

95.

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v. ep. 129. ap. Rain. #. 53.

VII.

Antoine de

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L'empereur Frideric avoit donné avis au pa pe que le roi de Perfe menaçoit la terre fainte avec une armée innombrable; & le pape avoit reçu le même avis en droiture par les lettres du patriarche de Jerufalem & des maîtres du Temple & de l'Hôpital. Ce roi de Perfe devoit être le fecond can des Mogols ou Tartares Octaï fils & fucceffeur de Ginguis-can, qui pouffant fes conquêtes, portoit la terreur par toute l'Afie. Sur ces triftes nouvelles le pape écrivit à tous les prélats, leur ordonnant d'exhorter les fideles qui leur étoient foûmis, croifez & autres à fe tenir prêts pour aller en perfonne au fecours de la terre fainte; & partir au fecond aver tiffement. La lettre eft du vingt-huitième de Février 1231.

Après que le pape Gregoire eut déposé frere Fin de S. Elie du generalat des freres Mineurs à la pourPade. fuite de faint Antoine de Pade: le pape exhor Sup. liv, ta celui-ci à fe donner tout entier à l'etude; & IXXIX. n. afin qu'il en eût plus de liberté, il l'exempta de

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Vita ap. Boll. 13.

Jun.-to, 20.

P. 711.

Sup. liv.

8. 42.

707.

toute charge dans fon ordre, le priant de demeurer auprès de lui. Mais Antoine craignant AN. 123 1. les honneurs & le tumulte de la cour de Rome, fe retira au mont Alverne où il demeura quel que temps avec la permiffion du pape. Reprenons ici la fuite de la vie, depuis fa premiere retraite en 1.221. à l'hermitage du mont saint Paul LXXVIIL près de Boulogne. Après qu'il y eut demeuré long-temps on l'en- Boll. 2. po voya avec d'autres à Forli dans la Romagne, pour recevoir les ordres, & il s'y trouva auffi des freres Prêcheurs. Comme ils étoient tous aflemblez à l'heure de la conference, le miniftre du lieu pria les freres Prêcheurs de faire quelque exhortation: mais ils s'en excuferent tous, difant qu'ils n'y étoient point préparez. Le miniftre fe tourna vers Antoine, & fans connoître fa fcience l'exhorta à dire ce que le Saint-Elprit lui fuggereroit. Antoine répondit, qu'il étoit plus exercé à laver les écuelles dans la cuifine qu'à prêcher: toutefois cedant à l'ordre du fuperieur, il commença à parler, & le fit avec tant de doctrine & d'élegance, que les auditeurs agréablement furpris ne fçavoient qu'admirer le plus de fa fcience ou de fon humilité. La chofe vint aux oreilles du general des freres Mineurs, foit faint François, foit frere Elie, qui ordonna à Antoine de s'appliquer à la prédication.

Il parloit avec une liberté merveilleufe, difant également la verité aux grands & aux petits; & comme dès le commencement de fa converfion il avoit defiré le martyre, nulle crainte, nul respect humain ne le retenoit, & il s'op pofoit avec un courage intrépide à la tyrannie des grands. Les plus fameux prédicateurs en étoient épouvantez; & affistant à fes fermons ils le cachoient le visage, de peur qu'on ne

vit qu'ils rougiffoient de leur foibleffe Antoi AN. 1231. ne alloit ainfi prêchant par les villes & les bourgades: & accommodoit fes difcours à la portée de fes auditeurs, mêlant la douceur à la fe790. verité. Le pape lui-même l'ayant entendu & admirant la profondeur de fa fcience dans l'explication de l'écriture, le nommoit l'Arche-d'alliance. Il ne s'appliquoit pas feulement à la morale, mais encore à la controverfe contre les heretiques: il en convertit plufieurs à Rimini, & en convainquit plufieurs en des difputes publiques à Milan & à Touloufe.

Il parloit Italien fort poliment, même quant à la prononciation, tout étranger qu'il étoit; & quoique la foule fût extraordinaire à fes fermons, c'étoit une modeftie & une attention finguliere. Son difcours étoit ardent, touchant, penetrant, efficace: fes auditeurs fondoient en larmes, fe frappoient la poitrine, & fe difoient l'un à l'autre Helas! je n'avois jamais cru que telle action fût un peché; ils s'exhortoient à se confeffer, à jeûner, à faire des pelerinages; & on dit que les confrairies de flagellans, depuis fi frequentes en Italie & ailleurs, commencerent par fes fermons. Il enfeigna en plufieurs monafteres de fon ordre, dans lequel il excita l'émulation de l'étude : car jufques-là les fre res Mineurs étoient meprisez de plufieurs comme des ignorans. Antoine eut auffi part au gou710. vernement de l'ordre. Il fut miniftre provincial de la Romagne pendant plufieurs années, & fonda plufieurs monafteres en diverfes provinces: il fut gardien au Pui en Velai & à Limoges.

1:712, C. 3.

Mais après avoir été déchargé de tout gouvernement par le chapitre general de 1230. & par le pape, avec liberté de prêcher où il voudroit: il vint à Padoue où il palla l'hiver, & y prêcha,

le carême de l'an 123 1. il prêchoit tous les jours & ne laiffoit pas de confeffer: le concours du AN. 123 KJ peuple étoit tel à fes fermons, que les églifes étant trop petites, il fut obligé de prêcher en pleine campagne. Toute la ville de Padouë s'y trouvoit chaque jour avec le clergé, les religieux & l'évêque même. On y venoit des villes & des villages voifins, marchant la nuit aux flambeaux pour avoir place. Il s'y trouvoit jusques à trente mille perfonnes, tous fi attentifs, qu'à pei ne entendoit-on quelque bruit; les marchands tenoient leurs boutiques fermées jusques au retour du fermon. Quand il étoit fini, chacun s'empreffoit par devotion à toucher le faint homme, ou à couper quelque peu de fon habit : en forte que pour n'être pas écrasé, il étoit environné en allant & en venant par une troupe de jeune gens vigoureux. Aufli voyoit-on des effets fenfibles de fes fermons ; la reconciliation des plus mortels ennemis, la délivrance des prifonniers retenus depuis long-temps, la reftitu tion des ufures, la remife des dettes, la converfion des pechereffes publiques. Toute forte de pecheurs accouroient à la penitence; enfor te que les prêtres ne pouvoient fuffire à entendre les confeffions. Antoine lui-même quoiqu'attaqué d'infirmitez continuelles, étoit fans ceffe occupé à prêcher, à confeffer, & à donner des confeils à ceux qui lui en demandoient refolus à les fuivre abfolument.

Voyant approcher le temps de la moiffon, il erut devoir ceffer fes prédications pendant que le peuple y feroit occupé & fe trouvant fatigué des frequentes vifites des feculiers, il quitta Padoue, & fe retira dans un lieu folitaire du voifinage nommé Campietro, dont le feigneur nomme Tifon fe rendit fon disciple, & embraffa le regle du tiers ordre de faint François.

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