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DE L'ESPRIT ET DU CORPS.

LORSQU

RSQUE par des Loix fi conftantes L'Univers nous fait voir tant de faces changeantes,

Le fouverain Auteur en cache les Refforts.
Ce Reglement, cet Ordre, ces Rapports
Sont un Poëme énigmatique,

Où notre Etude avec peine s'applique,
Qui fans de grands Travaux ne peut être compris,
Et des Sages fans ceffe exerce les Efprits.

D'abord, comme un amas d'inconnus Caracteres,
On doit regarder l'Univers;

Tous ces Objets pour nous font des Chiffres couverts
Dont il faut penetrer & percer les Mysteres.
Sufpendons tous nos Jugemens,
Cherchons dans nos Raifonnemens
Le fonds d'une pleine évidence.

Qu'un Systême foit fimple & rempli de clarté
Que rien ne s'y démente, & qu'il foit cimenté
Par la raison jointe à l'Experience,

La Conjecture alors fe change en Affurance;
Et l'Esprit qui l'embrasse, a lieu d'être flatté
D'avoir trouvé la Verité.

Avant que de pouvoir définir aucun Etre, C'est le nôtre, c'est Nous que nous devons connoître, Afin de démêler cet Accord merveilleux

De ce qu'ils font en Nous, de ce qu'ils font en Eux. Il faut donc commencer de nouvelles revûes; Examiner de près dans la meure faison

Les chofes, que notre Raifon

Croyoit dans la Jeuneffe avoir le mieux connues.
Pour y mieux parvenir forçons-nous à douter

De tout ce que nos Sens ont

ရာ

nous rapporter.

Hommes faits, fuppofons que nous venons de naître.
Un Monde tout nouveau devant nous va paroître.
Sans fçavoir fi je fonge, ou fi c'est un réveil,
Je vois, ou je crois voir, une Terre, un Soleil,
Des Monts couverts de bois, des Collines fleuries,
Des Fleuves argentez, de riantes Prairies.
J'entends mêler au bruit des Eaux

La charmante voix des Oifeaux !
Sont-ce de douces Reveries ?

J'ignore tout, & rien ne m'eft connû!
Attentif, étonné, je regarde, j'écoute,

Qui fuis-je ? Où fuis-je ? Et d'où fuis-je venu?
Qu'arrive-t-il en moi? Je balance, je doute,
D'une chose pourtant je ne fçaurois douter;
Je crois voir, je crois écouter.
20

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Pofez qu'un Jupiter ait par le Dieu des fonges
Produit, pour me tromper, mille & mille menfonges
Affurément je ne fuis point trompé
Quand de ces vains objets je crois être occupé:
Oui, oui, Pirrhoniens, indociles Sceptiques,
Indifferens Academiques,

On peut trouver le Vrai, l'Esprit en est frappé ;
Que des Fictions chimeriques,

Des Illufions fantastiques

Viennent à mon Efprit fe montrer fous des traits
Qui n'ont jamais été, qui ne feront jamais ;
Il eft certain qu'en moi j'en ai l'appercevance.
J'irai jufqu'à douter qu'il foit rien au dehors,
A douter fi j'ai même un Corps.

Mais douter, c'eft penfer ; je doute; donc je pense."
Je cherche fi j'exifte; ainfi je m'en inftruis,
Pour penfer il faut être ; or je penfe, je suis.

que nous

fommes.

Premiere Verité que connoiffent les hommes;
Nous penfons, & par là nous favons
Affuré par mon doute il faudra confeffer
Que je fuis un Sujet capable de penser.

ရာ

Ce Principe fecret qui m'inftruit de mon Etre,
Et feparé de tout d'abord fe fait connoître,
Ou cet Etre penfant qui fur foi refléchit,

Eft ce que nous nommons notre Ame, notre Esprit.

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Jufques à ce moment de quelle erreur extrême

Nous avons été prévenus,

;

En croyant que
les Corps font les premiers connus ?
L'Objet connu d'abord par l'Ame eft elle-même
Elle eft; elle le fçait, dès qu'elle s'apperçoit
Des Sentimens qu'elle reçoit.

ရာ

Mais ne nous bornons pas à la feule Existence. Puifque notre Ame eft nous, que c'eft nous qui penfons,

Par cette Raifon même auffi nous connoiffons

Que l'Ame, la Pensée est notre

propre

Effence.

ရာ

Avant que le Corps même ait nos attentions,
L'Homme en l'interieur apperçoit fa Pensée.
Des fenfibles Objets, ni de leurs Actions
Nulle Idée en nous n'eft tracée

Que celle-ci n'ait devancée.

Si dérangeant ces Notions,

Sans nous bien obferver, d'abord nous prononcions
Que c'est un Vent fubtil, une Flâme legere
Qui fait notre Penfée & l'Action des Sens,

Cette Décifion feroit trop temeraire.
Voici le premier pas que la Raifon peut faire.
Nos Ames, nos Efprits font des Etres penfans.
ရာ

A découvrir fon Etre ainfi l'Ame commence. Mais enfuite attentive aux Objets du dehors,

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Trouvant qu'elle est toujours émûe à leur presence,
Et que cette Action ceffe par leur absence,
Par là nous avons connoiffance

De ces Objets divers que nous nommons des Corps.
Lorfque notre Pensée, ou notre Ame eft émûe
Par une Impreffion que l'Organe a reçûe,
En obfervant l'Effet fur les Sens imprimé,
Elle juge qu'il eft formé

Par des Sujets étrangers & fenfibles,
Les conçoit étendus, mobiles, divisibles;
Differens de l'Esprit, ils font materiels,

Ils frapent notre Corps par des traits corporels.
Sous ces trois noms leur Nature eft connue,

C'eft Matiere, Corps, Etendue.

En ce qu'il donne aux Sens, notre Efprit eft trompé. Connoîtroit-il ces Corps dont il eft fi frapé,

Si ce n'étoit les Penfées,

par

A leur occafion fans relâche exercées ?

Notre Corps même ainfi par l'Ame eft apperçû.
Elle void dans ces traits un merveilleux Ouvrage,
Des divers Elemens le mobile Affemblage,

Un délicat Organe inceffament émû

Qui des Sens lui donne l'Usage.

Elle voit c'eft lui qui par que

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Nous lie & nous attache à toute la Nature;

Il fert au Sentiment par fa rare Structure;

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