Mais laiffant ces Efprits dont l'orgueil inflexible Quand des Objets qui nous agitent Quelles Proprietez pouvons-nous leur donner Que d'être figurée ou meue ? Ainfi nous en ferons aifément affurez, Peut-on former ni des Regles plus fûres, Ni de plus claires Notions? Si le feul Mouvement fait les Divisions, Et les Divifions produifent les Figures, Tout naît, tout s'entretient par leurs Concours divers; Matiere, Mouvement compofent l'Univers. REFLEXIONS CES GENERALES fur la Matiere & fur le Mouvement. Es Veritez jamais nè furent ignorées ; De belles Fictions ont orné la Sageffe Pour faire mieux aimer fes Appas immortels. La Matiere, ont-ils dit, eft feule toutes chofes, Principe general, & Corps de tous les Corps ; Elle peut éprouver par differens efforts Mille & mille Metamorphofes, Mais quelques changemens qu'on lui fafle fentir Qu'on la preffe, qu'on la divife, Qu'en mille enfantemens à toute heure on l'épuife, Elle fe conferve la même ; D'un Etre qui perit l'autre foudain renaît. Ne ceffant point d'engendrer, de détruire, La Matiere fe cache aux yeux les plus perçans, Peut fe découvrir à nos Sens. Ses forces font toujours permanentes & vives; Et quand fous ces Voiles muables De tous l'un après l'autre elle fe couvriroit, Au premier elle reviendroit, Pour commencer encor des Changemens femblables. On la défigne auffi fous le nom du Prothée Qui ne gardant jamais de Figure arrêtée Armé d'une Forme changeante, Tantôt comme un grand Fleuve en onde il se répand, Tantôt il fiffle en l'air comme un affreux Serpent; On avoit bien d'abord conçû cette Matiere, Principe à tous les Corps commun également, Lorsqu'en un Sens abftrait on l'appelle Premiere, Propre à devenir tout, prête à tout Changement; Mais qui n'eft rien encor; comme l'informe Argile Peut fe paîtrir diversement Au gré de l'Ouvrier à cent formes docile. Et Cause fans effet & Principe inutile, Lui donne l'Action, la Vie & l'Ornement. Ils chantoient que des Dieux & le Maître & le Pere, L'Amour par qui tout eft produit, Ce Dieu par tout brillant avoit eu pour fa Mere De l'horreur du Cahos vint affranchir le Monde, Et fous d'heureuses loix ranger les Elemens; Que fon Flambeau divin alluma la Lumiere, Et qu'il en entretient l'Ordre & les Reglemens. Par cet Amour, Pere de la Nature, Ce Principe éternel Source du Mouvement, Mais Qui forma tout de la Matiere, Puifqu'elle eft avant toutes choses, Puisqu'elle eft la premiere, & la Caufe des Caufes. C'est par les feuls Effets que. l'on peut la comprendre Il affermit la Terre, il répandit les Mers, Il étendit les Cieux & leurs Voutes lucides. |