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rement ce que c'eft que fentir, nous cefferons de nous jetter toujours hors de nous-mêmes. Nous fongerons à penetrer jufques au Sens interieurs. Après nous être convaincus que le Corps n'eft qu'un inftrument meû par fes nerfs, au moyen des Efprits qui agiffent dans le cerveau, & y forment des traces, par lefquelles l'Ame reçoit les Images des Objets, Nous conclurons que ce doit être par ces traces, c'eft-à-dire, par des ébranlemens qui fe forment dans le cerveau, que naiffent toutes nos perceptions. En forte qu'il fe fait un perpetuel commerce de mouvemens dans le Corps, & de perceptions dans l'Ame, par où l'on fe rend certain de leur union, quoiqu'elle demeure toujours inexplicable. Et dans quelle furprise tombe notre Rai- • fon, quand nous reconnoiffons que par ces Images, qui font proprement nos Idées, à l'égard de l'Ame, tout ce que nous fentons, tout cet Univers, les Cieux, la Terre, les Mers, tous ces Objets fi

grands & fi lumineux ne font qu'en nous-mêmes, fans aucune matiere; que tous ces fentimens fi variez que nous en avons, font feulement des modifications de notre Ame, & n'appartiennent qu'à

nous.

Ces deux Etres fi étroitement unis demeurent toujours féparez par leur pro prietez effentielles. Les agitations que le Corps produit dans l'Ame par fes mouvemens, ne rabaiffent point la fuperiorité de l'Ame qui le fçait dominer, quand il lui plaît, par fes volontez. Sa force qui va jusqu'à s'immoler ce Corps, qu'elle a peine à ne pas prendre pour elle-même, acheve de prouver invinciblement combien elle en eft differente, & que dans leur union la plus étroite, on doit toujours reconnoître cette diftinction,

VOILA Ce que je me fuis propofé dans cet Ouvrage. Mais avec toute mon Etude & tous mes foins, je ne crois pas que je doive m'ériger en Difciple déclaré, ni en zelé Défenfeur de M. D. C. S'il s'eft

contenté de nous donner fa Philofophie comme un Roman : & fi beaucoup de Gens d'Efprit, qui ont pris droit fur fes paroles, d'appeller cette Philofophie le Roman de la Nature, l'ont regardée comme un amas & un enchaînement de causes & d'effets probables, ou comme l'Hiftoire d'un Monde imaginaire, & qui n'eft point dans l'Etre des choses; je confens de la regarder avec les mêmes yeux, pourvû qu'on me permette de dire que je n'ai jamais vû de Roman, fi beau, si bien suivi, ni qui reffemble mieux à la Verité.

Je l'ai pris ainfi comme un fujet que la Poëfie pouvoit rendre fufceptible de quelque agrément. Et il m'a semblé d'ailleurs que touchant ces Matieres Phyfiques, abandonnées aux doutes & aux conjectures, il étoit raisonnable de s'attacher à l'Hypothefe, qui nous paroiffoit la plus claire & la plus uniforme, & qui s'accorde le mieux à toutes les Experiences. A condition d'être

toujours prêt d'embraffer un autre Systême, où l'on nous montreroit plus de verité, ou de vrai-femblance; & à plus forte raison de renoncer, comme je ferai toute ma vie, à toutes les opinions qui ne feroient pas conformes aux décifions de l'Eglife.

Je ferai donc toujours fort éloigné de me mettre fur les rangs, & de prendre un ton trop dogmatique, que je reconnois qui ne me fieroit pas. Je m'étonne feulement qu'après toutes les grandes Objections qu'on a faites autrefois à M. D. C. & qu'il avoit détruites, ou prévenues dans fes Réponses aux plus illuftres Sçavans de l'Europe, on en faffe encore naître de nouvelles, avec moins de confideration que jamais.

Bien que l'on avoue generalement qu'il a introduit plus d'ordre & de précifion dans la maniere de philofopher, qu'il n'y en avoit avant lui, & qu'on foit obligé de reconnoître qu'il a donné à notre Siecle des clartez qui font répan

dues dans tous les Ecrits des nouveaux Philofophes. Quelques-uns d'entre eux, & peut-être Ceux qui l'ont le plus étu dié, affectent de s'en écarter. Mais on remarque aifément qu'il font encore: guidez par fa Doctrine, & appuyez fur fes Principcs. Et fouvent ceux qui ont voulu les reformer; ou les changer, & les déguiser pour se les rendre propres, nous ont fait voir que ces Ruiffeaux détournez se perdoient en s'éloignant de leur fource.

Il y a des Cenfeurs qui vont jusqu'à lui reprocher qu'en mauvais Phyficien, il fait intervenir Dieu pour la Caufe unique de tous les Mouvemens de l'Univers, & qu'il l'attache ainsi servilement à la production de chaque Etre en particulier. D'autres au contraire difent que ce premier Etre feroit devenu inutile dans la fuite, ne contribuant plus à la formation des Etres, après avoir une fois fait mouvoir la matiere en rond. Que par ce mouvement purement mé

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