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lui, en préférant les étrangers; & qu'une certaine habitude, un certain train établi, a beaucoup de pouvoir en toute matiere. I employoit les tems de guerre à composer des ouvrages, non pas tant pour fe procurer par-là quelque dédommagement; car que peut-on efpérer d'un livre de mathématique que parce qu'il eft prefque impoffible qu'un mathématicien habile & qui a du loifir, résiste à des vues & à des méthodes nouvelles, qui viennent s'offrir à lui, & en quelque forte malgré lui.

Il composoit avec une extrême facilité, quoique fur des sujets fi difficiles. Sa premiere façon étoit la derniere; jamais de ratures, ni de corrections; & les imprimeurs fe louoient fort de la netteté de fes manufcrits. Quelquefois il réfolvoit des problêmes embarraffés, en allant par les rues; quelquefois même, dit-on, en dormant; & alors il fe faifoit apporter promptement, à fon réveil, de quoi les écrire ; car la mémoire, ennemie presque irréconciliable du jugement, ne dominoit pas en lui.

Ses principaux ouvrages font un dictionnaire de mathématique très-ample, imprimé en 1691, où il donne, par occafion, les folutions d'un affez grand nom bre de problêmes de très-longue haleine; un cours de mathématique en cinq volu mes, imprimé en 1693; un grand traité d'algebre, des fections coniques, des récréations mathématiques & phyfiques ; un diophante manufcrit qui eft entre les mains de M. le chancelier, juge fort éclairé, même en ces matieres. Tous ces ouvrages, & quelques autres moins confidérables, feulement par le volume, ne roulent que fur l'ancienne géométrie, mais approfondie avec beaucoup de travail. La nouvelle n'y paroît point, c'est-à-dire > celle qui, par le moyen de l'infini, s'est élevée fi haut; elle étoit beaucoup plus jeune que M. Ozanam. Il eft vrai aussi que l'ancienne, qui eft moins fublime, moins piquante, même moins agréable, eft plus indifpenfablement néceffaire, & plus fenfiblement utile, & que c'eft elle feule qui fournit à la nouvelle des fondemens folides.

A l'âge de foixante-un ans, c'est-à-dire en 1701, il perdit fa femme, & avec elle tout le repos & tout le bonheur de fa vie. La guerre qui s'alluma auffi-tôt pour la fucceffion d'Espagne, le réduifit dans un état fort trifte. Ce fut en ce tems-là qu'il entra dans l'académie, où il voulut bien prendre la qualité d'éleve, qu'on avoit deffein de relever par un homme de cet âge & de ce mérite. Il a valu cette gloire à l'académie, qui a eu la douleur de ne l'en récompenfer par aucune utilité. Il eut plus que du courage dans fa fituation ; il alla jufqu'à la patience chrétienne. Il ne perdit pas même fa gaieté naturelle, ni une forte de plaifanterie qui le délafsoit d'autant mieux, qu'elle étoit moins recherchée.

Sans tomber malade, il eut un tel preffentiment de fa mort, que des feigneurs étrangers l'ayant voulu prendre pour maître, il les refusa, sur ce qu'il alloit mourir. Le dimanche 3 avril 1717, il alla le matin fe promener, felon fa coutume, au jardin du Luxembourg; il dîna avec appétit, & à trois heures après midi il

fe trouva mal, & demanda à fe coucher. Sa feule domestique voulut aller chercher fon fils aîné qui étoit forti; mais il dit qu'il ne pourroit pas venir affez tôt, & peu de tems après il tomba dans une apoplexie dont il mourut en moins de deux heures.

Feue Mademoifelle, princeffe fouveraine du pays où il étoit né, l'appelloit l'honneur de fa Dombes, Il a eu plus de réputation parmi les étrangers, que parmi nous, qui, fur certains points, fommes trop peu prévenus en faveur de notre na tion, & trop, en récompenfe, fur d'autres.

Il favoit trop d'aftronomie pour donner dans l'aftrologie judiciaire, & il refufoit courageufement tout ce qu'on lui offroit pour l'engager à tirer des horofcopes; car prefque perfonne ne fait combien on gagne à ignorer l'avenir. Une fois feulement il fe rendit à un comte de l'Empire, qu'il avoit bien averti de ne le croire pas. Il dreffa par aftronomie, le thême de fa nativité; & enfuite, fans employer les regles de l'aftrologie, il lui prédit tous les bonheurs qui lui vinrent

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à l'esprit. En même tems le comte fit faire auffi fon horofcope par un médecin très-entêté de cet art, qui s'y croyoit fort habile, & qui ne manqua pas d'en fuivre exactement, & avec fcrupule, toutes les regles. Vingt ans après, le feigneur Allemand apprit à M. Ozanam, que toutes fes prédictions étoient arrivées, & pas une de celles du médecin. Cette nouvelle lui fit un plaifir tout différent de celui qu'on prétendoit lui faire. On vouloit l'applaudir fur fon grand favoir en aftrologie, & on le confirmoit feulement dans la penfée qu'il n'y a point d'aftrologie.

Un cœur naturellement droit & fimple, avoit été en lui une grande difpofition à la piété. La fienne n'étoit pas feulement folide, elle étoit tendre, & ne dédaignoit pas certaines petites chofes qui font moins à l'ufage des hommes que des femmes, & moins encore à l'ufage des mathématiciens, qui pourroient regarder les hommes ordinaires, comme des femmes. Il ne fe permettoit point d'en favoir plus que le peuple, en matiere de religion. Il difoit en propres termes, « qu'il appartient

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