appuyer cette pensée. Elle agrandit l'univers , & en augmente la pompe.

Il travailloit encore à cette partie de l'astronomie fi neuve & fi peu traitée , lorsque le pape le renvoya en Toscane négocier seul avec les ministres du grand duc, sur l'affaire de la Chiana, & lui donna en même tems la surintendance des eaux de l'état ecclésiastique. Quand il étoit quitte de ses devoirs , il retournoit à ses plaisirs, c'est à-dire , aux observations célestes.

Ce fut à Citta della Pieve en Toscane, dans la même année de 1665 , déja allez chargée d'événemens savans, qu'il reconnut sûrement sur le disque de Jupiter les ombres

que les satellites y jettent, lorsqu'ils passent entre Jupiter & le fuleil. Il fallut démêler ces ombres d'avec des taches de cette planete , les unes fixes , les autres passageres , les autres fixes seulement pour un tems ; & il les démêla si bien , que ce fut par une tache fixe bien avérée , qu'il découvrit que Jupiter tourne sur son axe en neuf heures cinquante-six minutes. On lui contefta la distinction des ombres & des taches, quoiqu'il l'eût démontrée géométri

quement , & qu'il sût prédire & les tems de l'entrée ou de la sortie des ombres sur le disque apparent de Jupiter , & ceux où 12 tache fixe y devoit reparoître par la révo

у lution du globe. Mais il faut avouer que l'extrême subtilité de ces recherches, & l'usage très-délicat , & jusques-là nouveau qu'il avoit fallu faire de l'astronomie & de l'optique ensemble, méritoient de trouver de l'opposition même chez les savans , plus rebelles que les autres à l'instruction. Le refus de croire honore les découvertes fines.

Celles de M. Caslini éroient d'autant plus importantes, que de toutes les planetes , c'est jusqu'à présent Jupiter qui

ntéresse le plus. C'est lui qui peut décider la question du mouvement ou de l'iminobilité de la terre ; il nous fait voir à l'æil, & même plus en grand que chez nous , tout ce que Copernic n'avoit fait que deviner pour la terre, avec une espece de témérité. Si l'on est étonné qu'une aussi grosse masse que la terre tourne sur ellemême, Jupiter mille fois plus gros tourne près de deux fois & demie plus vite. Si l'on

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trouve étrange que la lune feule ait la terre pour centre de fon mouvement , quatre lunes ou fatellites ont Jupiter pour centre

du leur.

Lorfqu'on ne fongea plus à difputer à M. Caffini la vérité de fes découvertes, on fongea à lui en dérober l'honneur. Au mois de février 1667, il avoit pris le tems favorable d'obferver Mars, qui s'approchoit de la terre, & il jugeoit par le mouvement de quelques taches, que cette planete tournoit fur fon axe en vingt-quatre heures & quelques minutes. Des obfervateurs de Rome, à qui il en avoit écrit, voulurent le prévenir; mais il fut bien défendre fon droit, & prouver que leurs obfervations étoient & poftérieures aux fiennes, & peu exactes. Il fixa la révolution de Mars à vingt-quatre heures quarante minutes; nouvelle gloire pour Copernic. Son fyftême s'affermiffoit, à mefure que le ciel fe développoit fous les yeux de M. Caffini. Il découvrit auffi dans la même année des taches fur le difque de Vénus, & crut que fa révolution pouvoit être à-peu-près égale à celle de Mars; mais

comme Vénus dont l'orbe eft entre le foleil & nous, eft fujette aux mêmes variations de phafes que la lune, & que parlà les retours de fes taches font très-difficiles à reconnoître avec fûreté, il ne détermina rien, & fa retenue fur des decouvertes incertaines fut une confirmation de la certitude des autres.

Malgré les égards qu'on devoit avoir pour fon utile attachement aux obfervations célestes on l'en détournoit affez fouvent par la néceffité d'avoir recours à lui. Outre les emplois qu'il avoit déja, étrangers à l'aftronomie, on le chargea de l'inspection de la fortereffe de l'eruggia, & du Pont Felix, que le Tibre menaçoit de quitter. I ordonna un ouvrage qui prévint ce défordre. Lui-même, poffédé d'un amour général pour les fciences, fe livroit quelquefois à des distractions volontaires. Lorfqu'il traitoit de l'affaire de la Chiana, avec M. Viviani, il avoit fait, fur les infectes, quantité d'obfervations physiques, que M. Montalbani, à qui il les adreffa, fit imprimer dans les ouvrages d'Aldrovandus. En dernier lieu, les expé

riences de la transfufion du fang, faites en France & en Angleterre, & qui ne regardoient que des médecins & des anatomiftes, étant devenues fort fameuses, il eut la curiofité de les faire chez lui à Boulogne, tant fa paffion de savoir se portoit vivement à différens objets. Auffi, lorfque dans fes voyages de Boulogne à Rome, il paffoit par Florence, le grand duc & le prince Léopold faifoient tenir en sa préfence les affemblées de leur académie del Cimento, perfuadés qu'il y laifferoit de fes lumieres.

En 1668, il donna les éphémérides des aftres de Médicis ; car en Italie on eft jaloux de conferver ce nom aux fatellites de Jupiter. Galilée, leur premier inventeur, Marius, Hodierna, avoient tenté sans succès de calculer leurs mouvemens, & les éclipfes qu'ils caufent à Jupiter en lui dérobant le foleil, ou qu'ils souffrent en tombant dans son ombre. Il manquoit à tous ces aftronomes d'avoir connu la vé ritable position des plans ou orbites, dans lefquels fe font les mouvemens de ces fatellites autour de Jupiter; & en effet