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il femble que ce foit à l'efprit humain une audace exceffive & condamnable, que d'afpirer à une pareille connoiffance. Toutes les planetes fe meuvent dans des plans différens, qui paffent par le centre du foleil; celui dans lequel fe meut la terre eft l'écliptique; l'orbite de Jupiter eft un autre plan, incliné à l'écliptique d'un certain nombre de degrés, & qui la coupe en deux points oppofés. Cette inclinaison de l'orbite de Jupiter à l'écliptique, & leurs interfections communes, quoique recherchées par les aftronomes de tous les tems & fur une longue fuite d'obfervations, font fi difficiles à déterminer, que différens aftronomes s'éloignent beaucoup les uns des autres & que quelquefois un même aftronome ne peut s'accorder avec lui-même. La raison en eft que ces plans, quoique réels, font invifibles, & ne peuvent être apperçus que par l'efprit, ni diftingués que par un grand nombre de raisonnemens très-fins. Que fera - ce donc de plans beaucoup plus invisibles, pour parler ainsi, dans lefquels fe meuvent les fatellites de Jupiter? Il a fallu

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trouver quels angles font leurs orbites, & avec l'orbite de Jupiter, & entre elles, & avec notre écliptique ; & de plus quelle eft la différente grandeur de ces angles felon qu'ils font vus, ou du foleil, ou de la terre. En un mot, dans les tables de ces nouveaux aftres, il entra vingtcinq élémens, c'est-à-dire, vingt-cinq connoiffances ou déterminations fondamentales. Non feulement c'eft un grand effort d'efprit que de tirer, d'assembler, d'arranger tant de matériaux néceffaires à l'édifice; mais c'en eft même un grand que de favoir combien il y a de matériaux néceffaires, & de n'en oublier aucun.

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Dès que les tables de M. Caffini parurent tous les aftronomes de l'Europe qu'elles avertiffoient du tems des éclipfes des fatellites, les obferverent avec foin, entre autres M. Picard, l'un des membre de l'académie des fciences alors naiffante; & il trouva qu'aflez fouvent elles répondoient au ciel avec plus de justetse, que n'en avoit promis l'auteur même, qui fe réfervoit à les rectifier dans la fuite. Il avoit fait pour quatre lunes étrangeres

très

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très éloignées de nous connues depuis fort peu de tems ce que tous les aftronomes de vingt-quatre fiecles avoient eu bien de la peine à faire pour la lune.

M. Colbert, qui, par les ordres du roi, avoit formé l'académie des sciences en 1666, defira que M. Caffini fût en correfpondance avec elle; mais bientôt la paffion qu'il avoit pour la gloire de l'état, ne fe contenta plus de l'avoir pour correfpondant de fon académie : il lui fit propofer, par le comte Graziani, miniftre & fecrétaire d'état du duc de Modene, de venir en France, où il recevroit une penfion du roi, proportionnée aux emplois qu'il avoit en Italie. Il répondit qu'il ne pouvoit disposer de lui, ni recevoir l'honneur que fa majesté vouloit bien lui faire, fans l'agrément du pape, qui étoit alors Clément IX; & le roi le fit demander à fa fainteté & au fénat de Boulogne, par M. l'abbé de Bourlemont, alors auditeur de Rote; mais feulement pour quelques années. On crut que la négociation ne réuffiroit pas fans cette reftriction, qui apparemment n'étoit Tome 11.

E

qu'une adreffe. On lui fit l'honneur, & de croire cet artifice néceffaire, & de vouloir bien s'en fervir.

Il arriva à Paris au commencement de 1669, appellé d'Italie par le roi, comme Sofigene, autre aftronome fameux, étoit venu d'Egypte à Rome, appellé par JulesCéfar. Le roi le reçut, & comme un homme rare, & comme un étranger qui quittoit fa patrie pour lui. Son deffein n'étoit pas de demeurer en France, &, au bout de quelques années, le pape & Bou logne, qui lui avoient toujours confervé les émolumens de fes emplois, le redemanderent avec chaleur ; mais M. Colbert n'en avoit pas moins à le leur difputer, & enfin il eut le plaifir de vaincre, & de lui faire expédier des lettres de naturalité en 1673. La même année, il épousa Genevieve Delaître, fille de M. Delaître, lieutenant-général de Clermont en Beauvoifis. Le roi, en agréant fon mariage, eut la bonté de lui dire qu'il étoit bien aife de le voir devenu François pour toujours. C'eft ainfi que la France faifoit des conquêtes jufques dans l'empire des let

tres.

Parce que M. Caffini étoit étranger, il avoit également à craindre que le public ne fût dans des difpofitions pour lui, ou trop favorables, ou malignes ; &, fans un grand mérite, il ne fe fût pas fauvé de l'un ou l'autre péril. Il comprit qu'il commençoit une nouvelle carriere, d'autant plus difficile, que, pour foutenir fa réputation, il falloit la furpaffer. Nous ne fuivrons point ên détail ce qu'il fit en France, nous en détacherons feulement quelques traits des plus remarquables.

L'académie ayant envoyé, en 1672, des obfervateurs dans l'île de Cayenne, proche de l'équateur, parce qu'un climat fi différent du nôtre devoit donner quantité d'obfervations, fort différentes de celles qui fe font ici, & qui nous feroient d'un grand ufage on en rapporta tout ce que M. Caffini n'avoit établi que par raisonnement & par théorie, plufieurs années auparavant fur la parallaxe du foleil, & fur les réfractions. Un aftronome fi fubtil eft prefque un devin, & on diroit qu'il prétend à la gloire de l'aftrologue.

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De plus, un des principaux objets du

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