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É LOGE

DE MONSIEUR

L Ꭼ Ꮇ Ꭼ Ꭱ Y. Nicolas LÚMERY naquit à Rouen le 17 novembre 1645 , de Julien Lémery, procureur au parlement de Normandie , qui étoit de la religion prétendue réformée. Il fit ses études dans le lieu de fa naissance, après quoi lon inclination naturelle le détermina à aller apprendre la pharmacie chez un apothicaire de Rouen , qui étoit de ses parens. Il s'apperçur bientôt que ce qu'on appelloit la chymie, qu'il ne connoissoit guere que de noin, devoit être une science plus étendue que ce que favoit son maîrre & ses pareils ; & en 1666 il vint chercher cette chymie à Paris.

Il s'adressa à M. Glazer , alors démonstrateur de la chymie au jardin du roi , & se mit en pension chez lui , pour être à une bonne source d'expériences & d'analyses. Mais il se trouya malheureusement que M.

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Glazer étoit un vrai chyiniste , plein d'idées obscures , avare de ces idées-là même , & très - peu sociable. M. Lémery le quitta donc au bout de deux mois , & se résolut à voyager par la France, pour voir les habiles gens les uns après les autres & se composer une science de différentes lumieres qu'il en tireroit. C'est ainsi qu'avant que les nations savantes communiquassent enseinble par les livres, on n'érudioit guere que par les voyages. La chymie étoit encore fi imparfaite & si peu cultivée, que pour y faire quelque progrès, il falloit reprendre cette ancienne façon de s'instruire.

Il séjourna trois ans à Montpellier, penfionnaire de M. Verchant, maître apothicaire , chez qui il eut la commodité de travailler , & , ce qui est plus considérable, l'avantage de donner des leçons à quantité de jeunes étudians qu'avoit son hôte. Il ne manqua pas de profiter beaucoup de ses propres leçonis , & en peu de tems elles attirerent tous les professeurs de la faculté de médecine , & les curieux de Montpellier ; car il avoit déja des nouveautés pour les plus habiles. Quoiqu'il ne fût

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point docteur

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il pratiqua la médecine dans cette ville, où de tout tems elle a été fi bien pratiquée; fa réputation fut fon titre.

Après avoir fait le tour entier de la France, il revint à Paris en 1672. Il y avoit encore alors des conférences chez divers particuliers; ceux qui avoient le goût des véritables fciences s'affembloient par petites troupes, comme des efpeces de rebelles, qui confpiroient contre l'ignorance & les préjugés dominans. Telles étoient les affemblées de M. l'abbé Bourdelot, médecin de M. le prince, le grand Condé, & celles de M. Juftel. M. Lémery parut à toutes, & y brilla. Il fe lia avec M. Martin, apothicaire de M. le prince; &, profitant du laboratoire qu'avoit fon ami à l'hôtel de Condé, il y fit un cours de chymie, qui lui valut bientôt l'honneur d'être connu & fort eftimé du prince chez qui il travailloit. Il fut fouvent mandé à Chantilli, où le héros, entouré de gens d'efprit & de favans, vivoit comme auroit fait Céfar oifif.

M. Lémery voulut enfin avoir un labo

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ratoire à lui, & indépendant. Il pouvoit également fe faire recevoir docteur en médecine, ou maître apothicaire; la chymie le détermina au dernier parti, & auffi-tôt il en ouvrit des cours publics dans la rue Galande, où il fe logea. Son laboratoire étoit moins une chambre qu'une cave, & prefque un antre magique, éclairé de la feule lueur des fourneaux; cependant l'affluence du monde y étoit fi grande, qu'à peine avoit-il de la place pour fes opérations. Les noms les plus fameux entrent dans la lifte de fes auditeurs, les Rohaut les Bernier, les Auzout, les Regis, les Tournefort. Les dames mêmes, entraînées par la mode avoient l'audace de venir fe montrer à des affemblées fi fayantes. En même tems M. du Verney faifoit des cours d'anatomie avec le même éclat, & toutes les nations de l'Europe leur fourniffoient des écoliers. En une année, entre autres, on compta jusqu'à quarante Ecoffois, qui n'étoient venus à Paris que pour entendre ces deux maîtres, & qui s'en retournerent, dès que leurs cours furent finis. Comme M. Lémery

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il s'en falloit

prenoit des penfionnaires beaucoup que fa maison fût assez grande pour loger tous ceux qui le vouloient être ; & les chambres du quartier fe rempliffoient de demi-penfionnaires, qui vouloient du moins manger chez lui. Sa réputation avoit encore une utilité très confidérable; les préparations, qui fortoient de fes mains, étoient en vogue; il s'en faifoit un débit prodigieux dans Paris & dans les provinces, & le feul magiftere de bismuth fuffifoit pour toute la dépenfe de la maison. Ce magiftere n'est pourtant pas un remede ; c'est ce qu'on appelle du blanc d'Espagne. Il étoit feul alors dans Paris qui poffédât ce tréfor.

La chymie avoit été jufques-là une fcience, où, pour emprunter fes propres termes, un peu de vrai étoit tellement diffous dans une grande quantité de faux, qu'il en étoit devenu invisible, & tous deux prefque inTéparables. Au peu de propriétés naturelles que l'on connoifsoit dans ses mixtes, on en avoit ajouté tant qu'on avoit voulu d'imaginaires, qui brilloient beaucoup davantage; les métaux fympathifoient avec

les

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