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annonçoit en lui le grand Orateur. Avec une belle figure, le maintien noble, un organe fonore, une éloquence mâle, & beaucoup de précifion, il avoit l'efprit jufte, vif, aifé & orné; l'imagination élevée & forte; & furtout une douceur & une aménité qui fe faifoit toujours fentir dans fes difcours & dans fes ouvrages. La chaire du droit français ayant vacqué en 1709, tout le monde le défigna pour remplir cette place à laquelle le Roi le nomma avec éloge. Il fe livra tout entier à fes nouvelles fonctions; il les remplit avec tant d'éclat & une fi grande fupériorité, que les cahiers de fes Ecoliers furent dans peu recherchés avec empreffement par les curieux & par les amateurs de la bonne jurifprudence. C'eft ce qui lui valut fans doute la gloire bien rare, dont il jouit long-temps, d'être cité, de fon vivant, dans les plaidoyers & les écrits des plus fameux Avocats de fon temps, comme devant faire loi; car il ne voulut jamais fe faire imprimer. Ses excellens ouvrages n'ont été livrés à l'impreffion qu'après sa mort.

La guerre ne fut pas de longue durée. Le Roi Louis XV, devenu l'arbitre de l'Europe par fa mo- An. 1736. dération, dicta les conditions de la paix. Jamais le royaume ne fut plus floriflant. Le Duc de Duras revint à Montauban; il ne fit, pour ainfi dire, que s'y montrer, & il partit pour la Franche-Comté dont le Roi lui donna le gouvernement. Il quitta à regret les Montalbanois, qu'il chériffoit comme fes enfans, &les Montalbanois ne voyoient en lui qu'un père Tome III.

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de famille. Cette réciprocité de fentimens attend les hommes en place qui n'exercent leur autorité que pour faire des heureux, & fera toujours le prix le plus flatteur de leurs travaux, aux yeux d'une ame fenfible & généreufe, ainfi que le gage affuré de la tranquillité publique. S'il eft indifpenfable, pour maintenir l'harmonie & l'équilibre de l'ordre focial, pour le garantir des altérations & des viciffitudes, trifte appanage de l'humanité dégradée, qu'il y ait dans les peuples une fubordination conftante qui les rende dociles aux impulfions de ceux qui commandent; il faut auffi que ceux qui font établis pour commander, faffent chérir leur autorité, en n'excédant jamais les bornes du pouvoir toujours circonfcrit dans les lois fondamentales de l'état. C'eft alors que la fociété, cet affemblage fortuit d'une foule d'unités partielles, voit les parties éparses, &, pour ainfi dire, hétérogènes qui la compofent, rapprochées & identifiées par l'empire de la loi, fe confondre dans un tout individuel fous les aufpices des chefs qui la préfident; c'eft alors que tous les membres fe correfpondent fans interruption & fans intervalle par une communication libre & non inte rompue de leurs bienfaits réciproques.

CHAPITRE IX.

Affemblées des Proteftans. - Eglife cathédrale de
Montauban. Académie des Belles lettres.
Etabliffement des corvées. - Univerfité de Ca-

hors fupprimée.

gêné.

Le commerce de cette ville

A peine le Duc de Duras, fi habile à maintenir An. 1736.

les peuples dans la fubordination, eut-il quitté Montauban, que quelques légers mouvements fe firent fentir dans le Querci. Les Proteftans de ce pays, foumis en général aux volontés du Prince, ne fe permettoient plus aucun exercice public de leur culte depuis la révocation de l'édit de Nantes. Le calvinifme même paroiffoit devoir s'éteindre dans leur cœur, fi des Milords Anglois, jaloux peut-être de la tranquillité de la France, n'avoient eu recours pour la troubler à un moyen perfide couvert des ombres de la générofité & du zèle pour les progrès de leur religion. Ils avoient fondé à Lauzanne des penfions gratuites en faveur des Propofans français qui voudroient s'inftruire des dogmes du proteftantifine.. Ces Propofans revêtus de. la qualité de Miniftres du Saint Evangile, fe répandirent dans les autres provinces du royaume où leur miffion n'eut que trop de fuccès. Ils voulurent

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effayer de l'exercer dans le Querci. Ils fe rendirent aux environs de Montauban, & choifirent des endroits montueux & couverts de bois, pour le théâtre de leurs prédications qu'ils faifoient à la faveur de la nuit. Les payfans & quelques citoyens trop faciles y accoururent: Ces affemblées nocturnes fe diffipèrent bientôt. L'on arrêta un grand nombre des coupables; les hommes furent envoyés aux galères, & les femmes rafées & enfermées dans des maifons de force. Les Miniftres échappèrent à la vigilance des Magiftrats; & toujours munis des pouvoirs du Confiftoire de Lauzanne, attendirent une occafion plus favorable pour exercer leur miniftère.

Cependant Pajot perfectionnoit les routes fans relâche, & étoit d'une très-grande attention fur tous les ouvrages publics. Ils languirent rarement fous fon adminiftration; & il parvint enfin à terminer celui de l'églife Cathédrale par les foins de l'Architecte Larroque. Cet Architecte habile, pour An. 1739. en accélérer l'exécution, abandonna le plan dangereux d'élever un grand clocher fur la coupole du milieu de l'églife, & en fubftitua à la place deux plus petits ou campaniles, d'une architecture élégante & agréable, qui accompagnent le frontispice fans l'embarrasser.

Cette églife, l'une des plus magnifiques de la province, mérite une description particulière. Elle est conftruite en forme de croix à la grecque. Elle a dans œuvre quarante-cing toiles de long, fur vingt de large,

Vingt piliers de pierre de taille, ornés de pilaftres d'ordre dorique & de quarante-cinq pieds d'élévation, y compris les focles & l'entablement, portent une voûte de ftuc de foixante-dix-fept pieds de baut au-deffus du pavé. Seize grandes arcades furmontées de grands vitraux, donnent entrée de la nef dans les bas-côtés, qui font bordés de chapelles en enfoncement, vis-à-vis chaque arcade. L'autel eft ifolé & placé entre le chœur & la nef fous la coupole où aboutiffent les quatre branches de la croix, & n'eft fermé que par une belle grille de fer qui laiffe voir à découvert toutes les cérémonies. La chapelle de la Vierge où eft la ré-. ferve, eft dans le rond point; & fur le côté on trouve une belle facriftie d'une architecture noble, quoique fimple, très bien éclairée, précédée d'un grand vestibule. On entre dans cette églife par cinq portes, deux aux deux bouts des branches de la croix, & trois au frontispice, où on monte par un perron de pierre, de onze marches, qui règne fur toute la façade. La principale porte eft ornée de deux colonnes ifolées & accouplées de chaque côté, d'ordre dorique; les deux autres portes plus petites, font accompagnées de deux pilaftres du même ordre, avec des niches dans les entre-deux. Sur ce premier ordre, il s'en élève un fecond qui eft ïonique & de la largeur feulement de la grande nef, compofé de deux pilaftres auffi accouplés de chaque côté d'un grand vitrau qui donne du jour à l'orgue, placé en dedans fur un arc, en anfe à pa

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