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du talent & des connoiffances. Il fit un voyage à Paris, où il donna au théâtre la tragédie de Pharamond, qui eut quelque vogue, & qui en le faifant connoître lui valut la protection & même l'amitié du Comte de Saint Florentin, Miniftre d'Etat. De retour en province, il fuivit Pajot, qui fut tranfféré à l'intendance d'Orléans; mais il y refta peu. Poffédé de la paffion du théâtre dont Pajot voulcit le guérir, comme devant être un obstacle aux vues qu'il avoit pour fa fortune, il quitta brufquement ce Magiftrat & fans prendre congé ; c'est une tâche dans fa vie. Il s'établit à Paris où il donna plufieurs pièces aux François & à l'Opéra, avec différens fuccès; il fe décida enfin pour ce dernier fpectacle. En s'affociant avec le célébre Rameau, le plus grand muficien de for fiècle, qui ne voulut presque plus travailler qu'avec lui, ne trouvant point d'Auteur, difoit-il, dont la coupe des vers fut auffi heureufe pour être mis en chant que celle de fes poëmes, il fe fit un grand nom. Quoiqu'en ayent dit fes envieux, car cette préférence de Rameau, lui en donna un grand nombre; Cahufac avoit en ce genre la fupériorité, non feulement fur fes rivaux du temps, mais encore fur les Auteurs lyriques qui l'avoient précédé, pour l'invention des fêtes qui dans fes opéras ajoutent toujours à l'action en faifant partie du fujet ou en naiffant naturellement. Sa comédie de Zéneïde eft excellente, & plaira toujours. Il fut gratifié par le Roi d'une penfion de deux mille livres fur le Mercure de France, d'une place

de Cenfeur royal, & obtint d'être affocié à l'Acacadémie des Sciences & Belles-lettres de Pruffe. Le Comte de Saint Florentin l'honora toujours de fes bontés; mais il eut le malheur d'encourir la difgrace de la Marquife de Pompadour, pour quelque indifcrétion qui n'avoit peut-être de réalité que dans la malice de fes ennemis. Cet événement empoifonna le reste de fa vie. « Il étoit, a dit l'Auteur du » Dictionnaire des Grands-hommes, d'une fenfibi» lité qui abrégea peut-être ses jours. L'éloge & la » fatyre excitoient également fa vivacité. Un Jour>> naliste ayant beaucoup loué l'opéra de Zoroastre, >> Cahufac lui dit en l'embrassant: Ah! que je vous ai d'obligation. Vous êtes le feul homme en France qui ait eu le courage de dire publiquement du bien de moi. Ses principaux ouvrages sont Pharamond & Warwick, tragédies Zéneïde & Algérien, comédies; les fêtes de l'Himen & de l'Amour, Zaïs & Zoroaftre, opéras; un Opéra en un acte pour les petits appartemens; Grigri, roman dans le goût du temps; un traité de la Danfe, en 2 volumes in-12, ouvrage eftimé.

. Envain l'alliance furprenante des maifons de Bourbon & d'Autriche, fembla devoir anéantir le fameux fyftème de l'équilibre de l'Europe, & rendre leurs armes réunies fupérieures à celles des autres Potentats, cette guerre ne fut pas heureufe, & le poids s'en fit fentir dans tout le royaume. Les Proteftans du bas-Querci parurent vouloir encore profiter de la calamité générale; mais ce ne fut que

parmi

parmi le peuple. Leurs affemblées moins fecrètes donnèrent lieu à un événement dont on n'avoit pas vu d'exemple depuis long-temps, & auquel on ne devoit point s'attendre, après la protestation folennelle que les Calvinistes fenfés & éclairés avoient faite de ne jamais acquiefcer à ces fortes d'affemblées.

An. 1741

La garde bourgeoife établie à Cauflade arrêta dans la nuit & hors des portes de la ville, trois hommes qui, par leurs réponfes, lui parurent fufpects; elle les conduisit au corps-de-garde. Les Offciers municipaux avertis s'y rendirent le lendemain, 13 octubr. & ayant interrogé le plus apparent de ces prifonniers, il répondit fe nommer Rochette, Miniftre du Saint Evangile. Il ajouta qu'il venoit du défert, alloit au défert & habitoit le défert; c'eft ainsi qu'on défignoit tous les lieux où les Proteftans renoient leurs assemblées. Surpris de cette réponse hardie, les Magistrats le firent fouiller. On trouva für lui, ou dans fon porte manteau, plufieurs fermons, & des régiftres de baptêmes & de mariages faits au défert, avec la patente de Miniftre datée du défert du haut-Languedoc, ainfi que deux états de cotisations & de répartitions faites en fa faveur fur plufieurs villages de l'Agenois. Les Maire & Confuls jugeant l'affaire férieufe, le firent conduire avec les deux autres dans les prifons royales; ils y mirent une forte garde, & fe hâtèrent d'en rend:e compte à Alexis François de Gourgue, Intendant de Montauban, qui dans le mois de mai précédent, avoit fuccédé à l'Intendant Lacoré.

Tome III.

Ce jour étoit celui d'une grande foire à Cauffade. Une troupe d'environ deux cents Proteftans de la campagne, munis de différentes armes & d'outils d'agriculture, profitant de la circonftance, s'approchèrent de la ville fans obftacle, & y entrant avec impétuofité, pénétrèrent jusqu'aux portes des prifors, en criant: « courage, allons délivrer notre Minifire.» La garde fit ferme, & donna le temps aux habitans, avertis par le tocfin, de venir à fon fecours. Après un combat affez court, mais très-vif, les féditieux furent repouffés avec perte de quelques-uns des leurs, qui furent pris & mis en prifon.

Cette entreprise annonçoit trop aux Magiftrats ce qu'ils avoient à craindre. Ils firent prendre les armes à tous les habitans; & l'on obferve avec plaifir que les notables Bourgeois proteftans, qui lors de cette première emeute s'étoient renfermés chez eux, de peur d'être foupçonnés d'y avoir part, fe préfentèrent alors bien armés aux Confuls, leur jurèrent fidélité, & demandèrent d'être employés pour la défense de la patrie. Leurs offres furent acceptées; on leur affigna un pofte, & ils fervirent avec honneur:

L'Intendant apprit prefqu'au même instant & la détention du Miniftre & la nouvelle de la révolte. Il fit promptement expédier des ordres à toutes les brigades de la Maréchauffée du département, de fe rendre à Cauffade. Il fit auffi partir de fuite celle de Montauban. Ces fecours éloignés pou

voient être inutiles pour fauver la ville; elle étoit faccagée fans les fages précautions des Magiftrats. Dans la nuit, en effet, de ce même jour, ceux qui furent envoyés à la découverte, engagèrent un combat avec une troupe de plus de cinq cents hom. mes, qui venoient à grands pas au fecours de leur Miniftre, & qui fe retirèrent à la vue des compagnies de la ville. Ce prélude fembloit préfager des fuites bien fâcheufes.

La journée du lendemain fut tranquille. Un Cavalier de la brigade de Montauban arriva à Cauffade, & apprit aux habitans que fa troupe avoit été arrêtée, à une lieue de là, par cinq ou fix cents Payfans armés, qui lui avoient barré le chemin avec menaces, & l'avoient forcée de s'enfermer dans Réalville, d'où par des chemins détournés, & au rifque de fa vie, il étoit venu pour les avertir de fe tenir fur leurs gardes. On députa aux villes voilines pour demander du fecours. Cauffade fut foigneufement éclairé pendant toute la nuit pour éviter le défordre en cas d'attaque; & tout le monde y refta fur pied. Enfin, le troifième jour vers les quatre heures du matin, on eut avis qu'une troupe nombreufe, cachée dans un bois voifin, n'attendoit que quelques renforts pour venir fondre fur la viile. Les Volontaires foutenus d'une compagnie furent fouiller le bois indiqué, & n'y trou vèrent perfonne; mais ils furent accueillis en fortant d'une décharge de moufquetairie qui partoit d'un foffé voifin. Ils marchèrent au feu, & virent

17 Sept.

17 Sept.

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