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à la Cour. Une impuiflance totale à faire naître de nouveaux troubles, nulle envie de le tenter, une foumiffion entière; telle étoit, à cette époque, la fituation des Calviniftes. Aufsi Dubois se relâcha-t il fouvent de la févérité des ordres donnés contr'eux. Un Bourgeois de Montauban, ayant vendu jufqu'à fes meubles pour fatisfaire l'avidité de quatre Dra gons qui étoient chez lui à difcrétion, après avoir auparavant employé tout ce qu'il avoit en denrées & en argent, fut fe jeter aux pieds de Dubois, lui peignit fa misère, & le fupplia de le délivrer de ces foldats infatiables & cruels. Ce Magiftrat lui répondit qu'il n'avoir d'autre moyen de recouvrer fa tranquillité, que de promettre de vivre & de mourir dans la religion catholique. Je ne faurois faire cette promeffe, dit le Bourgeois... Eh! pourquoi, reprit l'Intendant, puifque le Roi le veut & que votre falut en dépend? Parce que je rifquerois de devenir parjure, repartit-il; car fi les Turcs venoient & qu'ils m'envoyaffent vingt Janiffaires, je ferois pour la même raison forcé de me faire Turc. Dubois frappé de l'ingénuité de cette réponse, ôta la garnifon à ce Bourgeois, & ordonna de ne plus l'inquiéter.

Le Premier Préfident François d'Auffonne, qui partageoit la façon de penser généreufe de Dubois, gémilfoit en fecret fur le trifte fort des Proteftans, les confoloit dans leurs infortunes, & réparoit par fes abondantes largeffes l'affreuse indigence à la• quelle la plupart d'entr'eux étoient impitoyable

ment réduits par le brigandage du foldat.

L'Edit fatal qui confomma leur ruine totale en révoquant celui de Nantes, devoit enfin être bientôt promulgué. Il fut précédé d'une lettre circulaire du Marquis de Louvois, où ce Miniftre inflexible s'exprimoit ainfi: Sa Majesté veut qu'on faffe éprouver les dernières rigueurs à ceux qui ne voudront pas fe faire de fa religion; & ceux qui auront la fotte gloire de demeurer les derniers doivent être pouffés jufqu'à la dernière extrémité.

Cette lettre, digne monument du caractère dur & hautain de ce Miniftre qui abusa trop fouvent de l'afcendant extrême que la force de fon génie & le fuccès de fes entreprises téméraires lui donnèrent fur Louis XIV, répandit l'alarme & la terreur dans le Querci. Ce nouveau malheur qui menace les Quercinois diminue à leurs yeux l'atrocité des traitemens dont ils avoient été déjà les victimes. La dragonade ne leur parut plus rien en comparaison du violent orage qui alloit fondre fur eux. Le mois d'août approchoit, ce mois funeste dont l'odieux fouvenir les faifoit encore frémit d'horreur. Cette circonftance accablante augmenta leurs alarmes. Ils crurent voir renouveler la fcène tragique & fanglante de la Saint Barthelemi. L'effroi avoit déjà glacé leur ame, l'incertitude partageoit leurs efprits inquiets, le défefpoir étoit peint fur leur vifage confterné. L'industrieux & prudent Auffonne profita habilement de cette situation critique. Il avoit des droits acquis à leur confiance, à leur

eftime & même à leur amitié. Il assemble les prinpaux d'entr'eux & leur parle en ces termes :

«Citoyens chers à mon cœur, votre fort affli>> geant m'intéreffe & me touche. Mon affection » pour vous eft un héritage que mon père m'a » tranfmis, & que je compte au rang de mes » premiers biens. Votre repos & votre félicité fu>> rent constamment l'objet des foins infatigables >> de ce père vertueux, le foutien du trône & l'ami » des peuples. Vous vous rappelez encore avec re>> connoiffance la fageffe avec laquelle il ferma le >> précipice que le fanatifme creufoit de nouveau fous » vos pas égarés. A peine le calme avoit fuccédé à >> des troubles affreux, à peine de continuelles alar» mes avoient fait place à la fécurité, la difcorde, » fecouant fes funeftes flambeaux fur vos têtes, re» mettoit dans vos mains l'étendard de la révolte, >> quand ce Magiftrat guerrier, dont la valeur hé» roïque avoit terraffé des fujets factieux, vous >> empêcha par fa modération d'en groffir encore » le nombre. Emeule de fes fentimens, j'ai eu moi>> même auffi ce bonheur. Zélé cependant pour la >> religion catholique, il brûloit d'ardeur de vous >> voir réunir fous fes lois. Mais cette falutaire ré»volution, il l'attendoit de la parole divine & de » la douceur compatiffante de fes Miniftres. En dé>>plorant votre aveuglement, il étoit bien éloigné » de vous en faire un crime. A fes yeux éclairés » vous étiez plus malheureux que coupables. » Combien de fois n'a-t-il pas été votre mé

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>>diateur auprès du Souverain dont un zèle >> inconsidéré ou peut-être l'ambition ne ceffoit >> d'irritter la colère? Combien de fois n'a-t-il pas >> éteint la foudre allumée dans fes mains contre >> vous ? Déjà brilloit une riante aurore qui fem» bloit vous promettre des jours purs & inaltéra»bles. Tous les citoyens réunis couroient à l'uti» lité commune. Les progrès de l'agriculture, le » développement des arts, la naissance du com>> merce, les accroiffemens de la population étoient >> les fruits confolans de cette union qui ne per» mettoit plus de vous diftinguer des Catholiques, » que lorsqu'il s'agissoit (je ne balancerai pas de le >> dire pour rendre hommage à la vérité) de l'em» porter fur eux par votre attachement aux intérêts » de l'état. Eh! par quelle fatalité le Ciel permet il » que les Rois foient jamais trompés? On vous a >> peints à cet augufte Monarque que vous avez >> fidellement fervi, comme toujours prêts à brifer »le fceptre, & à fecouer le joug de l'autorité. » Votre religion lui a paru inconciliable avec, la » fubordination que doivent des fujets à leur Prince. >> Heureuse fans doute la France, fi le fouffle em>> poifonné de l'erreur n'eût point, par de fréquen» tes convulfions, troublé fon harmonie & détendu >> les refforts de fa conftitution politique! Ah! s'il >> ne falloit que mon fang pour vous rappeler tous » à la religion de nos pères, je le yerferois fans » héfiter; mais je laiffe à l'Etre Suprême le foin » de vous éclairer. Je fais qu'il n'a pas dépendu de

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>> vous de naître dans la fauffe religion plutôt que » dans la véritable, que la force des lois eft im» puissante contre un préjugé fuccé avec le lait, & » qu'elle peut tout au plus faire des fourbes & des » hypocrites ou des fujets rebelles. C'eft en Magif» trat & en citoyen que, je vous parle aujourd'hui. » Le Souverain a profcrit pour toujours l'exercice » de votre religion. A Dieu ne plaise que je parle » ici le langage de l'hypocrifie, & que je vous fug» gère des démarches que démentiroient vos fenti: >> mens intérieurs! Ce feroit un nouvel outrage à la >> Divinité. Mais fi votre efprit fe refufe encore à » la lumière, foumettez-vous au moins aux volon»tés du Monarque, & ne vous permettez aucun >> exercice extérieur d'un culte qui vous eft interdit. » Votre devoir l'exige, & votre bonheur même en » dépend. Voudriez-vous, donc, par une facrilége >> résistance, vous plonger dans l'abime des mal>>heurs qui ont fi long-temps enveloppé vos pères » & vos ancêtres? Sans ceffe luttant contre l'auto» rité, ils furent en proie à toutes les horreurs des >> guerres civiles. Le, fang ruiffelant dans l'enceinte >> de vos murs, les édifices livrés aux flammes, les » campagnes entièrement dévastées; tel fut le prix » de leur zèle aveugle & opiniâtre. Ou bien irez>> vous fous des lois étrangères chercher une liberté » qu'on vous refufe dans votre patrie? Eh quoi! >> abandonnerez-vous des femmes éplorées, des vieil»lards languiffans, des enfans chéris, à la merci des » hafards, & à la viciffitude des événemens? Que

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