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penchans & la douceur de mes habitudes. Je quit>> terai ma patrie, puifque mon Prince l'ordonne. » Mais on ne me comptera jamais au nombre de fes » ennemis. J'irai dans ces contrées où je pourrai >> donner un libre cours aux fentimens dont j'ai » toujours été embrafé pour mon Souverain. Dans » ce lieu d'exil, & au milieu de mes maux, je >> mettrai ma confolation à former fans ceffe des >> vœux pour lui & la profpérité de fes armes; j'ap» plaudirai à fes fuccès & à fes triomphes. Puiffe » mon exemple le défabufer des fauffes inculpations » que l'impofture & l'envie ont hafardées contre » nous, le bien convaincre qu'il eft parmi les Pro» teftans des fujets qui ne le cédent point aux Ca» tholiques en zèle & en fidélité, & assurer à nos » neveux un traitement plus doux ! »

Ce généreux patriote, digne des temps héroïques, étoit né à Montauban en 1618. La diftinction marquée avec laquelle il avoit fait fon cours de Théologie, fa conduite irréprochable & fes talens fupérieurs lui acquirent une grande réputation dans le parti protestant. On lui confia d'abord le gouverment d'une églife fubalterne, & il mérita bientôt d'être affocié à celle de Montauban. Une éloquence mâle, une profonde connoiffance des livres faints, & une vafte érudition caractérifoient André Martel. Il étoit Recteur de l'Académie de Montauban, lorf qu'elle fut transférée à Puy-Laurens. A cette époque le fameux livre de la Méthode de controverfes fur tous les points de la foi, yenoit de paroître. Ce

traité lumineux & folide, l'un des meilleurs en ce genre, étoit l'ouvrage du Cardinal de Richelieu, & le fruit de fa retraite à Avignon. Ce grand homme, dont le vafte génie embraffoit tous les talens, avant de foumettre les Calviniftes par la force des armes, voulut les foumettre en combattant leurs propres principes. Les églifes proteftantes, alarmées du fuccès de cette production, chargèrent Martel dy répondre. Si on ne peut juftifier fa réponse pour le fond même des chofes, elle décèle dans fon auteur un profond favoir, & furtout ce ton de modération & de décence, bien éloigné de l'aigreur & de l'efprit de fanatifme, qui perce pour l'ordinaire dans la plupart des livres de controverfe. Martel en effet fcrupuleufement renfermé dans le cercle de fes devoirs, ne parut jamais dans le nombre des fanatiques, qui au orifoient les excès du peuple, & fomentoient les féditions. Il respecta toujours l'autorité légitime. Néanmoins il fut enveloppé dans la pourfuite des Miniftres de Puy-Laurens, accufés d'avoir reçu des relaps dans le temple, malgré la défenfe qui leur en avoit été faite, & conduit avec eux dans les prifons du Parlement de Toulouse. L'attention du Gouvernement fe fixa particulièrement fur lui. On fe flattoit, avec raifon, que fi on parvenoit à vaincre fa résistance, fon exemple entraîneroit beaucoup d'imitateurs. On le veille de près; on tâche d'ébranler fa conftance, on le menace. Mais Martel, für de fon innocence & de n'avoir jamais violé les ordres du Souverain, con

ferva toujours dans les fers cette férénité d'amc que le crime n'a jamais, & cette gaité inaltérable qui formoit le fonds de fon riche caractère. Il fortit enfin de prison, & lors de la révocation de l'édit de Nantes, il fe retira dans le canton de Berne, où il avoit été précédé par l'éclat de fon nom. Il y obtint bientôt l'adminiftration d'une des principales églifes, & mérita l'eftime générale. Le Querci perdit en lui un citoyen diftingué qu'il eût été utile de conferver, parce que cette perte fut fuivie de la perte de plufieurs autres.

Les précautions multipliées & les menaces fouvent même fuivies de châtimens févères, accrurent encore parmi les Proteftans le nombre des indociles & des enthoufiaftes. Ils coururent à l'envi après l'honneur de la perfécution, & mettoient leur gloire à partager l'exil & la difgrace de leurs Pasteurs. Le fage Colbert étoit mort. La baze de fon système économique repofoit fur la richeffe & la population de l'état; l'efprit patriotique fembloit être defcendu avec lui dans le tombeau. L'impétueux & violent Louvois ruina les opérations de cet immortel Miniftre; il appauvrit & dépeupla le royaume. Il vouloit entièrement détruire la religion proteftante, entreprise imprudente & dans laquelle devoit néceffairement échouer l'autorité; il ne parvint qu'à en empêcher l'exercice public. Dans le temps que cinq cents mille ames augmentoient les forces de nos voisins qu'il eût été important d'affoiblir, la religion proteftante fubfifta dans le cœur de plus

de quatre cents mille Français, qui moins vexés dans la fuite, n'abandonnèrent point leur patrie. Les foldats furent rappelés, & les émigrations cefsèrent. Les édits fubfiftèrent néanmoins dans toute leur force; & plufieurs Miniftres qui rentrèrent dans le royaume & y exercèrent leurs fonctions, éprouvèrent le dernier fupplice.

An. 1687. L'Evêque Colbert qui avoit eu tant à cœur les progrès de fa ville épifcopale, gémiffoit fur la défertion & le découragement de fes habitans, lorfqu'il fut transféré à l'Archevêché de Touloufe. Il eut pour fucceffeur Henri de Nefmond, fils d'un Préfident à Mortier du Parlement de Bordeaux, & frère du Marquis de Nefmond, Lieutenant-général des armées navales. Ce grand Prélat à qui l'éloquence ouvrit, après l'illustre Fléchier, les portes de l'Académie française, voulut laiffer dans fon diocèse un monument éternel de fa vigilance paftorale. La plupart des églifes détruites; les biens, qui en dépendoient, diffipés en partie ; les deux chapitres, qui depuis leur réunion ne formoient plus qu'une même église cathédrale, avoient été forcés de fe raffembler dans l'églife paroiffiale Saint Jacques. Leur fervice gênoit fouvent les fonctions curiales. Nefmond traça le plan d'un nouvel édifice qui feroit fpécialement confacré au chapitre cathédral; il l'envoya à la Cour & en follicita les fecours néceffaires pour l'exécuter avec magnificence.

Le goût du commerce cependant fe ralluma dans le Querci, délivré des fecouffes & des inquiétudes

qui l'avoient agité. L'opprobre imprimé fur les Proteftans avoit enchaîné leur activité. L'indigence & la détreffe rappellèrent l'induftrie. Entièrement profcrits de toute communauté d'arts & de métiers, il ne leur reftoit d'autre reffource que le négoce. Ils furmontèrent leur découragement & fortirent de leur léthargie. Ainsi les travaux de ces citoyens mêmes, dont le Gouvernement poursuivoit la perte totale, ferviront d'appareil aux bleffures de l'état, & répareront fes brêches.

Soumis à leur Souverain, rien n'ébranle leur fidé- An. 1688. lité. L'ambitieux & dénaturé Guillaume, Prince d'Orange, attifoit les feux de la guerre contre Jacques II fon beau-père, qu'un zèle ardent pour la religion catholique avoit rendu odieux aux Anglois. Il le chaffe de fon palais, lui arrache le trône & y monte à fa place. Cet événement fembloit préfager aux Calviniftes une révolution favorable. L'ufurpateur, après cet indigne triomphe, invitoit les Proteftans français à s'unir à lui. Ils furent toujours fourds à fes audacieufes invitations; & fi leur cœur ne put fe refufer en fecret au fentiment de plaifir que devoient leur infpirer les progrès de leur parti, leur joie fut concentrée par la fageffe. Nul mouvement n'altéra la paix intérieure de l'état.

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Les Quercinois éprouvèrent alors une nouvelle calamité dans la mort de François d'Auffonne, Premier Président de la Cour des Aides, dont les fervices diftingués n'avoient point échappé à Louis XIV. Ce Monarque avoit érigé la terre d'Auffonne en

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