Imágenes de páginas
PDF
EPUB

An. 1702, Legendre mit enfuite la dernière main à la place royale. Il y avoit quelques vieilles maisons de bois qui la déparoient. Il engagea les propriétaires à les rebâtir en brique, au moyen de quelques fecours qu'il leur procura. Il rendit par là cette place une des plus belles qu'il y ait en province; non par l'étendue, mais par la régularité. De doubles portiques en forment l'enceinte; toutes les maifons font de brique peinte, d'une architecture uniforme, à pilaftres d'ordre dorique. Elle eft fituée presqu'au milieu de la ville, & fert de débouché à huit rues parfaitement allignées.

An. 1703.

A peine ces monumens étoient élevés que la guerre pour la fucceffion d'Efpagne fe déclara bientôt. Toutes les puiffances de l'Europe, jaloufes de la maifon de Bourbon, fe liguèrent contr'elle. La fortune fuivit conftamment les drapeaux français pendant les deux premières campagnes, & ne parut vouloir les abandonner qu'en 1704, époque affligeante où commencèrent les affreux revers qui remplirent d'amertume les dernières années du règne de Louis XIV.

Déjà Nefmond, Evêque de Montauban, avoit été transféré à l'Achevêché d'Albi, & François-Joseph de Hauffonville de Vaubecourt, fecond fils de Nicolas, Comte de Vaubecourt, Baron d'Orne, & frère de Nectancourt de Hauffonville, Lieutenantgénéral des armées du Roi, fut nommé à sa place. La douceur, la bonté, & la bienfaifance montèrent avec lui fur le fiége épifcopal; & ces heureufes

qualités ne contribuèrent pas peu à déterminer la conduite louable que tinrent alors les Quercinois.

La révolte des Proteftans des Cevennes venoit d'éclater. Les habitans de ce pays qui confervoient l'apreté des lieux qu'ils habitoient, confervoient auffi leur ancien fanatifme. Les lumières qui en diffipent le prestige, les charmes de la fociété qui en dévoilent les noirceurs, n'avoient point encore pénétré les monts fauvages où étoient renfermés ces peuples ftupides & groffiers. Ceux qui fomentoient la fédition & cherchoient à l'étendre au loin, envoyèrent des Emiffaires dans les différentes provinces du royaume pour les foulever. Ils fe flattoient d'engager furtout dans leur facrilège révolte les Montalbanois, dont le nom dans leur parti étoit le cri de l'honneur & des fuccès. Un de ces Emiffaires fe rend à Montauban, demande une entrevue secrète aux Proteftans, & leur tient ce langage forcéné:

« Généreux Montalbanois, l'honneur de notre » parti, notre foutien & notre gloire, la religion » réclame en ce jour votre appui. Déjà le Calvi»nisme triomphant en France, étonnoit l'univers » de ses rapides progrès; déjà affis fur le trône de >> nos Rois, il contemploit avec dédain fa rivale humi» liée, confondue; déjà les Catholiques en foule, » leurs Prêtres même, abjuroient une religion fu>> perftitieuse, & rendoient hommage à la pureté » de notre culte; déjà fur les débris de leurs tem» ples proftitués à l'idolâtrie, s'élevoient de toutes

» parts des temples, où brûloit pour la Divinité » un encens digne d'elle. Eh! par quel funefte re» tour, qui peut-être n'eft dû qu'à notre lâcheté, >> notre religion eft-elle aujourd'hui plongée dans » l'ignominie? Le Calvinisme eft honteusement prof >> crit, fa voix eft étouffée, fes monumens renver»fés. O intrépides Machabées! illuftres défenfeurs » de la foi de nos pères, fupporterez-vous plus >> long-temps cet opprobre? Le Ciel vous remet » le foin de fa vengeance; languir dans l'inaction, >> c'eft abandonner lâchement fes intérêts, & trahir » fa cause. Notre fuccès eft dans vos mains, & l'on » doit tout ofer pour venger la religion. »

A peine ces mots fanatiques & féditieux étoientils achevés, qu'un frémissement mêlé d'indignation fe fit entendre dans l'affemblée. « Quelle erreur té» méraire vous abuse, dit l'un de ceux qui la com» pofoient, de croire trouver en nous des com» plices de votre révolte ? Ils ne font plus ces temps » déplorables, où entraînés par un coupable délire, » nous penfions devoir étendre notre culte les ar» mes à la main. La première obligation d'un sujet » eft une foumiffion entière à fon Prince. Concen» trons nos fentimens religieux au-dedans de nous» mêmes, & ne les manifeftons au-dehors que >> pour faire éclater notre fidélité aux lois de l'état. >> Telle fera déformais notre conduite inviolable; » & s'il eft des Proteftans dans les autres provin>> ces qui ofent la contredire, nous ne partagerons » jamais leur forfait. S'il en eft même parmi nous

» à qui la religion ferve un jour d'infame prétexte » pour troubler la tranquillité publique, ce feront >> des citoyens vils & obfcurs que démentira tou» jours la partie la plus faine & la plus éclairée. » Peut-être même ne fommes-nous déjà que trop » coupables pour avoir fi long temps prêté l'oreille » à un difcours fi criminel? Peut être devrions» nous..... Mais nous nous flattons que vous défa>> buferez vos concitoyens de leurs folles erreurs, » en leur retraçant les fentimens qui nous animent; >> ce n'est qu'à ce prix que nous vous accordons la >> liberté de revenir vers eux. S'ils perfiftent en>> core dans leur aveuglement & leur opin âtreté, » qu'ils n'aient plus l'audace d'implorer notre fse» cours. Celui qui feroit affez téméraire pour le ré» clamer en leur nom, nous le livrerions, fans balan» cer au châtiment que mérite tout sujet révolté. »

Ainfi agiffoient avec force, parmi les Protef tans du Querci, ces principes de modération dont les gens en place avoient pris à tâche de leur donner l'exemple. D'ailleurs prefque feuls en poffeffion du commerce, ils ne voulurent point en intercepter les utiles opérations en s'engageant indifcrétement dans de nouveaux troubles. Le commerce fut trèsavantageux, en effet, pour cette province. Il garantit ce pays de la détreffe où fe trouvèrent réduites bien des provinces du royaume pendant tout le temps que la guerre d'Espagne continua. Si les impôts furent exceffifs, le débit aifé des denrées y fit circuler l'argent, & donna la facilité de les

An. 1709.

payer, tant que la terre ne se refufa point aux travaux du cultivateur & aux avances du propriétaire.

Mais le Querci devoit bientôt être la proie d'un redoutable fléau qu'elle partagea avec toute l'Europe & qui dévasta ses campagnes. L'année 1709 fut remarquable par l'hiver le plus rigoureux dont l'hiftoire ait conservé le fouvenir. Le Querci, quoiqu'au midi de la France, en éprouva toutes les rigueurs. C'étoit peu que de voir les rivières glacées à plufieurs pieds de profondeur, & la glace même réfifter aux fardeaux les plus lourds. On entendoit dans les forêts les chênes fe fendre avec un bruit épouvantable; la terre étoit jonchée de gibier & d'oifeaux de toute efpèce; les animaux domestiques mouroient dans les étables. Les hommes mêmes ne furent point à l'abri des effets meurtriers de cet hiver défaftreux. Les uns confervèrent toute leur vie une partie de leur corps engourdie, & les autres virent leurs membres glacés tomber par lambeaux. Les fruits de la terre périrent presque tous; les vignes furent emportées. Perte immenfe pour les habitans de Cahors, dont le revenu confifte furtout dans le produit de leurs vignes, & d'autant plus douloureufe qu'elle ne pouvoit être réparée de plufieurs années! Les gens en place & les Officiers municipaux fignalèrent leur fageffe & leur bienfaifance dans toutes les villes du Querci. D'abondantes largeffes, & des feux fans ceffe allumés dans les rues & dans les places, vinrent au fecours du

« AnteriorContinuar »