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furent brillans & rapides, & à peine forti de l'enfance, il commença d'intéreffer le public. A l'âge de dix-neuf ans il prêcha avec applaudiffement. Mais par le confeil de fon oncle, il fe condamna au filence jufqu'à l'âge de vingt-quatre ans, qu'il fut ordonné Prêtre, & qu'il fut affocié au miniftère eccléfiaftique dans l'églife de Saint Sulpice de Paris. Il fe livra alors à fon goût pour la chaire, & il fe fit en ce genre une réputation affez éclatante pour fixer fur lui, non-feulement les regards de fa paroiffe, mais encore ceux de fes Supérieurs, des grands du royaume & du Roi même. Le fameux Boffuet voulut le connoître, & devenir fon maître dans l'étude des fciences facrées. De Harlai, Archevêque de Paris le fit Supérieur des nouvelles Catholiques; & quelques années après le Roi l'envoya faire des miffions dans la Saintonge & le pays d'Aunis, où il refta plus d'un an. De retour à Paris, il reprit fes études & fe livra avec une nouvelle ardeur à fes talens pour la chaire. En 1689, le Roi le nomma Précepteur des Enfans de France; ce choix fut univerfellement applaudi. Nourri, en effet, de la plus délicate fleur des belles lettres, & des principes de la plus faine morale, avec la plus folide piété, l'Abbé de Fénélon fembloit feul être deftiné par la providence pour remplir avec fruit cet emploi délicat. Il le fit avec une fupériorité qui lui valut l'eftime & l'amitié de Madame de Maintenon, qui ́ l'engagea à faire en fa préfence des conférences de piété dans la maifon de Saint Cir. Ce fut là que

l'Abbé de Fénélon connut Madame Guyon, femme entêtée de fpiritualité, & qui faifoit profeffion de la plus haute piété. Il devint fincérement fon ami. Néanmoins bien loin d'être enveloppé dans fa difgrace, lorsqu'elle fut enfermée à Vincennes pour avoir voulu dogmatifer, le Roi le nomma à l'Archevêché de Cambrai en 1695. Il n'accepta ce riche bénéfice qu'à condition qu'il réfideroit neuf mois de l'année dans fon diocèfe, & qu'il ne feroit obligé d'être que trois mois auprès des Princes; & par refpect pour les canons, il fe défit dans le moment de fon Abbaye de Saint Valeri & de fon Prieuré de Carennac, qu'il remit entre les mains du Roi. L'époque de l'élévation de Fénélon fut auffi prefque celle où commencèrent fes difgraces. Boffuet, qui avoit condamné les errcurs de Madame Guyon, voulut engager l'Archevêque de Cambrai, à les condamner auffi. Celui-ci n'ayant pas voulu lui facrifier fon amie, il s'éleva entre ces deux hommes célébres, les deux plus grands Prélats de l'église de France, une vive dispute qui n'eft que trop connue. Fénélon alors expliqua fes idées fur la matière controverfée entr'eux, dans fon livre des Maximes des Saints. L'Evêque de Meaux attaqua vivement cet ouvrage, & accufa hautement l'Archevêque de Cambrai de quiétifme. Le Roi entraîné par la grande vénération qu'il avoit pour Boffuet, éloigna Fénélon de la Cour, & follicita lui-même, à Rome, la condamnation du livre des Maximes des Saints. Le Pape Innocent XII cédant

aux follicitations du Roi, condamna ce livre, fans pourtant comprendre dans la condamnation les écrits publiés pour fa défense. Dès que l'Archevêque de Cambrai en fut inftruit, il fe foumit fans reftriction. Il donna dans l'inftant un mandement à ce fujet, monta lui-même en chaire dans fa cathédrale pour le publier, & empêcha avec foin fes amis d'écrire pour fa défenfe. Fénélon ne fortit plus de fon diocèfe, où il ne s'occupa qu'à étudier, à écrire & à remplir les fonctions de fon état. Sa difgrace ne lui fit perdre aucun ami; il s'en fit au contraire de nouveaux par fa politeffe, fa bonté & fa candeur. On n'a jamais douté que fi le Duc de Bourgogne eût vécu, il n'eût été rappelé à la Cour, & ne fût entré dans le ministère. Né avec un cœur tendre, dont la paffion la plus forte étoit d'aimer Dieu pour lui seul, d'un amour défintéreffé & indépendant de l'efpoir des récompenfes & de la crainte des châtimens, il crut trouver ces fentimens dans Madame Guyon; cette conformité fit naître fon amitié pour elle, & fut la caufe de fa difgrace, ou plutôt de la plus grande partie de fa gloire; le triomphe fur foi-même & fur fes propres fentimens, étant le comble de l'héroïfme & le plus beau de tous les triomphes aux yeux de la religion & de la vertu. Toute l'Europe l'admira; fa foumiffion & fon humilité lui firent plus d'honneur même aux yeux du monde, que ne lui er avoit fait la beauté de fon génie. En 1693., il avoit été reçu à l'Académie française à la place

de Péliffon. Il mourut à Cambrai avec les fentimens de la plus tendre & de la plus folide piété. Ses principaux ouvrages font 1o. le Télémaque; 2o. Traité de l'existence de Dieu; 3°. Dialogues fur l'éloquence, & fur celle de la chaire en particulier; 4°. Œuvres fpirituelles, 5°. Les Maximes des Saints, & les écrits pour la défense de ce livre; 6°. Plufieurs écrits en faveur de la conftitution Unigenitus; 7°. Traité de l'éducation des filles; 8°. Abrégé des vies des anciens Philofophes; 9°. Dialogues des morts; 10°. Recueil de fermons.

Legendre avoit déjà quitté l'intendance. L'administration & la retraite de ce Magiftrat furent mé morables. Des monumens éternels dépofent dans le Querci de fes foins & de fes travaux. Il chérissoit Montauban d'une manière particulière. Il y vécut en fimple citoyen, toujours également accompagné de la vénération & de l'amour des habitans; fentimens d'autant plus flatteurs pour lui, que l'adulation où l'intérêt ne pouvoient alors en être le principe.

Les Montalbanois ne penfoient point devoir un jour retracter leur reconnoiffance. Legendre nommé à l'intendance d'Auch, trouva plus difficile de fe borner à une autorité moins étendue, que de s'en être dépouillé en entier. Accoutumé à un vaste département, la généralité d'Auch lui parut trop refferrée. Il repréfenta que les cinq Elections de Lomagne, de Rivière Verdun, d'Armagnac, d'Aftarac & de Comminge devoient être diftraites de

l'Intendance de Montauban; que le paffage des rivières & l'âpreté des chemins rendoient le recours au Commiffaire départi très difficile & très-difpendieux; que ces Elections par leur fituation & leur proximité formoient une dépendance naturelle de la généralité d'Auch; que foumifes à l'infpection de Intendant de cette généralité, les Communautés lui feroient parvenir avec plus de facilité leurs représentations, & en recevroient plus promptement les ordres, dont l'exécution feroit plus affurée & moins fujette à des inconvéniens.

Ces motifs expofés au Gouvernement par Legendre, dont les Montalbanois ignoroient les démarches fecrètes, n'eurent point de contradi&teurs: Ils étoient peut-être fondés; ils étoient au moins fpécieux & triomphèrent. La diftraction de ces cinq Elections fut ordonnée. On les incorpora à la généralité d'Auch; & Jean-Baptifte-Louis Laugeois, fucceffeur de Legendre, n'eut dans fon département que le Querci & le Rouergue.

Cet événement occupoit tout le Querci, non moins intéreffé que Montauban à ce fâcheux démembrement qui diminuoit la confommation de fes denrées, lorfque la France avoit les yeux ouverts fur le Parlement de Paris, qui alloit prononcer fur la validité du teftament de Louis XIV. Plus ies Rois ont été abfolus pendant leur vie, moins leurs dernières volontés femblent refpectées après leur mort. On diroit que les peuples fouffrent prefque toujours impatiemment une puiffance

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