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CHARLES, douloureusement.

Il s'est sacrifié pour moi!

SCENE I I.

LES MÊMES, RAATZMAN N, qu'on apporte mourant.

MON capitaine; mon capitaine....

CHARLES, s'approchant.

Ah! malheureux.

RAATZMANN, le cherchant en élevant ses bras. Où est-il ? Où est-il?.... Te voilà. Je meurs content.

CHARLES.

C'est pour moi que tu meurs.

RAATZMAN N.

J'étais las de vivre; et ma mort t'a été utile.

CHARLES.

Ah! puisque je te perds, pourquoi te dois-je la vie ?

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.....

CHARLES.

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Adieu (Il se jette dans ses bras et ne presse qu'un cadavre.) Il n'est plus. C'en est fait, camarades; nous avons perdu notre ami: Raatzmann n'est plus. Raatzmann, Screvzer et beaucoup d'autres. Ah! mon automne est arrivée; les plus beaux fruits, les fleurs même commencent à tember sur la

terre.

ROLLER.

Ce malheureux Raatzmann ! Au moins ses fourmens sont finis.

T

ا

CHARLES.

Il est mort l'œil calme, le front serein: l'expression de la douleur', de l'amitié sont les seuls qui se sont peints sur son visage ; ( A lui seul,) et j'ai vu les convulsions du désespoir s'emparer des derniers momens de l'homme qu'on disait juste et bienfaisant. ( Aux voleurs. ) Allez vous reposer, je veillerai sur

vous.

LES VOLEURS.

Bonne nuit, capitaine.

(Ils s'éloignent tous, et emportent le cadavre

de Raatzmann.)

SCENE III.

CHARLES, seul.

UNE longue, longue nuit, et qui n'aura jamais d'aurore. J'étais las de vivre, a-t-il dit. Et moi aussi je suis las de vivre ; et moi aussi je veux déposer le fardeau de mon existence. Qui peut m'arrêter? pourquoi languir dans cette prison, accablé du présent, quand je tiens dans ma main la clef de l'avenir. Croyezvous que je tremblerai, ombres de mes assassinés? Je ne tremblerai point. Vos gémissantes agonies, votre visage bleuâtre, vos plaies larges et horribles, ne sont, comme mes crimes, que des anneaux de la chaîne éternelle de la destinée. Tout ce que j'ai fait était attaché aux événemens de mon enfance, à l'humeur de celle qui m'a nourri, de celui qui ma élevé, au caractère de mon père, au sang de ma mère. Est-ce

ma faute si on a fait de moi une bête féroce, dont les entrailles brûlantes ont dévoré l'humanité.... Mais quand j'aurai subi cette mort que je viens de voir, quand j'aurai franchi cet espace effrayant, et pourtant imperceptible qui sépare le temps de l'éternité; que deviendrai-je ? que serai-je ? serai-je... D'un côté ce desir de la félicité, ces idées de perfection, ce charme qu'on éprouve à la suite d'une bonne œuvre, cette harmonie universelle, ce mouvement uniforme et pourtant si varié de ces milliers de mondes qui roulent dans l'immensité, enfin ce spectacle si fréquent du vice fortuné et de la vertu malheureuse; et de l'autre côté.... L'imagination se perd dans ce chaos, et jamais habitant de la terre ne le débrouillera. (Avec plus de fermeté.) Non, non un homme ne doit point trembler. Soit l'avenir tout ce qu'il voudra, pourvu que ce moi que je sens me reste fidèle, et ne s'anéantisse pas avec mon cadavre. Les dehors ne sont que la couleur de l'esprit. Je suis moi-même mon ciel et inon enfer.... Tu vois mon anxiété, ô toi qui vois tout ! Peut-être serai-je jetté dans un univers éloigné de tes yeux, où je serai seul avec la nuit solitaire, et les déserts éternels. Alors je peuplerai de mes rêves le vuïde silencieux, et j'aurai l'éternité pour analyser à loisir le tableau compliqué des misères humaines.... Ou aurais-tu voulu, après quelques momens d'existence chétive faire rentrer moi et mes semblables...... dans le néant?... dans le néant!... Quand j'aurai brisé le fil de cette vie, m'en sera t-il filé un autre? pourrai-je le briser également? Au moins je puis briser celui-ci. O toi, làhaut tu peux tout; mais cette liberté tu ne peux

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pas me la ravir. ( Appuyant' son pistolet sur son front.) Je suis libre......... et je mourrai dans la crainte des tourmens de la vie? et je serai un lâche, et je me laisserai vaincre par le malheur? ( Avec élan.) Non. Non. Je veux le supporter. Je sais aussi affronter la vie. Que mon orgueil épuise le malheur; je veux accomplir ma destinée.

SCENE I V.

CHARLES, HERMAN N, descendant une montagne un panier à la main.

LE

HERMAN N.

1

E village sonne minuit. Tout dort. Le remord seul veille.... et la vengeance. (Il s'approche du caveau. ) Monte, homme de douleur; habitant du caveau, ton repas est prêt.

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Qui frappe? Est-ce toi, Hermann, mon bienfaiteur compatissant?

HERMANN.

C'est moi, c'est moi, bon vieillard. Approche et prends ta nourriture.

LA VOIX.

Bientôt je n'en aurai plus besoin.

CHARLES bas.

C'est quelque nouvelle horreur.

LA VOI X.

Que fait mon fils?

HERMAN N.

Ton fils.... Qu'est-ce donc? c'est comme des gens qui dorment. N'entends-tu rien?

LA VOI X.

Comment; entends-tu quelque chose?

HERMAN N.

Adieu, adieu, ce désert est horrible. Bon vieillard, redescends au fond de ton cachot; si l'on t'y soupçonnait, ta vie s'éteindrait à l'instant: ton sauveur est prêt, ton vengeur....

CHARLES, d'une voix terrible.

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CHARLES, le pistolet à la main.
Arrête. Qui es-tu? que fais-tu ? Parle,

HERMAN N.

Toutes les frayeurs à la fois.

CHARLES.

Parle, te dis-je, ou tu es mort.

HERMAN N.

Ah! je suis un pauvre habitant de ce cantor.

CHARLES.

Quel est ce mystère d'iniquité? je veux le connaître, Quelqu'un est au fond de ce caveau ?

HERMAN N.

Hélas! un être malheureux, condamné à mourir de faim, et que je nourris par pitié dans le silence de .Ia nuit.

CHARLES.

Tu le nourris, un malheureux. Ah, mortel bienfaisant! tu n'as pas de meilleur ami que moi. Mais

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