Imágenes de páginas
PDF
EPUB

FRANCO I S.

A sa place, la mort ne me l'aurait pas arraché. Ah! si tu savais tout; si tu le voyais toi-même sous des traits....

A MELI E.

Sous quels traits, monstre ?

4

FRANCO I S.

Amélie, ne cherche pas à en. savoir davantage? Ah! quelle image révoltante! Tu as vu dernièrement dans notre hôpital, ce malheureux qui a exhalé son âme dans un soupir empoisonné: n'osant le regarder, la pudeur fermait ton œil timide. Tu l'as plaint avec horreur. Rappelle-toi son image toute entière; et Charles est, devant toi : de ses lèvres découlent le poison et la mort sur les baisers d'Amélie.

AMEL I E, se détournant.

Ah! calomniateur sans pudeur !

FRANCO I S.

Voilà celui que tu aimes; c'est ton amant, c'est ton Charles. Va donc t'embellir de ses regards et t'enivrer de ses caresses; va respirer le baume de son haleine, et qu'il rafraîchisse tes joues de rose par ses baisers d'ambrojsie. (Amélie se couvre le visage.) Son âme lui reste, il est vrai. Malgré l'oubli coupable qu'il a fait de toi, son âme peut être encore aussi belle que sa figure est horrible; oui, l'amour peut encore animer ses lèvres déchirées...

A MELI E.

Frère abominable! quelque changement qu'ait pu éprouver mon Charles, il est impossible qu'il soit aussi affreux que tu me le parais.

FRANÇOIS, après un silence, pour se donner

le temps de composer son visage. Amélie, je veux te prouver que ce n'est point la haine contre mon frère qui me fait te parler ainsi i je vais trouver à l'instant mon père égaré ; je vais tomber à ses pieds, le conjurer à genoux de s'adoucir en sa faveur ; je vais le supplier de me haïr, de me déshériter, de me maudire, s'il le faut; mais de pardonner à mon frère.

A MELIE, prête à le croire.

[blocks in formation]
[ocr errors]
[ocr errors]

Amélie, je t'aime pour cette inébranlable fidélité que tu lui conserves et qui te fait garder encore de l'espérance, quand tout le monde l'aurait perdue. Crois que s'il est possible de te rendre ton amant, je ne négligerai rien pour y réussir. Mais, comme tu l'aimes! comme se, peignent tour-à-tour sur ton visage l'espérance de le revoir, et la crainte de ne le revoir plus ! C'est ainsi que nous nous aimions; c'est ainsi que nos âmes fraternelles savaient s'entendre.

A MELIE, se refroidissant.

Non, non, vous n'êtes point frères. Pas une goutte de son sang, pas une étincelle de son génie, rien de sa sensibilité.

FRANCO I S.

Dans quelle erreur je te vois! Ah! mon coeur se déchire encore au souvenir de la dernière soirée que nous passâmes ensemble. Il m'emmena avec lui dans ce berceau qui vous avait vu tant de fois assis dans les douces rêveries de l'amour. Le ciel était serein, toute la nature silencieuse: Cher frère, me dit-il en me

serrant la main et en retenant ses larmes, mon départ est fixé à demain ; je vais quitter Amélie; je vais quitter tout ce que j'ai de plus cher au monde. Je ne sais... Mais qui peut lire dans le livre des destinées? Ah!si jamais ce pressentiment devait s'accomplir, ne l'abandonne pas, mon frère sois son ami, son époux, son Charles; fais le bonheur d'Amélie.....

A MÉLI E, avec un transport de joie. Ah! Charles, je te reconnais, je te revois aussi beau que tu étais: tout ce qu'il a dit est mensonge. Traître c'est dans ce bosque, que le même soir il m'a fait jurer que jamais un autre amour même après sa mort...... Sors de, mes yeux, scélérat ! FRANÇOI S.

Amélie

· .....

A MELI. E.

Sors, te dis-je tu m'as dérobé une heure précieuse; qu'elle soit prise sur ta vie,

FRANÇO I Ș.

A

Tu me hais?

[blocks in formation]

(Frappant la terre de furcur).

Me sacrifier à un mendiant : je vous ferai trembler.

(Il sort comme un forcené).

SCENE V I.

AMELIE, seule.

VA-T-EN, misérable! Enfin je suis seule, je suis avec Charles. Charles, un mendiant? Où sont tes loix, univers! Je n'échangerais pas les haillons qu'il

porte, contre la pourpre des potentats. Le regard, avec lequel il demande l'aumône, doit être un noble regard. Ah! qu'il soit un mendiant ou un empereur; qu'il nage dans l'océan des grandeurs, ou dans l'abîme de l'infortune, il sera toujours Charles, toujours adoré d'Amélie, toujours riche de sa tendresse. Grands et riches, je vous condamne à vous enivrer de mollesse et de volupté; je suis plus heureuse de mon malheur. Mais, où est-il ? depuis si long-temps, quels déserts, ou quels méchans nous séparent ? Je soupçonne des trames odieuses. Où est Charles ? où est Charles?

SCENE VII.

(Le théatre change et représente une chambre d'auberge.)

ر

CHARLES DE MOOUR, seul, regardant par une fenêtre, et plongé dans une contemplation voluptueuse. Là-bas, sur cette montagne, elle respire; ce ciel éclaire ses charmes; ces arbres majestueux s'énorgueillissent de sa beauté. C'est-là qu'est Amélie; le bonheur n'est qu'à trois lieues de moi. O mon père ! mon père ! me pardonnerez-vous les erreurs d'une jeunesse égarée, mais qui jamais ne m'a fait oublier ni vous, ni mon Amélie. Un mot peut me rendre digne de vous deux. (Avec frémissement.) Un mot aussi m'en rendra indigne à jamais. (Appellant.) Du vin, du vin; j'ai doublement besoin de force aujourd'hui pour la joie, ou pour le désespoir... (On apporte du vin. Il boit.) Bien

ro

tôt sans doute un exprès du château de Móour va m'apporter ma destinée. C'est aujourd'hui aussi que la posté va apporter la leur aux compagnons de mes folies. Retirés dans ce village, loin des femmes et des créanciers, puissions-nous recevoir le pardon que nous avons imploré. Oh! quel d'entr'eux l'attend avec une impatience brûlante comme la mienne !

[ocr errors]
[merged small][ocr errors]

CHARLES, RAATZMANN, ROLLER,
SCHOUFTERLE, SCREVZER,

GRIMM RODE.

(Tous entrent d'un air sombre et agité. )
CHARLES.

Eh bien, mes amis, la poste est-elle arrivée ?

RAATZ MIA N N

Non; et il ne faut pas qu'elle tarde long-temps

encore.

ROLLER.

Que mon attente est cruelle !

SCREVZER.

Que mon inquiétude est affreuse!

SCHOUFTER LL.

Parens maudits !

GRIM M.

Est-ce la vie ou la mort qu'on va m'apporter ?

RODE.

Ah! si je recevais le pardon de mon père !

CHARLES.

3

Oui, mes amis, il faut espérer que l'indulgence'

« AnteriorContinuar »