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ACTE I I.

Le théâtre représente la chambre à coucher du vieux comte de Moour; il est endormi dans un fauteuil.

SCENE PREMIER E.
LE VIEUX COMTE, FRANÇOIS.

LE

FRANÇOIs, considérant son père.

Es médecins me font trop attendre. La vie d'un vieillard est une éternité. Faut-il donc que mes plans profonds se traînent comme les heures d'un vieillard ?... Si l'on pouvait frayer à la mort avide un nouveau chemin vers la vie ; détruire le corps en déchirant l'âme oh pour qui en serait l'inventeur, quelle découverte quelle conquête ! un second Collomb dans l'empire de la mort. Réfléchis, François : ce serait un art digne de t'avoir pour inventeur. Et par où commencer mon ouvrage ? quelle espèce d'émotions furieuses briserait tout-à-coup la vie dans sa force? La colère ? souvent ce lion affamé se surcharge et s'étouffe. Le chagrin ? ce ver se traîne trop lentement. La crainte ? l'espérance ne lui permet pas de saisir sa victime. Sont-ce là tous les bourreaux de l'homme ? l'arsenal de la mort est-il si facilement épuisé? .... (Avec transport. ) La frayeur? que ne peut la frayeur, et que peuvent la raison, l'espérance, la religion, contre les étreintes glacées de ce géant? (Regardant son

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père.) Et s'il resistait encore à cette secousse, j'appellerais à mon secours, la douleur dévorante, le remord infernal, tout ce qui pourra consumer cette vie fragile; et si ce vieillard penché sur sa tombe, tardoit trop long-temps à y descendre, alors..... alors.... Mais je n'en aurai pas besoin; allons trouver Hermann; mon plan est fait, et il va l'exécuter. L'imbécille m'est absolument dévoué; je l'ai connu ce qu'on est convenu d'appeller honnête; mais sa misère, et mes promesses out endormi en lui ce fantôme qu'on appelle la vertu. C'est un coquin, et il se fie à moi Sans la moindre inquiétude, il va tromper un père et une maîtresse, et (si je n'y mets ord e) il ne me pardonnera jamais, quand m'étant devenu inutile, il verra que je l'ai trompé lui même. Et c'est-là ce roi si vanté de la création? O homme ! tu as perdu toute mon estime; et je ne crois plus que ce soit un crime de te nuire. ( Sortant.) Ah! voilà Amélie. Elle baisse ses beaux yeux; ils sont tristes: ils vont être mouillés de larmes.

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(Il sort sans être vu d'Amélie. Į

SCENE I I.

LE COMTE, endormi, AMELIE, des roses

à la main.

AMELI E.

DOUCEMENT..... doucement.... il sommeille : comme il a l'air respectable; il ressemble à la vertu ; et cependant dans quelle erreur ! .... Mais je ne puis t'en vouloir, bon vieillard ; je ne puis m'irriter contre

ces augustes cheveux blancs. (Effeuillant des roses sur lui.) Sommeille dans le parfum des roses; que Charles t'apparaisse dans le parfum des roses; éveilletoi dans le parfum des roses. (Avec douleur.) Je veux aller m'endormir sous le romarin. (Elle s'éloigne.)

LE COMTE, rêvant. Charles! Charles! mon fils Charles! A MELI E.

Son ange a exaucé ma prière: approchons. Il est doux à respirer l'air où se mêle le nom de Charles. LE COMT E, toujours rêvant.

Es-tu là? est ce bien toi? Ah! ah ! ne me regarde pas avec cet air désespéré ; je suis assez malheureux. (Il a l'air de souffrir.)

A MELIE le réveillant.

Eveillez-vous, mon père, ce n'est qu'un songe.

LE COMTE à demi- éveillé

Il n'était pas là: ce n'était pas sa main que je pressais. Méchant François! veux-tu aussi l'arracher à mes songes?

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Je faisais des voeux pour qu'aucun rêve funeste ne troublât la paix de votre sommeil.

LE COMT E.

Je rêvais de Charles. J'ai cru un moment qu'il alloit me pardonner.

A MÉLIE.

Des anges ne conservent pas de haine; il vous pardonne. (Lui serrant la main.) Père de Charles, je vous pardonne.

LE COMT E.

Ah! je t'ai enlevé l'ami de ton cœur: pauvre fille ! j'ai flétri la joie de ta jeunesse.

A MÉLIE retenant ses larmes.

Je suis heureuse.

LE COMT E.

Ne me pardonne pas, je n'ai pas droit de l'espérer; seulement ne me maudis pas.

A MÉLIE,

lui baisant la main avec respect.

Moi, vous maudire ?

LE COMTE, se levant.

Que vois-je ? des roses ma fille: tu semes des roses

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sur l'assassin de ton Charles.

A MÉLI E.

Des roses au père de mon amant.... ( Elle se jette dans ses bras, en pleurant.) à qui je n'en puis plus jetter. (Elle tire de son sein un portrait.)

LE COMTE, tirant un portrait de sa poche. Sans le savoir tu lui en as jetté : le voilà. A MÉLIE, se retournant avec transport. Le voilà.... (Tristement.) C'est son portrait.

LE COMTE.

Ainsi il était à sa seizième année: il est changé à present; cette douceur n'est plus que misantropie, ce sourire, désespoir. O Amélie! c'est à la fête de sa naissance, c'est ici qu'il a été peint de ta main charmante.

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A MÉLI E.

Oh! jamais je n'oublierai ce jour qui ne reviendra plus pour Amélie Charles! Charles! assis, là, vis-à-vis de sa bien-aimée, ses longs cheveux noirs flottaient majestueusement; ses beaux yeux fixés sur moi étincelaient de tous les feux de la jeunesse..... de l'amour. La fraîcheur de son teint mâle et radieux était rehaussée par les rayons du soleil naissant, qui me retraçait son image; mes lèvres tremblantes' savouraient ses traits avec ivresse. Toute occupée de l'adorer, j'oubliais de le peindre; le pinceau s'échappait de ma main; l'original tout entier s'enracinait dans mon cœur, et il ne tombait sur la toile insensible que des traits affoiblis et sans couleur, comme les souvenirs d'une belle musique.

LE COMT E.

Continue, continue, tes images me rajeunissent. O ma fille! votre amour me rendait si heureux ! AMÉLIE, les yeux sur le portrait.

Non, non, ce n'est pas lui, ce n'est pas Charles: (Montrant son cœur.) ce n'est que là qu'il est ressemblant ; le pinceau ne peut rien retracer de son âme céleste qui se peignait sur son visage.

SCENE III.

AMÉLIE, LE COMTE, DANIEL.

DANIE L.

MONSEIGNEUR, il y a là un homme qui demande

vous parler.

AMÉLIE.

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