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tout ce tems. Enfin il perfuada à fon pere de demander
pardon de fa faute, & de faire une confeffion claire
de la vraye foy. Les folitaires & ceux qui les avoient
fuivis, quitterent les foupçons qu'ils avoient conçûs
du S. vieillard, & reconnurent que fa créance avoit
toûjours été pure. Luy de fon côté les reçût avec joïe;
& reçût avec eux les prêtres qu'ils avoient fait ordon-
ner. Saint Gregoire le fils celebra cette réunion par un
excellent difcours, où il dit entre-autres choses:
les reconciliations fuivies de rechutes frequentes, font
pires que la division même, parce qu'elles ôtent l'efpe-
rance d'une reconciliation folide. Qu'il y a une mau-
vaise paix & une bonne divifion. Quand l'impieté eft
manifefte, il faut marcher tête baiffée contre le fer, le
feu, les puissances; & rien craindre tant, que craindre
quelque chofe plus que Dieu. Mais quand notre peine
n'eft fondée que fur des foupçons; il est bien plus avan-
tageux de demeurer en un même corps, pour nous re-
dreffer les uns les autres, que de nous engager par la
divifion à des préjugez qui ôtent la confiance; & vou-
loir enfuite corriger les autres avec empire, en tyrans
plûtôt qu'en freres.

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394 305.

Le S. vieillard Gregoire tomba malade, & fut reduit Greg. orat.19.p. à une extremité qui otoit toute efperance. Une fiévre violente mettoit tout le dedans en feu: les forces luy manquoïent: il ne prenoit ni nourriture ni repos, il avoit des palpitations & des angoiffes continuelles : fa bouche toute ulcerée en dedans, pouvoit à peine avaler de l'eau. L'art des medecins ni le foin des domeftiques n'y pouvoit fuffire. Il ne connoiffoit plus les affiftans, & il ne luy reftoit qu'un petit souffle de vie. C'étoit la nuit de pâques: Gregoire le fils, Nonne fa mere, tout le clergé & tout le peuple étoient dans l'église en prieres,

XVII.

de Cefarée.

partagez entre la joïe de la fefte & la douleur de cette perte. L'heure de celebrer les myfteres étant venue, le S. vieillard commença à fe remuer foiblement. Il appella d'une voix trés-baffe un ferviteur, luy commanda de s'approcher, de luy donner fes habits & luy tendre la main. Celuy-ci obéit avec furprise & empreffement; & le S. évêque s'appuïant fur luy se leva, étendit pour la priere fes mains languiffantes, & celebra comme il pût les myfteres en peu de mots, s’unissant en esprit au peuple qui prioit dans l'églife. Aïant prononcé, felon la coûtume, les paroles de l'Euchariftie, & donné fa benediction au peuple : il fe remit au lit, prit un peu de nourriture, dormit, & se rétablit peu à peu : enforte que le dimanche de l'octave de pâques, que l'on

Greg.Naz.ort19

310 C.

Gr. 20.p 342 D.

Vita Greg.
Martyr. Hier.

Ufua 21. Jun.

nommoit dés-lors le dimanche nouveau ou du renouvellement, comme le nomme encore l'églife grecque : ce jour, dis-je, il vint offrir le facrifice dans l'église avec tout fon peuple. Saint Gregoire fon fils racontoit depuis en public cette guerifon, comme un miracle

évident.

Eusebe évêque de Cefarée en Cappadoce mourut 3. Bafile évêque peu de tems aprés que fon église eut été attaquée par Valens, aïant combattu genereufement en cette perfecution, & en celle de Julien. Auffi fe trouve-t-il au nombre des Saints en quelques martyrologes, quoique mal à propos confondu avec Eufebe de Cefarée en Paleftine. A fa mort, l'église de Cefarée en Cappadoce fe trouva expofée aux mêmes troubles qu'à fon élection. La foy catholique qu'elle avoit toûjours confervée, & l'union qui y avoit toûjours regné, excitoit l'envie des heretiques. C'étoit un des plus grands fieges de tout l'Orient : la metropole de toute la Cappadoce, & peuteftre de tout ce qu'on appelloit diocese de Pont, dans

le gouvernement politique; c'est-à-dire, que plus de la moitié de l'Afie mineure en dépendoit. Le clergé de Celarée écrivit felon la coûtume aux évêques de la vince, & ils vinrent pour proceder à l'élection...

pro

Greg.or. 8. p.

Ap. Greg. ep.22.

Le Sévêque de Nazianze y étant appellé comme les autres craignit de n'y point affiiter,tant pour fon extrê- 31. me vieillelle, que pour une maladie qui luy étoit furvenuë. Il écrivit donc au clergé & au peuple de Cefarée en ces termes : Je fuis un petit pafteur d'un petit troupeau: mais la grace n'est pas referrée par la petiteffe des lieux. Qu'il foit donc permis même aux petits de parler librement. Il s'agit de l'église pour laquelle J.C. eft mort: l'œil eft le flambeau du corps, & l'évêque le flambeau Lac, X1. 340 de l'églife. Puis que vous m'avez appellé, fuivant les canons, & que je fuis retenu par la vieilleffe & la maladie; fi le S. Efprit me donne la force d'affifter en perfonne à l'élection; car il n'y a rien d'incroïable aux fideles, ce fera le meilleur & le plus agréable pour moi : fi l'infirmité me retient, je concours autant que peut un abfent. Je ne doute pas que dans une fi grande ville, & qui a toûjours eu de fi grands prelats, il n'y ait d'autres perfonnes dignes de la premiere place: mais je ne puis en preferer aucun à notre cher fils le prêtre Bafile. C'est un homme, je le dis devant Dieu, dont la vie & la doctrine est pure, & le seul ou du moins le plus propre s'opposer aux heretiques, & à l'intemperance de langue qui regne à prefent. J'écris ceci au clergé, aux moines, aux dignitez, au fenat & à tout le peuple. Si mon fuffrage eft approuvé comme jufte, & venant de Dieu : je fuis prefent fpirituellement, ou plûtôt j'ay déja impofé les mains; fi l'on eft d'un autre avis, fi l'on juge par cabales & par interêts de famille, fi le tumulte l'emporte fur les regles faites entre-vous ce qu'il vous plaira : je me

retire.

de tous

Y iij

à

Ap. Bafil.ep. 4.

Le S. vieillard Gregoire écrivit auffi à S. Eufebe de Samofate, pour implorer fon fecours en cette occafion, quoiqu'il ne fût pas de la province: luy reprefentant le peril où fe trouvoit l'églife de Cefarée, par les entrepriGreg. p. 29. fes des heretiques. S. Eufebe de Samofate vint en effet, & fa prefence fut trés-efficace pour confoler & foûtenir les catholiques. Car encore que S. Bafile fût manifestement le plus digne de remplir le fiege de Cefarée, les premieres perfonnes du païs s'y oppofoient: ils foûtenoient leur faction, par les plus méchans d'entre le peuple, & avoient gagné une partie des évêques. Ainfi quand ils furent affemblez, ils écrivirent à l'évêque de Nazianze, pour l'inviter à venir: mais d'une maniere qui luy fit entendre qu'ils ne le defiroient pas. Il leur marqua par la réponse qu'il l'avoit bien compris ; & leur déclara comme il avoit fait au clergé & au peuple de Cefarée,qu'il donnoit fon fuffrage au Prêtre Bafile,comme au plus digne; & protefta contre l'élection que l'on pourroit faire par cabale. Et fi l'on oppose, dit-il, le pretexte de fa mauvaise fanté, vous ne cherchez pas un atelete, mais un docteur. Il ne fe contenta pas d'écrire mais fachant qu'il manquoit une voix pour rendre l'election Greg. or. 20. p. canonique : nonobftant fon grand âge & fa maladie, Or1931. D. qui le reduifoit prefque à l'extrêmité: il fortit de fon lit, & fe fit porter à Cefarée, s'eftimant heureux s'il achevoit fa vie par une fi bonne œuvre. S. Bafile fut donc élû, & ordonné canoniquement évêque de Cefarée en Cappadoce; & l'églife fait la memoire de cette ordination le quatorziéme de Juin.

343.

XVIII.

Conduite de S. Bafile

Greg. Naz.er. 19 312.

:

Le S. vieillard Gregoire s'en retourna à Nazianze gueri & fortifié, comme par miracle. Les évêques oppofez à Bafile fouffroient avec peine,qu'il l'eût emporté fur eux: la honte & le dépit les pouffoit jusques à luy dire des in

jures. Gregoire les vainquit encore par fa patience: & content d'avoir gagné dans le fonds, il leur laiffoit la fatisfaction de parler. Avec le tems leur chagrin fe tourna en admiration, & ils le regarderent depuis comme leur arbitre & leur patriarche.

1d. or. 20. p. 334. C.

S. Bafile en ufa de même. Il s'appliqua à guerir les efprits aigris contre luy, non par des flatteries & des baffeffes, mais par une conduite noble & élevée : ne regardant pas feulement le prefent, mais les disposant à luy eftre foumis à l'avenir. Il ne fe fervoit pas d'artifice pour fe les affujettir, mais il les gagnoit par amitié: n'ufant pas de fa puiffance, & leur faifant fentir qu'il les épargnoit. Il emploïoit peu de paroles & beaucoup d'effets. Tous étoient forcez de ceder à la fuperiorité de fon genie & à l'éminence de fa vertu, & demeuroient perfuadez, qu'il falloit luy estre unis & foûmis, ou renoncer au falut éternel. Ainfi domptez, ils s'empreffoient à se justifier, à luy témoigner de l'amitié, & montrer du progrez dans la vertu : car c'étoit la feule juftification folide. Il n'y eut que quelques incorrigibles, dont il ne se mit pas en peine. C'eft ainfi que 20. 23. mf. S. Gregoire de Nazianze nous dépeint la conduite de fon ami. Il ne fe preffa pas de l'aller trouver aprés fon épifcopat. S. Bafile l'avoit invité à le venir voir malade, & il s'étoit mis en chemin. Mais apprenant en même tems que les évêques s'affembloient à Cefarée, pour élire un fucceffeur à Eusebe, il retourna fur fest pas: accufant S. Bafile de fimplicité, s'il ne voïoit pas le foupçon qu'il donnoit, de vouloir fortifier fa brigue, en appellant fes amis. Peut-eftre S. Gregoire craignoit-il d'eftre élû luy-même. Il garda la même conduite aprés l'élection, & fe contenta d'écrire à S. Bafile: que quel- Epißt. 24. que joie qu'il eût de fa promotion, il n'iroit pas le trou

Or. 10. p. 344 A.

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