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d'Ancyre; la divinité du S. Efprit contre les Macedoniens; & la foy de l'incarnation contre Apollinaire, fans toutefois nommer aucuns de ces heretiques. Cette lettre fut reçûë & approuvée par toute l'église d'Orient, dans un concile d'Antioche de cent quarante-fix évêques, qui confirmerent par leurs foufcriptions la foy du concile de Rome. S. Melece eft à la tête, puis S. Eufebe de Samofate, S. Pelage de Laodicée, Zenon de Tyr, Euloge d'Edeffe, Bematius de Malle en Cilicie, Diodore de Tarfe : les autres ne font pas nommez. On attribuë avec raifon à ce même concile d'Antioche une lettre des évêques d'Orient à ceux d'Itålie & de Gaule, qui fe trouve entre celles de S. Bafile apparemment parce qu'il l'avoit compofée, & qui porte les noms de Melece, Eufebe, Bafile, Baffus, Gregoire, Pelage, & plufieurs autres jufques au nombre de trente - deux, ajoûtant encore à la fin, & les autres : ce qui marque un concile nombreux.. Le diacre Sabin fut chargé de cette lettre : & les Orientaux fe rapportent à lui, de faire un recit plus exact de leurs maux, qu'ils décrivent ainfi Il ne s'agit pas d'une église ni de deux: l'herefie s'étend presque depuis les confins de l'Illyrie jusques à la Thebaïde. La fainte doctrine eft renversée, les loix de l'église confonduës, les ambitieux s'emparent des premieres places, qui deviennent la récompenfe de l'impiété. La gravité facerdotale eft perdue: on ne trouve plus de pasteurs qui fachent leur devoir : ils tournent à leur profit le bien des pauvres, ou en font des liberalitez. La rigueur des canons eft oubliée: la licence de pecher eft grande. Car ceux qui ont acquis l'autorité par la faveur des hommes, témoignent leur reconnoiffance en accordant tout aux pecheurs. Ainfi les peuples font fans correction, & les pafteurs

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Bif.ep 324.

n'ofent parler étant efclaves de ceux qui les ont élevez. La foy catholique devient un pretexte pour couvrir les inimitiez particulieres. Quelques-uns craignant d'être convaincus de crimes honteux, excitent du defordre dans le peuple pour s'y cacher, & rendent la guerre irreconciliable: parce qu'ils craignent que la paix ne découvre leur infamie. Les infideles rient de ces maux, des foibles en font ébranlez, la foy devient douteufe, & l'ignorance fe répand dans les efprits. Les gens de bien ont la bouche fermée, tandis que les méchans blaffêment en liberté. Les fanctuaires font prophanez, les peuples catholiques fuïent les lieux d'oraifon comme des écoles d'impieté, & vont dans les deferts élever leurs mains au ciel avec larmes & gemiffemens. Le bruit de ce qui eft arrivé dans la plupart des lieux, eft parvenu jusques à vous: vous fçavez que les hommes & les femmes, les enfans & les vieillards se répandent hors des villes, & celebrent les prieres à découvert, fouffrant toutes les injures de l'air avec une extrême patience. La lettre continuë en conjurant les Occidentaux par les termes les plus forts, de venir promptement au fecours, & d'envoïer une députation nombreufe, qui puiffe avoir l'autorité d'un-concile. Elle marque la divifion qui regnoit même entre les catholiques, c'eft-àdire, le fchifme d'Antioche; & finit par l'approbation de la lettre, fynodale des Occidentaux.

S. Basile écrivit auffi par le diacre Sabin aux évêques d'Illyrie, d'Italie & de Gaule, & à quelques-uns de ceux qui luy avoient écrit en particulier: entre-autres à Valerien d'Illyrie, ou plûtôt d'Aquilée. Il le felicite comme les autres de l'uniformité de créance, qui regnoit en Occident, & dit que c'est par eux que la foy doit être renouvellée en Orient, afin de luy rendre les biens qu'ils en ont reçûs.

La

per

XXVI.
Perfecution à
Antioche.
Sup. n. 26.

S. iv. e. 17.
Melec. p 1823.

Greg.Nyffin

B: Iheod. 1v.c.

13.

Bafil. ep.187.

Socr. IV. C 2.

La trifte peinture que nous voïons dans ces lettres. de l'état de lŐrient n'étoit que trop veritable, & la fecution y étoit violente: principalement depuis que l'empereur Valens fut arrivé à Antioche, c'est-à-dire vers le mois de Juin de l'an 370. C'est ainsi qu'il accomplisfoit le ferment qu'il avoit fait à fon baptême entre les mains d'Eudoxe, S. Melece comme le principal chef des cat holiques, fut banni pour la troifiéme fois, & envoïé en Armenie fa patrie. Ils y demeura prés de Nicopolis dans une terre nommée Gethafe qui lui ap. 36. 4. partenoit fur les confins de la Cappadoce: ce qui donna occafion à S. Bafile d'un afféz frequent commerce àvec lui. Paulin l'autre évêque catholique d'Antioche fut épargné; foit à cause de sa vertu, foit à caufe de la petiteffe de fon troupeau. Mais celui de Melece ne So. v.6. 7. demeura pas fans conduite : les preftres Flavien & Diodore en prirent foin, les mêmes qui étant encore laï-liv. XII.n. ques, l'avoient foutenu fous Conftantius. Flavien qui fut depuis évêque, d'Antioche, ne parloit pas encore dans les affemblées : il fe contentoit de fournir des raifons & des pensées à ceux qui parloient. Diodore fut évêque de Tarfe, & dés lors il étoit lié d'amitié avec S. Basile, S. Athanafe, Pierre & Timothée fes fucceffeurs. Jean & Eftienne travaillerent auffi à conferver le troupeau de S. Melece, qui les fit tous deux depuis évêques, Jean d'Apamée & Eftienne de Germanicie. Les catholiques de la communion de S. Melece,avoient été chassez de leurs églifes: c'est-à-dire de la Palée, & d'une nouvelle que l'empereur Jovien leur avoit donnée. Ils s'affembloient donc au pied de la montagne voifine d'Antioche, où il y avoit des cavernes, dans lesquelles on difoit que S. Paul s'étoit autrefois caché. Là ils chantoient les louanges de Dieu & écoutoient fa parole, expofez.

Tome IV.

B5

46.

Baf ep. 177 lib. 4. p. 1. c. 2.

197 Facun i.

Theod. Y 25.
Id Philof.c.

p.7

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c. 8. p. 815.

Mier. ep. 57.
Damafc.

SoCT.IV. c. 17.

¡ XXVII

Theodor. IV.

14.Philoft.c.8.

aux pluïes & aux neiges en hyver, & à d'extrêmes chaleurs en efté. Toutes fois on envoïa des foldats pour les en chaffer; & ils s'affemblerent au bord de l'Oronte: d'où étant encore chaffez, ils allerent au champ d'exercices; & de-là leur vint le nom de Campenfes, que leur donnoient ceux de la communion de Paulin : encore furent-ils chassez de cette place. Cependant l'empereur Valens en fit tourmenter & mettre à mort plusieurs en differentes manieres, mais principalement en les jettant dans l'Oronte.

Le palais d'Antioche étoit fur le bord de ce fleuve, S. Aphraate. & entre deux paffoit le grand chemin pour fortir à la hift. c. 26 campagne. Un jour l'empereur Valens regardant du Theol. 11. c. 7. haut de fa galerie, vit un vieillard vêtu d'un mêchant manteau, qui fe preffoit de marcher malgré fon grand âge. On lui dit que c'étoit le moine Aphraate, pour qui tout le peuple de la ville avoit une veneration merveilleufe. En effet, il avoit quitté fa folitude pour venir au fecours de l'églife, quoique fimple laïque, & alors il alloit fe rendre à la place où s'affembloient les catholiques. Où vas-tu, lui dit l'empereur? Aphraate répondit: Je vais prier pour la profperité de vôtre regne. Mais, reprit Valens, tu devois demeurer chez toi & prier en fecret fuivant la regle monaftique. Aphraate répondit: Vous dites fort bien, feigneur, je le devois; & j'ai continué de le faire, tant que les brebis du Sauveur ont jouï de la paix mais dans les perils où elles font, il faut tenter tous les moïens de les fauver. Dites-moi, feigneur, fi j'étois une fille enfermée dans la maifon de mon pere, & que je viffe le feu s'y prendre, que devrois-je faire? demeurer affiffe & la laiffer brûler ou plûtôt fortir de ma chambre, courir & porter de l'eau de tous côtez pour éteindre le feu? C'est ce

:

que je fais maintenant. Vous avez mis le feu à la maifon de nôtre pere, & nous courons pour l'éteindre. Ainfi parla Aphraate. L'empereur fe teut. Mais un des eunuques de la chambre dit des injures au S. vieillard du haut de la galerie, & le menaça de mort. Quelque tems aprés cet eunuque étant allé voir fi le bain de l'empereur étoit chaud : la tefte lui tourna, il se jetta dans la chaudiere de l'eau boüillante; & comme il étoit feul, il y demeura & y perit. L'empereur envoïa une autre eunuque pour l'appeller: mais il revint dire qu'il ne trouvoit perfonne dans aucune des chambres. Plufieurs y accoururent, & à force de chercher dans toutes les cuves, à la fin ils trouverent ce miferable étendu mort. Le bruit s'en répandit dans toute laville, & tous loüoient le Dieu d'Aphraate. L'empereur épouvanté, n'ofa l'envoïer en exil, comme il l'avoit rétolu : mais il ne laiffa pas de perfecuter les autres catholiques.

S. Aphraate étoit Perfe de Naiffance, & d'une illuftre famille. S'étant fait Chrétien, il quitta fon païs & vint à Edeffe, où il s'enferma dans une petite maifon qu'il trouva hors de la ville, & y vêcut dans les exercices de pieté. De-là il passa à Antioche dés lors agitée par les heretiques,c'eft-à-dire fous Conftantius, & fe retira dans un monaftere hors de la ville. Il aprit un peu de grec & avec fon langage demi barbare, s'expliquant à grande peine; il ne laiffoit pas d'eftre plus perfuafif que les fophiftes les plus fiers de leur rhétorique. Tout le monde couroit à lui, les magistrats, les artifans, les foldats, les ignorans, les favans : les uns l'écoutoient en filence, les autres lui faifoient des questions. Nonobftant cé travail, il ne voulut jamais avoir perfonne avec lui pour le fervir, ni recevoir rien de perfonne, que du pain d'un de ses amis: à quoi dans fon extrême vieilles

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