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$ le Clere

page 498

HISTOIRE
ECCLESIASTIQUE.

LIVRE QUINZIE ME.

EU de temps aprés que l'empereur Ju-Julien change la lien fut entré à Conftantinople, il éta- Cour de C.. blit à Calcedoine un tribunal extraordi

Amm. MarC

lib xx11.c.3.

naire, contre ceux qui avoient eu le plus AN. 361. de pouvoir fous l'empereur Conftantius;, & on y examina leur conduite avec une rigueur qui parut exceffive aux flatteurs même de Julien. Les deux confuls Taurus & Florentius furent du nombre des acculés : Taurus avoit merité le confulat par les violences qu'il exerça au concile de Rimini ; on l'envoïa en exil à Verceil; & ce qu'il y eut de plus honteux, c'étoit la

Tome 1V.

A

Sup liv. XIV.

i. 11.

AN. 361.

Greg. Naz.or.

3. p. 75.

Secr. II. C. Ii

Liban. ora. 10..

p. 91.

datte des actes de fon procés.. Les interrogatoires, par exemple, commençoient ainsi : Sous le confulat de Taurus & de Florentius, Taurus étant amené par les: crieurs publics. La mort d'Urfulus comte des largeffes,, c'est-à-dire grand tréforier, fut la plus odieufe: car il avoit foutenu Julien dans les Gaules, luy faifant fournir par les tréforiers des lieux tout l'argent qu'il demandoit contre les ordres de Conftantius, qui ne vouloit pas qu'il eut dequoy donner aux troupes.. Auffi Julien. voïant les reproches & les maledictions que luy attiroit cette mort, fut reduit à la défavoüer. D'autres furent approuvées de tout le monde : principalement celle de Feunuque Eufebe prefet de la chambre de Conftantius, cet Arien fi paffionné car il fut auffi condamné &. executé à mort.

Plufieurs chrétiens furent envelopez dans cette reAmm. xxx.c. cherche & dans la reforme des officiers du palais imperial, que Julien caffa, fous pretexte d'en bannir le luxe & de vivre en philofophe. Il demanda un jour un barbier pour luy faire les cheveux: car pour sa barbe il affectoit de la laiffer croître. Le barbier de Conftantius fe prefenta vêtu magnifiquement. Julien en fut furpris, & dit: J'ay demandé un barbier, & non pas un fenateur. Il s'informa de ce que luy valoit fa charge, &. trouva qu'il avoit par jour vingt rations de pain &. autant de fourage pour les chevaux, & par an de gros gages fans les graces extraordinaires. Ĉela fut cause qu'il chaffa tous les barbiers, tous les cuifiniers & les autres officiers semblables, disant qu'ils ne luy étoient point neceffaires; & particulierement les eunuques, Jul. ad Aban. parce qu'il n'avoit plus de femme. Il eft certain que la. moleffe étoit exceffive à la Cour de Conftantius, foit: pour les habits d'or & de foïe, foit pour la delicatesse

.P. 50.4.

des tables. Il y avoit jufqu'à mille barbiers & autant de cuifiniers: ceux qui verfoient à boire & fervoient à table étoient encore en plus grand nombre. Plufieurs officiers de cette cour avoient abufé de leur fortune: mais on les accufoit entre-autres chofes de s'eftre enrichis des dépouilles des temples des idoles.

AN. 361.

II.

Philofophes appellez.

Julien aïant ainfi reduit le palais en folitude: le remplit de philosophes, de magiciens, de devins & de charlatans de toutes fortes. Un des premiers qu'il manda fut le philofophe Maxime qui étoit en Afie avec AN. 362. Chryfanthe. Aïant reçû la lettre qu'il leur écrivoit à Eunape. in tous deux, ils confulterent leurs dieux avec tout l'art & Max 90. la circonspection qu'ils purent emploïer: mais ils ne rencontrerent que des prefages funeftes. Chryfanthe épouvanté de ce qu'il voïoit, dit à Maxime : Mon cher ami, je prétens non feulement mourir icy, mais me cacher fous terre, fi je puis. Maxime répondit: Il me femble, Chryfanthe,que tu as oublié la doctrine que nous avons aprife. Les Hellenes parfaits ne doive pas ceder à ce qu'ils rencontrent d'abord, mais forcer la nature divine de venir à eux. Peut être, repartit Chryfanthe, es-tu affez habile & affez hardi pour le faire : pour moi je ne puis combattre de tels fignes; & ayant ainfi parlé, il fe retira. Maxime continua d'emploïer tous les fecrets de fon art, jufqu'à ce qu'il eût trouvé ce qu' defiroit. Il partit, & toute l'Afie fe mit en mouvement pour luy faire honneur: les peuples accouroient en foule à fon paffage avec leurs magiftrats à la tefte: les femmes mêmes s'empreffoient de faire leur cour à la fienne. Quand Amm. xx11,c.7. il arriva à C. P. l'empereur étoit au fenat & y parloit: Liban, ora 10. mais si tôt qu'il aprit la nouvelle que Maxime étoit P. 294. B. venu; il oublia fa dignité & la bienféance: il courut

a

au devant de toute fa force, loin au delà du veftibule,

AN. 362.
Eanap. p. 93.

Chryf. p. 182.

l'embrassa & le baisa comme auroit fait un particulier, & le fit entrer dans le fenat, quoi qu'il ne fût point fenateur. L'empereur s'appliquoit avec Maxime à confulter les dieux, y paffant non feulement le jour, mais la nuit. Ce philofophe l'obfedoit de telle forte, qu'il fembloit le gouverner, luy & tout l'empire. Enflé de cette faveur, il commença à s'habiller plus mollement qu'il ne convenoit à fa profeffion, & devint plus rude & plus difficile à ceux qui l'abordoient. Mais l'empereur ne s'appercevoit pas de ce changement.

Prifcus que l'empereur fit auffi venir de Grece, usa plus moderement de sa fortune. Chryfanthe étant encore appellé avec de preffantes inftances, confulta les dieux, & trouvant toûjours d'auffi mauvais prefages, il tint ferme & demeura à Sardis. L'empereur le fit fouverain pontife de Lydie & fa femme fouveraine prêtreffe. Eunap. ibid. Chryfanthe prévoïant la revolution prochaine, foit par magie, foit par prudence naturelle, ufa moderement du pouvoir que luy donnoit cette charge. Il ne fe preffa point comme les autres de relever les temples, il ne maltraita point les chrétiens inutilement: mais il fe conduifit doucement, qu'on ne s'apperçût prefque pas en Lydie du rétabliffement des facrifices, ni de leur fupreffion qui fuivit de prés. Julien mandoit auffi avec un grand empreffement plufieurs de ceux qu'il avoit connus dans les écoles d'Afie, & leur enfloit le cœur par des promeffes magnifiques: mais quand ils étoient arrivez, il les païoit de belles paroles, les appelloit fes compagnons, les faifoit quelquefois manger à sa table, beuvoit à leur fanté, & les renvoïoit fans rien faire. Il y eut toutefois plufieurs rheteurs & plufieurs fophiftes à qui il donna des charges & des gouvernemens: leur credit croiffoit de jour en jour, & leurs efperances encore plus.

Au milieu de cette troupe de philofophes, le nouvel AN. 362. empereur vivoit luy-même en philofophe, & en portoit les marques exterieures, particulierement la barbe. Conftantius la lui fit couper en le faisant Cefar, car les Romains fe rafoient alors: mais il la reprit quand il fut le maître. On le voit par fes médailles : toutes celles où il eft nommé Cefar font fans barbe ; & dans la plûpart de celles qui luy donne le titre d'Augufte, il porte la barbe longue autant que la pouvoit avoir un homme de trente ans : car il n'en avoit pas davantage quand il sup. liv. 111. parvint à l'empire. Il fe difoit Grec; affectoit d'imiter les Grecs, comme plus fçavans que les Romains; & M.sopog. 106. tout ce que nous avons de fes écrits eft en grec. Enfin il fe piquoit de retablir dans fa perfection l'Hellenisme, c'est-à-dire les mœurs des anciens Grecs ; & particulierement leur religion. Car le nom d'Hellenes fignifioit sup. liv. 1v. n alors païens, tant chez les chrétiens que chez les païens

eux-mêmes.

n. I.

7.

L

III.

Amm. XXII G.

Le rétablissement du paganisme fut donc le premier Rétablissement foin de Julien fi-tôt qu'il se trouva le maître. Il donna de l'idolâtrie. des ordres exprés pour ouvrir les temples, pour reparer, ou rebâtir ceux qui étoient démolis. Il leur attribua de 1 ban, ora. 10. grands revenus: il fit redreffer les autels, il renouvella P. 189. 290. les facrifices & les anciennes ceremonies de chaque sos. 3. ville. On le voïoit luy-même en public offrir des victimes & des libations; il honoroit tous les miniftres de la religion profane : les facrificateurs, les hierophantes, ceux qui communiquoient les mifteres, les gardiens. des idoles & des temples. Il rétablit leurs penfions, & leur rendit les honneurs, les privileges & les exemptions qui leur avoient été accordées par les anciens rois. Auffi vouloit-il qu'ils obfervaffent exactement l'abstinence superstitieuse de certaines viandes, & les purifications exterieures prefcrites par leur religion.

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