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fables que lui. Il falloit refifter alors jufqu'à la der- AN. 362. niere extrêmité, & non pas venir enfuite attaquer Eufebe: principalement dans ce tems, où il feroit plus à propos d'appaifer les anciennes inimitiez, que d'en exciter de nouvelles. En effet l'empereur étoit prefent, indigné de cette élection. Il la traitoit de fédition menaçant Eusebe en particulier; & c'étoit le même tems où la ville étoit en plus grand peril à cause du temple de la Fortune. Le gouverneur vouloit profiter de l'occasion pour faire fa cour aux dépens d'Eusebe, avec qui il étoit broüillé d'ailleurs. Il écrivit donc aux évêques qui l'avoient ordonné, pour les obliger à l'accufer, mêlant des menaces dans fes lettres, & ajoûtant que l'empereur le vouloit. Le vieillard Gregoire aïant reçû la lettre qui s'adreffoit à lui, répondit fans hefiter: Très-puiffant gouverneur, nous ne reconnoiffons pour cenfeur de nôtre conduite & pour maître, que celui à qui l'on fait maintenant la guerre, c'est-à-dire, J. C. Il examinera cette ordination que nous avons faite felon les regles, & qui lui eft agreable. Pour vous, il vous est très-facile de nous faire violence en toute autre chofe: mais perfonne ne nous empêchera de défendre ce que nous avons bien fait: fi ce n'eft que Vous faffiez auffi quelque loi fur ce fujet, vous à qui il n'eft pas permis de prendre connoiffance de nos affaires. Le gouverneur fut d'abord irrité de cette lettre: mais enfuite il l'admira: & elle appaifa même la colere de l'empereur. La fuite juftifia la providence, qui avoit conduit l'élection d'Eufebe.

Le vieillard Gregoire fe fignala encore en défendant fon églife de Nazianze. On y envoïa comme dans les autres villes une compagnie de foldats armez d'arcs & de fleches, pour s'emparer de l'églife, ou pour la ruiner:

Greg. Naz. 19.

P 307. D.

mais Gregoire resista avec un tel zèle, que le capitaine AN. 362. fut obligé d'abandonner l'entreprife, & de fe retirer au plus vite, pour se mettre en fûreté. Le S. vieillard faifoit faire des prieres publiques pour obtenir la délivrance de l'églife & la fin de la perfecution: mais en particulier il prioit durant la nuit; couchant fur la terre nonobstant son grand âge & arrofant le pavé de fes larmes. Ce qu'il continua pendant près d'une année, & fi fecrettement, qu'il s'en feroit caché même à sa famille, fi fon fils Gregoire ne l'eût découvert.

XIV.

S. Gregoire de

Nazianze &
Balile prêtres

S.

:

Le fils avoit été ordonné prêtre vers le commencement de cette année mais avec une extrême repugnance: car outre des raisons generales de la dignité du facerdoce, de la fainteté & de la capacité qu'il demande: il voïoit des difficultez particulieres dans un tems, où l'églife étoit fi cruellement déchirée au dedans par les heretiques, & attaquée au dehors par les païens. Son pere n'ignoroit pas les fentimens, & toutefois le peuple confpirant avec lui, il l'éleva au second rang du facerdoce, le chargeant de l'instruction des catecumenes & du miniftere de la parole, dont il ne Carm. 1. p. 6. c. pouvoit prefqué plus s'acquitter à cause de fon grand âge. Le fils accablé de ce coup inopiné, se retira peu de jours après dans la folitude du Pont auprès de faint Bafile: mais aïant un peu digeré fon chagrin, preffé. par l'affection de fon pere & de tout le peuple fidele frappé de l'exemple de Jonas, & craignant de refifter à l'ordre de Dieu : il revint à pâque, qui cette année 362. étoit le trente-un de Mars. Il parla dans l'église, le jour de la fête, dont il prit occafion pour fe pardonner reciproquement la violence qu'ils lui avoient faite en fon ordination, & le chagrin qu'il leur avoit donné par fa retraite. Plufieurs de ceux qui

avoient

que

Or. 2. p. 46.

avoient defiré Gregoire avec plus d'empreffement, ne AN. 362; fe trouverent pas à ce premier fermon. Il en fut touché, & par un fecond difcours il leur en fit des reproches animez d'une charité fincere. Mais comme il favoit plufieurs avoient blàmez fa retraite, l'accufant de méprifer les ordres, ou d'afpirer à un plus haut rang que la prêtrife il fit quelque tems aprés fon apologie par orat. x. un grand difcours, où il traite à fonds la dignité, les devoirs & les périls du facerdoce, & rend de folides raifons de fa crainte & de fa fuite, de fa foumiffion & de fon retour.

:

,

I.

Greg. Naz. or
Greg. Naz. ep.

20. p. 335. B.

Saint Bafile fut ordonné prêtre vers le même tems. Il étoit revenu à Cefarée, & affifta à la mort de l'évêque Dianée. Eusebe qui étoit Neophite voulut s'appuyer du fecours d'un homme vertueux inftruit & éloquent comme Bafile, & déja éprouvé dans le miniftere ecclefiaftique; car il avoit l'ordre de lecteur. S. Bafile écrivit fur fon ordination à son ami faint Gre- "'. goire, qui luy répondit: Vous avez auffi été pris. On nous a mis par force au rang des prêtres, que nous ne défirions pas. Car nous fommes témoins l'un & l'autre combien nous cheriffons la philofophie humble & cachée. Peut-être eût-il mieux valu que cela ne fût point arrivé: mais je ne fçay qu'en dire, jufques à ce que je connoiffe la conduite de l'efprit. Puis la chose est faite, il faut s'y foûmettre il faut s'y foûmettre, principalement à cause du tems, qui qui nous attire les langues des heretiques ; & ne pas faire honte à ceux qui nous ont confié le miniftere, ou au genre de vie que nous avons embraffé. On croit que le premier fermon de S. Bafile fut l'explication du commencement des verbes.

que

pro

Eufebe fon évêque, par un effet de la foibleffe hu

Tome IV.

E

AN. 362.
Greg. Naz.or.

337

fair

pas

maine eût ensuite un differend avec luy, dont on ne le fujet. Seulement on conjecture, qu'il étoit 20 P. 536.C.. jaloux de l'autorité que luy donnoit fon éloquence & fa vertu. Les moines qui regardoient S. Bafile comme leur chef, prirent fon party, & attirerent une grande quantité de peuple, même des plus confiderables. D'ailleurs la perfonne d'Eusebe étoit peu favorable, à caufe de fon ordination plus violente que canonique : enfin il fe trouvoit alors à Cefarée des évêques d'Occident, qui prenoient le party de S. Bafile, & atti$3. inf. n. 181 roient à eux tout ce qu'il y avoit de catholiques. On croit que c'étoient faint Eufebe de Verceil & Lucifer de Caillari. L'église de Céfarée alloit donc être déchirée par un fchifme, fi la fageffe de faint Bafile ne l'eût prévenu. Il fe retira dans le Pont avec faint Gregoire de Nazianze, & gouverna les monafteres qui y étoient établis.

Elias Cret. n.

che

XV.

Amm. XXII. c.9.

Ezech.

C. Th.

L'empereur Julien continuant fon voyage, passa de Julien à Antio- Cappadoce en Cilicie: vint à Tarfe, & enfin à Antioche, où il arriva à la feste d'Adonis : c'est-à-dire, à la Hier. in viii. fin du mois de Juillet. Et comme cette fête fe celebroit Gothofr. Cronol par des chans lugubres, pour plaindre la mort d'Adonis, tué par un sanglier & pleuré par Venus: elle parut aux payens d'un trifte préfage pour l'entrée de l'empereur dans la capitale de l'Orient. Il vifitoit tous les temples fur les collines & fur les montagnes les plus rudes. Ainfi peu de tems aprés fon arrivée à Antioche, il alla au mont Caffien vifiter un fameux temple de Jupiter ; & en revint promptement pour la fête d'Apollon, qui fe celebroit tous les ans au bourg de Mifopos.p.9 97 Daphnée prés d'Antioche, à deux lieuës de l'autre côté du fleuve Oronte : c'étoit au dixième mois nommé Lous par les Macedoniens, qui répondoit au mois

c.

AN. 362

d'Août. Julien s'attendoit à voir dans cette occafion la richesse & la magnificence d'Antioche. Il se figuroit une grande pompe, des victimes, des libations des parfums, des danfes, de jeunes hommes revêtus de robes blanches, & fuperbement ornez. Quand il fut entré dans le temple, il fut bien furpris de n'y trouver ni victimes, ni encens, pas même un gâteau. Il crut que tout l'appareil étoit dehors, & que l'on attendoit qu'il donnât le signal, comme fouverain pontife. Enfin, il demanda ce que la ville devoit facrifier à cette fête. Le facrificateur luy répondit : J'aporte une oye de chez moi; la ville n'a rien preparé. Alors Julien s'adreffant au fenat, parla ainfi: Il eft étrange qu'une fi grande ville témoigne plus de mépris pour les dieux, que la moindre bourgade des extrémitez du Pont : & que poffedant des terres immenses, aujourd'huy que la fête de fon dieu arrive la premiere, depuis que le dieux ont diffipé le nuage de l'impieté:elle n'offre pas un oiseau, elle qui devroit immoler des bœufs par tribu,ou du moins un taureau en commun pour toute la ville. Il n'y a que le facrificateur: luy qui devroit plûtôt remporter chez luy ses portions de vos offrandes. Chacun de vous permet à la femme d'emporter tout hors de chez luy pour donner aux Galiléens ; & nourriffant les pauvres de vos biens, elles donnent credit à l'impieté. Pour celebrer fa naissance, chacun prépare deux fois le jour une table magnifique à fes amis:à cette fête folemnelle, perfonne n'a aporté ni huile pour la lampe, ni libation, ni victini encens. Un homme raifonnable ne feroit pas content d'un tel procedé:bien loin qu'il puiffe être agréa- ziid. p. ble aux dieux. Ainfi parloit Julien auprés de l'autel aux pieds de l'idole: mais ni le fenat, ni le peuple d'Antioche ne fut touché de fa harangue.

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