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AN. 362.

Convafion du

La fefte de Daphné duroit fept jours, pendant lefquels Julien fit un feftin public felon la coûtume. Le facrificateur avoit deux fils qui étoient miniftres du fis d'un facrifi- temple, & arrofoient d'eau luftrale les viandes que Tweeds 131.c.14 l'on fervoit à l'empereur. L'un d'eux fit cette fonction le premier jour & auffi-tôt s'enfuit à Antioche en courant, & alla trouver une vertueuse diaconeffe amie

cateur.

de fa mere qui l'avoit fouvent exhorté à fe faire chrétien. Aprés la mort de fa mere, il avoit continué de la voir, & aïant profité de ses inftructions, il luy demanda enfin comment il pourroit embraffer la religion qu'elle luy enfeignoit. Il faut, lui dit-elle, fuïr votre pere, luy preferer celuy qui vous a crées l'un & l'autre, & paffer dans une ville où vous puiffiez éviter les mains de l'empereur ; & je vous promets d'en prendre foin. Je viendrai, répondit le jeune homme, & je remettrai mon ame entre vos mains. Ce fut donc en execution de cette promeffe qu'il s'enfuit de Daphné, & vint chez la diaconeffe, la priant d'accomplir fa parole. Elle fe leva auffi- tôt, & le mena à Saint Melece. Car il étoit revenu d'Antioche, fur la liberté que l'empereur avoit donnée aux exilez. Il fit demeu rer quelque tems ce jeune homme dans une chambre haure. Cependant fon pere le cherchoit. Aprés avoir fait le tour de Daphné, il vint à Antioche, il parcourut toutes les rues: enfin paffant devant le logis de faint Melece, il vit fon fils qui regardoit par le treillis de la fenêtre. Il y courut & l'en tira de force, l'emmena chez luy : & premierement luy donna quantité de coups de foüets: puis aïant fait rougir au feu de grandes aiguilles, il luy en perça les mains, les pieds & le dos, & enfuite il l'enferma dans fa chambre qu'il baricada par dehors, & s'en retourna à Daphné.

Le jeune homme rempli d'un zele extraordinaire bri- AN. 362. fa toutes les idoles de fon pere: puis craignant fa COlere, il pria J. C. de le délivrer. Car c'eft pour vous, difoit-il, que j'ai fouffert & que j'ai fait tout ceci. Comme il parloit ainsi, les barricades tomberent, les portes s'ouvrirent, & il courut chez la diaconesse qui l'avoit inftruit. Elle l'habilla en femme, le prit avec elle dans fa litiere & le remena à faint Mclece: qui le mit P. Vale. hic. entre les mains de faint Cyrille de Jerufalem, avec lequel il partit la nuit & s'en alla en Palestine Theodoret qui raporte cette hiftoire, l'avoit apprise de la propre bouche de celuy à qui elle étoit arrivée, qui la luy raconta dans fa vieilleffe: ajoûtant qu'aprés la mort de Julien il avoit même converti fon pere le facrifica

teur..

XVII.

Martyrs en Sy

e.

Misopog. p. 95.

Theod. 111.hift.

c. 7.

P. 88.

Julien voïant Antioche toute chrétienne, la prit en averfion; mais il fut trés - content des villes voifines. Car auffi-tôt qu'il eût donné fes ordres pour rétablir l'idolâtrie, elles releverent les temples, renverferent les tombeaux des martyrs, & perfecuterent ouvertement les chrétiens. A Arethufe en Syrie l'évêque Marc avoit abatu du tems de Conftantius un temple trés-ref- Greg. Naz.or.3. pecté des païens, & trés magnifique : il avoit bâti une Sozom. v. c. 10. églife, & converti grand nombre d'infideles, Sous Julien voïant les païens prêts à faire éclater contre luy la haine qu'ils gardoient depuis long-tems: il voulut d'abord s'enfuir, fuivant le precepte de l'évan- Matth. x. 23. gile mais fachant que l'on avoit pris à fa place quelques perfonnes de fon troupeau, il revint & fe livra aux perfecuteurs. Ils le prirent, tout le peuple s'amaffa autour de luy: ils le traînerent par les rues, le prenant aux cheveux & par tout où ils pouvoient atteindre : fans avoir pitié de sa vieillesse, ni respecter la vertu &

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la doctrine ils le dépouillerent premierement, & le AN. 362. fouetterent par tout le corps : enfuite ils le jetterent dans les cloaques infects; & l'en ayant retiré, ils l'abandonnerent à la multitude des enfans, leur commandant de le percer fans mifericorde des ftilets dont ils écrivoient. On luy ferra les jambes avec des cordes jufques aux os on luy coupa les oreilles avec du fil fort & délié. Aprés cela ils le frotterent de miel, & le mirent dans un panier fufpendu en l'air au fort de l'efté à midy au plus grand foleil, pour attirer fur luy les guefpes & les abeilles. Ils le tourmentoient ainfi,pour l'obliger à rebâtir le temple qu'il avoit abatu, ou du moins à en payer les frais : mais il fouffrit tout fans jamais vouloir rien promettre. Et comme ils crurent que fa pauvreté le mettoit hors d'état de trouver une fi groffe fomme, ils luy en remirent la moitié : mais loin de leur rien accorder il les railloit encore fufpendu, comme il étoit, & percé de coups: leur difant qu'ils étoient bas & terreftres, & luy celefte & élevé. Ils fe reduifirent à luy demander une petite partie de la dépense de ce bâtiment mais il leur dit qu'il y avoit autant d'impieté à donner une obole qu'à donner tout. Enfin ils le laifferent aller, vaincus par fa patience; & dans la fuite ils reçurent même de fa bouche les inftructions de la veritable religion. La conftance de cet évêque frappa tellement le préfet du prétoire qui étoit payen, qu'il dit à Julien: N'eft-il pas honteux, Seigneur, que les Chrétiens foient tellement au-deffus de nous & que nous foyons vaincus par un vieillard, qu'il ne feroit même glorieux de vaincre ?

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pas

Les temples abatus étoient un prétexte general de perfecuter les Chrétiens; car Julien avoit ordonné de les rebâtir par tout à leurs dépens: mais il fembloit

Sup.liv.x.n.1.

que Marc d'Arethufe dût être épargné en particulier, AN. 362. puis qu'il avoit été un des évêques qui avoient fauvé Julien au commencement du regne de Conftantius, en le cachant lors que toute la famille fut en peril. Au refte, Greg Nax. or.3. Marc d'Arethule avoit toûjours été du parti des Ariens, ou du moins des Demi-Ariens, entre lefquels il s'étoit signalé : mais les louanges que luy donne S. Gregoir e de Nazianze, qui fans doute le connoiffoit parfaitement, donnent fujet de croire qu'il étoit alors dans lă communion de l'églife.

le tuer

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A Heliopolis en Phenicie prés du mont Liban, étoit Theod, ux, c. 7. un diacre nommé Cyrille, qui du tems de Conftantin avoit brifé plufieurs idoles. Les payens en avoient gardé un tel reffentiment, qu'ils ne fe contenterent pas de mais ils luy fendirent le ventre & mangerent de fon foye. La punition divine éclata fur tous ceux qui avoient pris part à cette inhumanité. Les dents, leur tomberent toutes à la fois : leur langue fe corrompit, Sożem. v.6.10 & ils perdirent la vuë. En la même ville d'Heliopolis des vierges confacrées à Dieu, qui ne fe laiffoient voir à perfonne, furent produites en public dépouillées, expofées nuës à la vue & aux infultes de tout le peuple. Ils leur raferent la tête, leur ouvrirent le ventre & y jetterent de l'orge qu'ils firent manger à des pourceaux, pour les engager à leur dévorer les entrailles avec le grain qui les couvroit. On croit que ce qui les anima Liv. x1. m. 33. d'une telle fureur contre ces vierges, c'eft que Canftantin leur avoit défendu de proftituer leurs filles, comme ils avoient accoûtumé, lors qu'il y fit bâtir la premiere églife, aprés avoir ruiné le temple de Venus.

XVIII.

A Gaze & à Afcalon en Palestine on exerça les mêmes cruautez fur des prêtres & des vierges de leur Martyrs à Gaze fendre le ventre, & d'y faire manger de l'orge aux pour

AN. 362.

Soz. v. c. 9.

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ceaux. A Gaze même, trois freres, Eufebe, Nestable & Zenon furent. cruellement martyrifeż. On les prit dans leurs maifons où ils étoient cachez, on les mit en prifon, on les foüeta. Enfuite le peuple assemblé au theatre cria que c'étoient des facrileges, qui avoient abufé de la licence des derniers tems pour ruiner la religion. Ils s'exciterent tellement par ces cris, que l'affemblée fe tourna en fédition. Ils coururent à la prifon pleins de fureurs, en tirerent les trois freres, & commencerent à les traîner, tantôt fur le ventre tantôt fur le dos: les déchirant contre le pavé & les frappant de pierres, de bâtons & de tout ce qu'ils rencontroient. Les femmes mêmes quittant leurs ouvrages, les piquoient de leurs fuseaux : les cuifiniers qui étoient dans la place prenoient leurs chaudieres de deffus le feu & verfoient fur eux l'eau bouillante, ou les perçoient de leurs broches. Aprés les avoir mis en piéces & leur avoir caffé la tête, enforte que la cervelle étoit répanduë par terre, ils les traînerent hors de la ville au lieu où l'on jettoit les bêtes mortes. Ils y allumerent du feu, les brûlerent, & mêlerent les os qui reftoient avec ceux des chameaux & des ânes: en forte qu'il n'étoit pas aifé de les démêler.

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Avec les trois freres fut pris un jeune homme nommé Neftor, qui fouffrit comme eux la prifon & les foüets mais quand on le traîna par la ville, le peuple en eut pitié à caufe de fa beauté: on le jetta hors des portes, refpirant encore, mais en apparence prêt à mourir. Quelques-uns l'enleverent & le porterent chez Zenon coufin des martyrs, où il mourut comme on le panfoit encore de fes bleffures. Zenon avoit aussi penfé être pris & tué avec les parens. Mais tandis que le peuple étoit occupé à les malfacrer, il trouva l'occafion

de

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