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faifoit que commencer à raffembler les catholiques de Conftantinople dans fon Anastasie. Maxime donnoit de grandes louanges à fes difcours, & déclamoit fortement contre les heretiques; il ne refpiroit en apparence que zele & pieté. Saint Gregoire y fut fi bien trompé, qu'il reçut dans fa maison & à fa table, lui communiquant

le

Gregor

fes études & fes deffeins avec une entiere confiance : & non content de lui donner de grands éloges dans les converfations particulieres, il prononça devant fon églife, quoique malade, un discours à sa louange, que nous Or. 23. avons encore fous le nom d'éloge du philofophe Heron; mais faint Jerôme témoigne que c'étoit la louange du philofophe Maxime, & que d'autres y avoient mis ce faux titre. On voit dans ce difcours par où cet impofteur De script. in avoit furpris faint Gregoire. Il pratique, dit-il, notre philofophie fous un habit étranger: encore le peut-on prendre pour un figne de la pureté de l'ame. C'eft que l'habit des Cyniques étoit blanc. Il n'a, dit-il, de Cynique que de parler hardiment, de vivre au jour la journée, de veiller pour la garde des ames, de careffer la vertu, d'a-. boyer contre le vice. Car c'eft ainsi que les Cyniques s'appliquoient toutes les proprietez des chiens, dont on leur avoit donné le nom.

Cependant Maxime ayant formé le deffein de fupplanter S. Gregoire, & de fe faire lui-même ordonner évêque de C. P. fe joignit à un prêtre de cette églife, qui avoit conçu de l'averfion contre le faint évêque, fans autre fujet que la jaloufie de fon éloquence. Maxime, de concert avec lui, fit venir d'Egypte d'abord fept hommes capables de l'aider dans fon deffein ; & enfuite quelques évêques, qui avoient envoyé ces premiers, & qui étoient eux-mêmes envoyez par leur archevêque Pierre d'Alexandrie, pour ordonner Maxime évêque

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LX. Maxime rejetté

de C. P. Ce n'eft pas que Pierre n'eût d'abord approuvé le voïage de Gregoire; il lui avoit même donné fes lettres, pour l'établir de fa part fur le fiege de cette églife, & l'on ne voit point le motif de fon changement, ni de fon attachement à Maxime. Il falloit encore à Maxime de l'argent, pour executer fon deffein. Il trouva un prêtre de l'ifle de Thaffe qui étoit venu à C. P. acheter du marbre de Proconese pour fon église, il le flatta de fi belles efperances, qu'il l'engagea dans son parti, & se rendit maître de fon argent. Il s'en fervit à gagner une partie de ceux qui avoient témoigné le plus d'affection à. S. Gregoire, & le leur fit regarder comme un homme dont l'amitié étoit inutile, puifqu'il n'avoit rien à donner. Il gagna fur tout grand nombre de mariniers, pour reprefenter le peuple, & lui prêter main-forte au befoin. Ils prirent leurs tems que S. Gregoire étoit malade; & fans avertir perfonne, les Egyptiens entrerent de nuit dans l'église avec quantité de mariniers, & commencerent la ceremonie de l'ordination de Maxime; mais le jour les furprit avant qu'elle fût achevée. Les clercs qui logeoient aux environs de l'églife s'étant apperçûs de cette entreprise, le bruit s'en répandit par toute la ville; & tout le monde accourut aulli-tôt à l'églife, les magiftrats, les particuliers, les étrangers & jufques aux heretiques. Les Egyptiens furent obligez de quitter l'églife, & le retirerent dans une maifon particuliere, chez un joueur de flute, accompagnez de quelques-uns du bas peuple & de quelques excommuniez. Ce fut là qu'ils acheverent l'ordination de Maxime, lui couperent fes grands cheveux, qu'ils lui avoient laiffé jufques alors, & dont tout le monde avoit été fcandalifé.

Tout le clergé & tout le peuple de C. P. fut étrange

Carm. s. p. 17. B

ment indigné de cet attentat. On publioit tous les cri- de tout le monde. mes de Maxime, & on le chargeoit de malediction; enfin on le chaffa de la ville. Čependant les catholiques qui étoient dans l'Anaftafie avec S. Gregoire, le gardoient avec grand foin, & prenoient toutes les précautions poffibles pour fa feureté. Quant à lui penetré d'une vive douleur, il refolut d'abord de fe retirer de C. P. & ne put s'empêcher de le témoigner à fon peuple, en lui difant adieu. A ce mot toute l'affemblée s'éleva contre lui; plufieurs accoururent à l'église sur le bruit qui s'en répandit, & tous ensemble le conjurerent de demeurer, & d'accepter le titre de leur évêque; mais il refifta jufques à répandre des larmes, & à prononcer des maledictions contre lui-même s'il l'acceptoit; ne croyant pas qu'il fût permis de prendre ce fiege fans y avoir été placé felon les formes, par une affemblée d'évêques. Le peuple fe réduifit à le supplier de ne les point abandonner. Il demeura quelque tems interdit, ne pouvant leur fermer la bouche, ni fe refoudre à les contenter; le jour baiffoit & ils jurerent tous, que jufqu'à ce qu'il fe fût rendu, ils ne fortiroient point de l'église quand ils y devroient mourir. Il crut même ouir une voix, qui lui reprochoit de bannir avec lui de C. P. la fainte Trinité. Enfin il leur promit de demeurer jufques à l'arrivée de quelques évêques, que l'on attendoit dans peu de tems. Mais il ne voulut point s'y engager par ferment, n'en ayant fait aucun depuis fon baptême. Ainfi l'attentat de Maxime ne fit qu'augmenter l'affection du peuple envers faint Gregoire, & les heretiques furent trompez dans l'efperance qu'ils avoient conçue d'une grande divifion entre les catholiques.

Maxime étant chaffé de C. P. alla trouver l'empereur Theodofe à Theffalonique, accompagné des évêques

Orat.27.p.466.B. Epi. Dam, in

conc. R. an. 534 tom. 4.p. 1699. Carm. i.p.163.C.

AN. 380.

1. Cor. 11. 14.

Egyptiens qui venoient de l'ordonner, & lui demanda fa protection, pour être maintenu dans le fiege de C. P. mais Theodose le rejetta avec indignation. S. Afcole & cinq autres évêques de Macedoine écrivirent au pape Damafe, tout ce qui s'étoit paffé au fujet de l'ordination Tom. 4. p. 1699. de Maxime. Le pape leur témoigne dans fa réponse, qu'il étoit sensiblement touché de la temerité des Egyptiens, d'avoir ordonné un homme, qui ne devoit pas même paffer pour Chrétien, portant un habit de philofophe & d'idolâtre, & fur-tout de longs cheveux, contre la défense expresse de faint Paul. Il ajoûte: Et comme j'ai appris que l'on doit tenir un concile à C. P. je vous avertis de faire enforte que l'on y élife un évêque fans reproche, afin d'établir une paix folide entre les Ibid. p. 1709, catholiques. Je vous avertis encore de ne point fouffrir qu'un évêque paffe d'une ville à une autre, contre les ordonnances de nos ancêtres. Ecrivant à S. Afcole en particulier, il lui recommande encore de faire enforte que l'on mette à C. P. un évêque catholique. Maxime chaffé par l'empereur Theodofe, retourna à Alexandrie; & ayant gagné par argent quelques vagabonds, il preffa l'évêque Pierre de le faire jouir du siege de C. P. le menaçant de le chaffer lui-même de celui d'Alexandrie. Mais le préfet d'Egypte craignant les fuites de cette entreprise, chaffa de la ville Maxime, qui demeura pendant quelque tems en repos.

LXI.

Socr. v. c. 6.

Marcell. Chr. an.

L'empereur Theodofe vint enfin à C. P. fur la fin de Conftantinople. T'année 380. c'est à dire le vingt-quatrième de Novembre, après avoir remporté divers avantages fur les barbares. Son premier foin fut de rendre la paix à l'églife, Chr. Pafch.p.203. & de réunir les efprits. Il fit donc auffi-tôt favoir à Demophile évêque des Ariens, que s'il vouloit embrasser la foi de Nicée, il n'avoit qu'à réunir le peuple, & vivre

380. fast. Idac. an. 30.

Soz. v. I. c. s.

en

en paix. Demophile rejetta cette proposition; & l'empereur lui fit dire: Puifque vous fuyez la paix & la concorde, je vous commande aussi de quitter les lieux de priere. Demophile ayant reçû cet ordre, & voïant qu'il ne pouvoit y refifter, affembla le peuple de fa communion, & fe levant au milieu de l'affemblée, il dit: Mes freres, il est écrit dans l'évangile : Si on vous poursuit dans cette ville fuyez dans l'autre ; puis donc que l'empereur nous chaffe des églises, sachez que demain nous nous affemblerons hors de la ville. Ayant ainfi parlé, il fortit, & fit depuis des affemblées hors des portes de C. P. Lucius le faux évêque d'Alexandrie, qui en étant chaffé, s'étoit retiré à C. P. fortit avec De- Philoft. 1x n. 7. mophile, qui fe retira ensuite à Berée, & mourut au bout de fix ans. Ainfi deux jours aprés l'entrée de Theo- Supl.liv. 111.n.7. dose, c'est-à-dire, le vingt-fixiéme de Novembre 380. les Ariens furent chaffez des églifes de C. P. qu'ils avoient poffedées quarante ans, depuis l'an 340. & l'intrusion d'Eufebe de Nicomedie à la place de S. Paul.

S. Gregoire de Nazianze voulut auffi fe retirer, fatigué de ce qui s'étoit paffé depuis son arrivée dans cette ville, particulierement de l'ordination de Maxime. Ce n'est pas qu'il ne fût bien traité de l'empereur; à la premiere entrevûë, l'empereur lui rendit de grands Carm. 1. p. 21. B honneurs, lui donna de grandes louanges, & voulut le mettre lui-même en poffeffion de la grande église. Une multitude infinie de peuple Arien s'effembla à ce fpectacle, toutes les rues en étoient remplies, La crainte de l'empereur retenoit la colere dont ils étoient animez contre faint Gregoire, & qui ne produifoit que des gemissemens & des larmes. Saint Gregoire marchoit au milieu des foldats avec l'empereur, levant les yeux au ciel, & fi hors de lui, qu'il se trouva dans l'église fans Tome IV.

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