Imágenes de páginas
PDF
EPUB

SOCT. VI.C. 30

De facerd. c. 1

8.2.

permit d'être continuellement auprés de lui; & aprés qu'il l'eut inftruit pendant trois ans, il le baptifa, & le fit lecteur. Jean attira à la retraite Theodore & Maxime, qui étudioient avec lui fous Libanius. Theodore fut depuis évêque de Mopfuefte en Cilicie, & Maxime de Seleucie en Ifaurie. Tous trois s'exercerent à la vie afcetique, fous la difcipline de Cartere, & de Diodore depuis évêque de Tarfe.

[ocr errors]

Jean avoit encore un ami plus intime nommé Bafile, avec qui il délibera fur le genre de vie qu'ils devoient embraffer; & ils conclurent pour la vie folitaire; Bafile s'y refolut fans hefiter. Jean eut plus de peine quitter le monde, & fut retenu principalement par les prieres & les larmes de fa mere, qui pour toute recompense de fa viduité & des foins qu'elle avoit pris de fon éducation, ne lui demandoit que de ne la pas abandonner, lui laissant la liberté de vivre aprés fa mort comme il voudroit. Bafile exhortoit Jean à s'élever au-deffus de ces confiderations ; lorsqu'il courut un bruit que l'on vouloit les faire évêques. Jean en fut furpris, ne comprenant pas pourquoi on penfoit à lui, & craignit qu'on ne l'ordonnât par force, comme il étoit alors affez ordinaire. Bafile vint le trouver en particulier, croïant lui apprendre cette nouvelle, & le pria d'agir de concert avec lui en cette rencontre, comme ils faifoient en toutes leurs affaires. Car, dit-il, je prendrai le même parti que vous, foit pour fuir l'épifcopat, foit pour l'accepter. Jean ne crut pas devoir faire ce tort à l'église de la priver du fervice d'un homme capable, quoique jeune, de la conduite des ames; il diffimula donc avec lui pour la premiere fois, & dit que rien ne preffoit, qu'il étoit d'avis de remettre cette déliberation à un autre tems. Cependant il se cacha; & peu de tems aprés,

&

celui qui devoit les ordonner étoit venu. Bafile qui ne
fe doutoit de rien, fut mené fous un autre pretexte, &
fe laiffa ordonner, croïant que Jean en feroit autant.
On le trompa même, en lui difant, que celui qui étoit
le plus fier & le plus indocile,avoit cedé au jugement des
évêques. Mais quand Bafile feut que Jean s'étoit mis à c
couvert, il le vint trouver pour se plaindre amérement
de l'artifice dont il avoit ufé pour l'engager. Jean lui
expliqua fes raifons, & cette converfation fut le fujet
des livres du facerdoce, que Jean écrivit depuis. On ne 1.12
sait qui est ce Basile ami de S. Jean Chryfoftome, fic ce
n'eft Maxime évêque de Seleucie en Ifaurie, qui ence
cas auroit eu deux noms.

V. Hermant liv.

Cependant S. Jean Chryfoftome aprés avoir été or- Pallad. dialog. donné lecteur, ne jugeant pas en fa confcience que les P.4%. travaux qu'il pouvoit faire dans la ville, fuffent fuffifans pour dompter l'ardeur de fa jeunesse, se retira sur les montagnes voifines d'Antioche, & ayant trouvé un vieillard Syrien, fort appliqué à la mortification, il imita la dureté de fa vie, & fut quatre ans fous fa discipline. Ensuite il fe retira feul dans une caverne, cherchant à être inconnu. Il y demeura deux ans, fans prefque dormir, & fans jamais fe coucher ni jour ni nuit, en forte que le froid lui rendit comme mortes certaines parties du corps. Son occupation étoit d'étudier l'écriture fainte, & de compofer quelques ouvrages de pieté.

VIII. Défenfe de la vie

To. 4

Ce fut donc pendant cette retraite qu'il écrivit les trois livres pour la défense de la vie monaftique. Car monaftique. plufieurs en regardoient l'aufterité comme excessive, & emploïoient les menaces & les violences pour en empêcher la propagation. Ce n'étoit pas feulement les payens, mais des Chrêtiens même ; & il y en eut un

3.55. A.

Lib. 1. 6. 2. p. qui s'emporta jusques à dire : Cela feroit capable de me faire renoncer à la foi & facrifier aux demons. C'étoit le sujet ordinaire des railleries dans la place publi. que, & dans tous les lieux où s'affembloient les gens oififs. L'un difoit: J'ai été le premier qui ai mis la main sur un tel moine, & je l'ai roüé de coups. L'autre : J'ai découvert la retraite d'un tel. L'autre : J'ai bien échauffé le juge contre lui. L'autre fe' vantoit de l'avoir traîné par la place, & mis au fond d'une prison. Là-dessus les

Lib. 2. c. 5.

3. affiftans s'éclatoient de rire. Les Chrétiens en ufoient ainfi; & les payens fe moquoient des uns & des autres.

S: Jean Chryfoftome entreprit de défabuser le monde fur ce fujet, non pour l'interêt des moines qui mettoient leur gloire dans les fouffrances, mais pour l'interêt de leurs calomniateurs. Dans le premier livre il fait voir l'utilité de la vie monastique, & la neceffité de la retraite, par la corruption qui regnoit dés lors, même parmi les Chrétiens, principalement dans les grandes villes. Dans le fecond, il s'adreffe à un pere païen qu'il fuppofe outré de douleur, de ce que fon fils a embraffé la vie monaftique. Il lui montre que c'eft la veritable philofophie: que par le mépris des richesses, de La gloire & de la puiffance temporelle, un moine est le plus riche, le plus libre, le plus puiffant, le plus honoré de tous les hommes, le plus propre à confoler fon pere. Pour montrer le pouvoir des moines, il dit ces paroles remarquables: Persuadons à vôtre fils de prier quelqu'un des plus riches entre les perfonnes pieuses, de lui envoier telle quantité d'or que vous voudrez, ou plûtôt de la donner à un tel pauvre, vous verrez le riche lui obéïr plus promptement, que ne vous obéiroit un de vos économes. Et quand celui-ci deviendroit pauvre, vôtre fils l'ordonneroit à un autre, & enfuite

à un autre. Il conclut par cette hiftoire : J'ai eu un ami fils d'un païen, riche, eftimé, confiderable en toutes manieres. Le pere d'abord anima contre lui les magiftrats, le menaça de prison, le dépoüilla de tout, &le laiffa dans un païs étranger, manquant même de la nourriture necessaire. Il efperoit par là le réduire à une vie plus fupportable. Mais le voïant invincible, il s'eft laiffé vaincre lui-même: il le refpecte maintenant plus, que fi ce fils étoit fon pere; & bien qu'il ait plufieurs autres enfans eftimez dans le monde, il dit qu'ils ne font pas dignes d'être les efclaves de celui-ci.

c. 11. p. 426. E

Le troifiéme livre eft adreffé à un pere Chrétien, & le faint y décrit plus au long F'excellence de la vie monaftique. Il y dit hardiment que l'on voit aussi peu de moines fe relâcher, que l'on voit peu d'hommes réüsfir dans les études, & que ce qui renverfe tout le monde, c'est que l'on croit que la pratique exacte de l'évangile, ne regarde que les moines, & qu'il eft permis. 12. p. 430. C. aux autres de vivre negligemment. Il y rapporte une hiftoire remarquable d'un moine, qui à la perfuafion d'une mere vertueufe, voulut bien être le precepteur 10 de fon fils. Il le tira de la maison paternelle, & le mena dans une autre ville, fous pretexte d'étudier les lettres grecques & latines. Là ce jeune homme vivoit à l'exterieur comme les autres: il n'y avoit rien de farouche, ni de dur dans fes manieres, rien de fingulier dans fon habit, fon regard, le ton de fa voix ; mais chez lui on l'eût pris pour un folitaire des montagnes. Sa maison étoit reglée, fuivant l'exactitude des monafteres, n'aïant rien au delà du neceffaire. Comme il avoit l'efprit pénétrant, une petite partie de la journée lui fuffifoit pour l'étude des lettres humaines ; & il donnoit tout le refte à la priere continuelle, & à. la lecture des livres Zzz iij

e.Is. p. 436 C.

IX.

Autres ouvrages

me.

To. 4.

Soz. VIII. c. 2.

facrez: il y emploïoit même une partie de la nuit. Il paffoit toute la journée fans manger, fouvent deux jours & plus encore. Il dormoit dans un cilice, aïant trouvé cette invention pour se lever promptement. Il n'eût pû fouffrir que l'on eût parlé au dehors de fa maniere de vivre, car il étoit folidement vertueux; & fon precepteur lui avoit tellement imprimé le defir de la perfetion, que toute fa peine étoit de le retenir, & de l'empêcher d'aller dans la folitude. Mais il attiroit à Dieu plufieurs des jeunes gens qui étudioient avec lui. S. Chryfoftome rapporte cette hiftoire, comme l'aïant apprise du moine même qui s'étoit rendu precepteur. Il regarde la vie monaftique comme une école de vertu pour tout le monde: puifqu'il confeille à un pere d'y engager fon fils, dés qu'il fera en âge de pecher, comme à dix ans, & de l'y laiffer autant qu'il fera neceffaire, même dix ou vingt ans, aprés quoi il pourra le remettre dans le monde. Ce qui fait voir que ceux qui vivoient dans les monasteres, n'y étoient pas tous également en

gagez.

On voit toutefois par les deux difcours de faint Jean de S. Chrifofto- Chryfoftome à fon ami Theodore, que l'on ne regardoit pas comme une chofe indifferente, de quitter les exercices de la vie monaftique, pour rentrer dans le fiecle, & y mener une vie relâchée. Ce Theodore étoit illuftre par fa naissance, poffedoit de grands biens, avoit beaucoup d'efprit, écrivoit & parloit parfaitement bien: aïant fort étudié les reteurs & les philofophes. Quand il eut commencé à lire les livres facrez, & à frequenter les perfonnes pieufes; il imita leur maniere de vie, & fe fignala entre les folitaires. Mais il fuccomba bien-tot à la tentation, il rentra dans le monde, & penfa ferieufement à fe marier. Il prétendoit méme justifier sa con

« AnteriorContinuar »