mais il en va autrement de l'orient & de l'occident: car la révolution des orbes fe faifant fur les poles, les autres points qui environnent l'axe font variables, & dans quelque point que l'on veuille d'abord placer l'orient, tous les points le deviendront à leur tour par une fucceffion des parties de la terre dans chaque révolution. Si dond chaque partie du globe où fe leve le foleif eft appellée l'orient; chacune differant de l'autre dans fa longitude, il eft certain que chaque region aura un point different pour fon orient, puifque le foleil fe leve dans chacun fucceffivement.

Le fecond article fur quoi on établit la preéminence des terres orientales, je veux dire cette vertu fuperieure que l'on attache aux premiers rayons du foleil naiffant, femble un peu plus plaufible, Cependant on y trouve auffi des abfurdités que les fens tout feuls refutent d'une maniere invincible. Car 1°, par la même raifon que l'on foutient que les Indes font plus favorifées du foleil que l'Amerique, l'Amerique fera plus abondante que les Indes, & l'Angleterre ou l'Efpagne plus que S. Domingue, où la côte de Guinée, puifque le foleil fe leve plus tôt fur les premiers que fur les derniers, & l'on peut appliquer ce raifonnement à tous les peuples qui habitent le même parallele, ou qui font fitués dans une longitude très éloignée.

Une autre abfurdité infupportable; c'est que dans cette hypothefe une region feroit plus abondante qu'elle-même. Car fi les Indes font plus fertiles que l'Efpagne, par ce qu'elles font plus orientales, & qu'elles reçoivent les premiers rayons du foleil ; l'Espagne par cette raifon aura le même avantage fur l'Amerique; & l'Amerique fur les Indes; enforte que l'Efpagne fera inferieure à une region qui fe trouvera furpaffée par une autre inferieure à elle,

Prétendre enfin que le foleil donne quelqu'avantage aux regions qu'il éclaire les premieres, c'eft l'accufer de partialité. Comme il est également éloigné de la terre à l'orient & à l'occident, il faut, ainsi que Bohece l'a remarqué, & que Scaliger l'a prouvé, que fes influences foient égales. C'est ce qui a déterminé quelques-uns à tranfporter cette prérogative au pouvoir des étoiles, dont ils ont fait préfider quelques-unes à certaines regions. Ainfi Cardan approprie particulierement la queue de la grande ourfe à l'Europe, quoiqu'il foit vrai que dans l'efpace de 24 heures elle parcourt l'Afie & l'Amerique. Mais on ne doit pas attribuer de femblables effets aux étoiles, puifqu'elles produiront toujours les mêmes effets dans tous les climats qu'elles regardent également.

Il faut donc chercher des caufes plus

prochaines des differentes productions felon les divers climats; & nous ferons, je croi, mieux fondés à les attribuer à la difference du climat & du terrain; car les révolutions du foleil étant regulieres, il communique également fes rayons à tous, & les garde partout felon fa pofition actuelle. Ce que je dis a lieu non feulement par rapport aux pierres précieufes, aux mineraux, aux métaux, mais encore par rapport aux plantes, aux animaux dont quelques-uns fe trouvent en differens pays, quelques autres dans une feule region, & d'autres enfin ne peuvent être transplantés. La main du Créateur a difpofé dès le commencement les principes de toutes choses avec une grande varieté, & leur a fagement affigné à chacune leur propre femence afin qu'elles puffent mieux remplir l'intention de leur efpece. Et fi elles ne trouvent pas des matieres bien propres pour leur nourriture, & leur accroiffement dans une matrice convenable, le foleil ne leur eft d'aucun fecours; & s'il manque quelque chofe à leur perfection, c'eft du concours de tous les autres élemens qu'elles reçoivent ce fecours. Car bien que quelques-uns s'imaginent que les puiffances céleftes cooperent avec les caufes inferieures, & qu'elles puiffent en effet influer fur la formation de toutes chofes, nous devons

croire cependant que ce font des agens par ticuliers qui decident de cette formation, & dont chaque chofe contient les principes. Ainfi le foleil qui en Angleterre contribue à la multiplication des grenouilles & des ferpens, ne produit point ces mêmes effets en Irlande, quoiqu'elle ne foit féparée de nous que par un petit bras de mer. Il paroît par-là que le foleil ne fait que cooperer avec les caufes préexiftentes, en avançant la formation des êtres, dont les formes font feminales.

On ne peut tirer aucun avantage en faveur de l'orient, de ce que les aftrologues tirent leurs horofcopes de l'afcendant, ou de la premiere maifon des cieux, dont le commencement eft vers l'orient; car l'af trologue ne regarde précisément que la premiere apparition du foleil fur l'horifon, & cela parce qu'alors cet aftre fait fentir fon pouvoir, & que dans l'idée fauffe de l'aftrologue il influe fur la vie de l'homme, & fur toutes les chofes qui en même-tems font animées par leurs caufes particulieres, & remontent fur leur horifon. Or il eft vrai que cet afcendant fe trouve relativement à l'orient; mais ce que nous avons observé n'eft pas moins vrai, je veux dire qu'il y a telle pofition de la fphere, fans aucun orient, d'où l'aftrologue puiffe calculer ses afcendans. En effet dans la fphere parallele,

fix maifons font toujours abaiffées, & fix autres ne fe levent jamais. Les planetes mêmes dont les révolutions font plus promptes, & dont les aftrologues eftiment davantage les influences doivent nécessairement ne pas trouver leur compte à cette pofition; car elles fourniffent la moitié de leur course au deffous, & l'autre moitié au dessus' de l'horifon; enforte que pendant fix ans entiers perfonne n'aura le bonheur de naître fous la conftellation de Jupiter, & pendant 15 ans fous celle de Saturne.

Ariftote, à la verité loue la fituation des villes qui font tournées vers l'orient; mais s'il préfere cette fituation à toute autre, c'eft uniquement parce que les premiers rayons du foleil rendent l'air plus falubre en diffipant les brouillards qui s'étoient élevés pendant fon abfence. C'est par le même motif que Varron place fa maison de campagne vers le lever équinoctial du foleil, & que Palladius confeille d'en tourner l'entrée de maniere qu'elle reçoive les rayons du foleil levant en hiver fur le premier angle, & qu'elle foit un peu détournée du foleil couchant de la même faifon. Columelle eft du même fentiment, car il veut qu'une maison de campagne foit fituée de maniere qu'elle ait des appartemens d'été, & des appartemens d'hiver; il veut que ceux-ci foient expofés au foleil levant de la