frique, le fleuve Niger furpaffe le Nil de dix degrés en longueur, c'eft à dire de plus de 200 lieues; car le Niger prend la fource au delà de la ligne équinoctiale, il s'étend environ 15 degrés en deçà, coule enfuite S fans détour vers l'occident environ 40 degrés, & fe décharge enfin par plufieurs grands canaux dans l'Ocean occidental, D'ailleurs il y a d'autres fleuves qui furpaffent celui-ci finon en longueur, du moins en largeur & en profondeur. Arrien donne la primauté au Gange, & fuivant les rela tions modernes, il eft & plus large, & plus profond. Car au deffous de Syene, d'Afna, ou plus loin vers fa fource le Nil eft fort étroit; & l'hiftoire des turcs nous appiend que la cavalerie tartare de Selim le paffa à la nâge au Caire, pour joindre les for, ces de Tonumbée. Baptifte Scortia dans un traité qu'il a fait fur le Nil, donne la préference à la riviere de Plata en Amerique. Celle-ci, felon Maffée, pénetre jufqu'à 40 lieues dans l'Ocean, où elle coule avec tant de rapidité que les navigateurs en découvrent l'eau douce, avant que de pouvoir découvrir la terre ferme, Le Nil le cede encore à l'Oregliana dans le même continent. Selon Cardan c'est le plus grand fleuve du monde que l'Oregliana. Il eft navigable la longueur de 6000 lieues, dit Magin, & fon embouchure à go lieues de

large. Acofta témoin oculaire affure que ceux qui navigent au milieu, ne découvrent la terre ni à droit ni à gauche. On l'appelle aujourd'hui la riviere de faint Lau

rent.

2o Ce qui a donné naiffance à cette opinion, c'eft l'eftime qu'en faifoient les anciens, eftime fondée fur ce que la fource en étoit inconnue; car les chofes paroiffent toujours plus grandes à mefure qu'on les connoit moins, & le proverbe a inf niment augmenté l'idée qu'on en avoit, outre que c'est une chofe naturelle que de regarder comme impenétrable ce que toute l'application humaine n'a pu décou vrir. Il eft encore d'ufage que l'on nomme le plus grand ce qui eft grand, quoiqu'il ne puiffe y avoir qu'une feule chofe telle dans chaque efpece. Ainfi les latins appelloient Rome la plus grande ville du monde, mais le tems & les geographes nous ont ap pris que le Caire eft bien plus grand, & que la ville de Quinfai dans la Chine eft plus grande encore. Ainfi les grecs difoient de I'Olympe que c'étoit la plus haute des montagnes, & que fa cime touchoit les cieux; mais les geographes mettent beaucoup au deffus les Andes du Perou, ou le pic de Tenerif dans une des Canaries; & nous apprenons récemment d'un voyageur qui a examiné l'Olympe avec attention,

qu'il y a plufieurs pointes des Alpes qui le furpaffent en hauteur. Ainfi on a toujours crû, & l'on croit encore que le roitelet eft le plus petit des oifeaux; mais les découvertes de l'Amerique en ont fait voir un beaucoup plus petit, & qui n'est pas plus gros qu'un cerf volant.

Et comme il eft difficile de prononcer fur le plus grand & le plus petit dans les chofes vifibles, il l'eft de même d'entendre ces deux extrêmes dans les chofes invisibles; ainfi n'eft-il pas aifé de concevoir ce que c'eft que la matiere premiere, & les relations de ce qui confine au néant; mais il eft veritablement impoffible de comprendre ce que c'est que Dieu qui eft tout en toutes chofes. Car à mesure que les êtres montent vers la perfection, & s'approchent de la divinité, ou qu'elles defcendent ver l'imperfection, & s'approchent du néant, elles ne tombent fous nos fens que d'une maniere imparfaite; comme fi les uns étoient trop foibles pour nos conceptions; ou que nos conceptions fuffent trop foibles les autres.

pour

3o Les opinions font auffi partagées fur les débordemens du Nil. On fontient fans fondement legitime que ce débordement annuel lui eft particulier, & le contraire eft prouvé par ce qui arrive à d'autres rivieres de l'Afrique même. Le Niger, & le

Zain fe débordent auffi vers la même faifon, auffi bien que les rivieres de la Suama, & du faint Efprit qui font au delà des montagnes de la lune. Le débordement lui eft encore commun avec quelques rivieres de l'Europe & de l'Afie, comme celle de Menan aux Indes, le Drina en Livonie, au rapport de Botero; & le Jourdain dans la Palef tine; car l'écriture dit que le Jourdain fe déborde au tems des moiffons, Les effets à la verité en font partout furprenans; mais on en connoit mieux les caufes fur les lieux où à la fource même. Plufieurs ont fait tous leurs efforts pour découvrir celle du Nil, & quelques-uns défefperant d'y réuffir fe font bornés à dire que c'étoit une providence de Dieu qui par des moyens obfcurs a mené toutes chofes à leur fin. D'autres ont pénétré la verité par rapport à ces débordemens, & l'on peut s'en tenir à ce que difent Diodore, Seneque, Strabon &c. qu'ils étoient caufés par les pluyes abondantes qui tomboient dans l'Ethiopie, & qui prenoient leur cours vers la fource de cette riviere; car les inondations du Nil arrivent dans le tems que les éthiopiens ont l'hiver ; & quoiqu'il n'y foit point abfolument froid, parce que le foleil n'eft pas plus éloigné d'eux dans le figne du cancer, qu'il l'eft de nous dans Je e figne du taureau, ils ont pourtant une

faifon,

faifon, où l'ardeur du foleil eft fi temperée qu'elle fuffit à élever des vapeurs qui produifent dans la fuite des pluyes abondantes. Cette idée des anciens eft confir mée par Francifque Alvarez qui a demeuré long-tems en Ethiopie, & qui dans la defcription qu'il nous en a laiffé assure que depuis le 15. juin jufqu'au mois de feptembre il ne ceffoit d'y pleuvoir; & par Antoine Ferdinand qui dans une lettre écrite de ce même pays & citée par Codignus, dit que pendant l'hiver il ne s'y paffoit aucun jour fans pluye.

D'ailleurs il est très ordinaire de changer une qualité remarquable dans une qua lité finguliere, & de croire parce qu'elle nous femble merveilleufe qu'elle ne fe trouve point en d'autres fujets. C'eft ainfi qu'en genéral on croit que l'Irlande jouit du privilege fingulier de ne renfermer en fon fein aucune forte de bêtes venimeuses; mais on fçait que la même chose a été dite de l'île de Crete à qui les anciens accordoient encore le privilege d'avoir donné naiffance à Jupiter; auffi bien que de la petite île Evifa près de Majorque dans la Mediterranée. Les voifins du mont Etna n'imaginent pas qu'il y ait d'autres montagnes qui vomiffent des flammes; mais les navigateurs nous ont appris qu'il y a un pareil volcan en Iflande, un autre plus

Tome II.

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