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fieurs princes ont entrepris de couper l'ifthme, ou la langue de terre qui fépare la Mediterranée du golphe Arabique; mais il n'eft pas aifé de déterminer l'endroit où l'on avoit entrepris de le couper. Il y en a beaucoup qui affurent que le but n'étoit pas de joindre ces deux mers, mais de faire un canal de communication entre la mer rouge & le Nil, comme on en voit encore des veftiges. Le projet fut commencé par Sefoftris, continué par Darius, & abandonné par tous deux, parce qu'ils craignirent de fubmerger le pays, mais il fut en quelque maniere executé par Ptolemée Philadelphe. Et c'eft par ce canal que le grand feigneur fait paffer fes galeres du Nil dans la mer rouge. Il les fait remonter jufqu'au Caire où on les démonte, & d'où on les tranfporte fur des chameaux, après quoi on les raffemble au port de Sués ; & c'eft ainfi qu'il a executé le projet que fit Cléopatre après la bataille d'Actium.

que

Le proverbe percer l'ifthme ne doit donc pas fon origine à cette entreprise; il la doit, felon Erasme, à plusieurs autres comme à celle des cnidiens, & principalement à celle de l'ifthme de Corinthe plufieurs empereurs tenterent inutilement de percer. Les cnidiens abandonnerent leur projet fur l'ordre d'Apollon qui leur déclara que fi les dieux avoient approuvé

un femblable deffein, il en auroit lui-même fait une île dès le commencement. Mais une pareille raison ne feroit pas goûtée de ces genies entreprenans qui s'évertuent pour procurer aux hommes des avantages que la nature leur a refufés ; & les mauvais fuccès de quelques-uns n'effrayent pas ceux qui fçavent que plufieurs îles ont été faites par la main des hommes; que la mer a d'elle-même percé quelques langues de terre. Et fi la politique des princes ne s'y oppofoit pas, de quelle utilité ne feroitil point de percer l'ifthme de Panama à Porto Bello dans l'Amerique? comme il n'eft que de peu de lieues, l'execution feroit facile, & l'on ouvriroit aux navigateurs un chemin bien plus court pour aller aux Indes & à la Chine.

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CHAPITRE IX.
De la mer Rouge.

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Ly a divers fentimens par rapport la mer Erythrée, ou la mer Rouge. La plûpart s'imaginent que fes eaux font en effet rouges, & que c'eft ce qui lui a donné fon nom. D'autres aussi peu fondés croyent qu'elle n'a aucune rougeur, & vont chercher ailleurs des raifons de fa dénomination. Mais pour en donner une idée jufte, il eft bon d'avertir qu'independamment de

fa couleur, elle fe nomme auffi le golphe Arabique. Les hébreux qui devoient la connoître l'appellent Zuph, c'est à dire mer des rofeaux, parce qu'ils y en trouverent, lorfqu'ils la pafferent miraculeufement. Les turcs qui en font aujourd'hui les maîtres, ne la connoiffent que fous le nom de golphe de la Mecque.

Les anciens veulent tous que ce foit le roi Erythrus qui lui ait donné fon nom, & non pas fa couleur rouge qu'ils nient formellement : ab Erythro rege inditum est nomen, propter quod ignari rubere aquas credunt, dit Quint-Curce. Philoftrate & Sabellicus auteurs plus moderne s'expriment en termes également précis: stulte perfuafum est vulgo rubras alicubi effe maris aquas, quin ab Erythro rege nomen pelago inditum. Pline, Solin, Dion Caffius font du même fentiment; quoiqu'ils ne foutiennent pas que la mer Erithrée n'ait abfolument aucune rougeur, ils en tirent auffi l'étymologie du roi Erythrus.

D'autres ont peut-être eu la même idée, lorfqu'ils ont fubftitué au nom du roi Erythrus, celui d'Efau, ou d'Edom , parce qu'Efau s'étoit établi fur les côtes de cette mer. Or il faut obferver qu'Edom & Erythrus font une même perfonne, & que la mer rouge, ou la mer d'Idumée n'eft que la même mer. Et la pofterité d'Edom s'étant retirée vers la mer Mediterranée,

on les appella dans le vieil langage des grecs pheniciens, ou hommes rouges, comme une de leurs colonies qui fe fixa enfuite dans une île près des côtes d'Espagne, fut par les grecs Erithra felon Stra

nommée

bon & Solin.

du

Il y en a beaucoup qui fans s'arrêter à l'étymologie croyent que cette mer eft veritablement rouge, & qu'elle tire cette couleur de fon lit, & des eaux qui s'y déchargent. Tels font ceux d'entre les chré tiens qui concevant que le paffage des enfans d'Ifrael par la mer rouge, a été un type baptême, felon cette expreffion de S. Paul: tous furent baptifés en Moyfe dans la nuée, & dans la mer, fe font imaginé que le type répondroit mieux au fang de J. C. s'il étoit d'une couleur convenable au myftere. En quoi ils ont fuivi S. Auguftin qui dit: Significat mare illud rubrum baptifmum Chrifti, unde nobis baptifmus Christi, nifi fanguine Chrifti Confecratus?

Mais plufieurs modernes en ont appellé au témoignage des fens, & ont enfin décidé que la mer Erythrée avoit une couleur rouge, mais non pas telle qu'on l'entend ordinairement. Walter Raleigh, fait confifter cette rougeur dans la réflection qu'elle reçoit de quelques îles rougeâ tres, & dans la couleur de fon propre fonds, où il croît beaucoup de corail, & d'où

l'on en apporte une grande quantité en Europe. Albuquerque, Etienne de Gama, & Jean de Bairros, felon Ferdinand de Cordoue, attribuent cette rougeur à la couleur du fable, & de la terre argilleufe du fonds. Comme cette mer n'eft pas fort profonde, on remarque lorfque le foleil luit, & qu'elle eft agitée, une couleur rou geâtre fur la fuperficie; mais on s'affure que la rougeur n'eft qu'aparente, fi l'on puife de cette eau aux endroits où elle paroît le plus rouge; alors on verra qu'elle ne l'eft pas plus que celle des autres mers. Il y a même des endroits où elle paroît très verte, comme en d'autres endroits elle paroît d'une autre couleur, suivant celle de fon fonds. Et c'eft en ce fens que l'on peut ajoûter foi à Philoftrate, lorf qu'il dit que cette mer eft bleue, ou à Bellon, lorfqu'il nie fa rougeur, parcequ'il ne la remarqua point à Sués; ou à Corfalius, parce qu'il ne l'apperçut point

à fon embouchure.

Il eft à propos maintenant d'inftruire le lecteur d'une chofe que la plupart des auteurs ont négligée, & qui n'a peutêtre été fçue que d'un petit nombre, c'eft qu'il y a une autre mer rouge nommée ainfi pour des raifons differentes, c'est le golphe de Perfe, ou la baye qui fépare la Perfe d'avec l'Arabie, fuivant la def

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