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là même ils attribuent quelque raison de cette difference à l'air, au terrain, & à la riviere.

2° Si nous voulons que ce foit le soleil qui produife cet effet, ou qu'il y contribue beaucoup, ce que nous ne nions pas abfolument, pourquoi ne le remarque-t-on pas dans les animaux qui croiffent dans le même climat? pourquoi fi la chaleur du climat noircit les hommes, les lions, les éléphans, les chameaux, les cygnes, les tigres, les autruches confervent-ils leur couleur, après même qu'ils ont paffé deux étés en Ethiopie puifqu'ils participent aux mêmes influences du foleil que les hommes, ils devroient participer aux mêmes effets. Car aux climats froids non feulement les hommes font blonds & blancs, mais il y a plufieurs animaux qui る vivant en plein air perdent leur couleur naturelle, & deviennent blancs, de noirs, bruns, ou roux qu'ils étoient. Olaus Magnus nous apprend que les renards blanchif fent après l'équinoxe de l'automne, & Michovius que les liévres & les perdrix blanchiffent en hiver : ainfi le proverbe d'un corbeau blanc n'a point lieu dans les climats feptentrionaux.

3° Si la chaleur du foleil, & Pintemperie du climat produifoient feules cette couleur, il eft certain que le changement Tome II. S

de climat cauferoit un changement sensible & prefque total, ce qui pourtant est démontré faux par l'experience. Car bien que l'on tranfporte des négres en des climats froids, ils confervent pourtant leur couleur, & cette couleur fe perpetue, & ne s'altere en rien dans leurs enfans, à moins qu'ils ne fe mêlent avec des blanches, & même en ce cas ils n'ont qu'un moindre degré de noirceur. Ce que je dis eft très connu dans les états du grand feigneur. Mais on n'en reconnoît mieux la verité parmi ces maures qui furent tranfportés il y a plus de cent ans au Brefil, & dont la pofterité est toujours la même pour la couleur. De même que l'on tranf porte des blancs en des climats chauds, ils conferveront à peu près leur blancheur, comme on l'a remarqué de plufieurs européens transportés au pays des négres, & comme le rapporte Edouard Lopez des colonies efpagnoles, lefquelles ont confervé fur les côtes d'Afrique leur teint nazurel.

4° Si la chaleur du foleil étoit l'unique caufe de la noirceur des éthiopiens ou des négres, il fuivroit de là que tous ceux qui habitent dans la même latitude, qui font également proches du foleil, dont les jours font égaux, & fur qui les rayons du foleil tombent de la même maniere, devroient

être de la même couleur, ce qui n'eft pas. Car il y a des peuples en Afie comme ceux de Cambaye & de l'île de Java qui font au même degré de latitude, & qui ont un teint different. Et voilà ce qui a fait croire à plufieurs que tous les noirs font originaires d'Afrique, & que les noirs qui font maintenant en Afie, comme ceux de Madagafcar & des îles voifines font des peuplades des noirs d'Afique. Les americains ne font noirs ni au deux tropiques ni aux environs, ni ceux qui habitent la partie meridionale du Brefil, du Chili, & du Perou, ni ceux qui habitent la partie oppofée, comme S. Domingue, Caftilio, Nicaragua. Quoiqu'il y ait en toutes ces regions beaucoup de noirs, on fçait qu'ils n'en font point originaires, & qu'ils y ont été tranfportés depuis la découverte de l'Amerique.

5° Nous ne pouvons affurer que ce teint foit particulier aux nations qui font les plus voifines du foleil; car dans l'Afrique même il y a des noirs fous le tropique meridional, mais fous, ou près le tropique feptentrional, les peuples n'ont pas tous la même couleur. Les peuples de Gualata, les agades, les garamantes &c. qui font tous fous le tropique feptentrional ne font des négres. Mais de l'autre côté vers le cap Negro, Cefala, & Madagascar, ils font d'un noir de jais.

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Si nous difons que le foleil eft plus ardent fous le tropique meridional, parce que perigée fe trouve au figne du capricorne, & qu'ainfi le foleil approche plus de ces terres, nous ne réfoudrons point la difficulté. Et fi l'on vouloit conclure que le foleil a un pouvoir fuperieur à cause de fa proximité de la terre; nous conclurions que fa vertu doit plus fe faire fentir dans l'hemifphere feptentrional, & dans fon apogée, parce que fon mouvement eft moins prompt, & fa révolution plus longue. En effet, quoiqu'il acheve fa révoIntion dans l'efpace de 365 jours, quelques heures, & quelques minutes, fon mouvement eft pourtant inégal à cause de fon excentricité, & fon cours eft plus long dans l'hemifphere feptentrional, que dans l'hemifphere meridional; car il parcoure celui-ci en 176 jours, au lieu qu'il en met 187 à parcourir celui-là, ce qui fait onze jours de difference. Auffi le plus grand jour pour les terres feptentrionales, lequel eft en cancer, eft plus long que le plus grand jour des terres meridionales, lequel eft en capricorne. D'ailleurs nous ne pourrions conclure tout au plus qu'une égalité de chaleur dans les deux tropiques, mais non pas une égalité d'effets fur d'autres chofes également foumises à fon pouvoir. Car il approche également des americains; fans

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qu'ils reffentent les mêmes effets. Rejetter cette difference fur la canicule, c'eft ne rien avancer; car les mêmes raifons demanderoient qu'elle influât également fur l'Afrique, & fur l'Afie. Et quoiqu'elle ne foit verticale à aucune partie de l'Afie, & qu'elle ne faffe que cotoyer la terre inconnue, elle n'en eft pas moins verticale en paffant fur le Perou & fur le Brefil.

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Go Une chose remarquable, eft que bien au delà du tropique meridional, au cap de bonne efperance qui eft au 36 degré de latitude, où les chaleurs doivent être temperées, les peuples y font noirs au lieu qu'en Amerique, & au même degré de latitude, feptentrionale ils font blancs, & qu'en Europe ceux de Candie, de Sicile, & de quelques provinces d'Efpagne font au plus olivâtres.

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7° On fe perfuade enfin qu'il n'y a point de peuple qui foit plus brûlé par le foleil les africains, à caufe de la fechereffe de la terre, & de la rareté des eaux ; mais ; nous allons montrer l'infuffifance de cette raifon. Et d'abord, les régions occupées par les négres ne font pas fi dépourvues d'eau qu'on le dit. Car au delà des montagnes de la lune dans le Zanguebar on trouve les grandes rivieres de Suama, & de Spirito fanto, & au deça le Zaire, le Nil, & le Niger qui rafraîchiffent l'air par leur

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