exhalaifons, & humectent les terres par leurs débordemens annuels. D'ailleurs dans cette partie de l'Afrique laquelle eft fituée entre les deux tropiques, fans rivieres, fans débordemens, & qui n'eft qu'une mer de fable; dans cette région fi aride, que les voyageurs font obligés de faire porter fur des chameaux leur provifion d'eau, parce qu'ils feroient fouvent plufieurs jours fans en trouver, dans la Libye enfin les peuples ne font ne font pas noirs ; & Ptolomée les nomme leuco-athiopes, ou les maures pâles & olivâtres. Il eft vraisemblable que cette opinion vient de ce que l'on a obfervé que la chaleur, le feu, la fumée produifent communément une noirceur fenfible. C'eft pour cela que les anciens regardoient la zone torride comme inhabitable, & croyoient par conféquent que les peuples qui en font voifins ne pouvoient manquer d'être noirs. Mais la geographie moderne a fait voir combien ils fe trompoient fur cet article, puifque là même, ainfi que nous l'avons déja remarqué; il y a des peuples qui ne font pas tout-à-fait noirs. J'ajoute qu'il est douteux que le foleil puiffe produire cet effet; il peut bien obfcurcir la couleur des êtres vivans; ou noircir les chairs mortes mais il n'eft pas également décidé qu'il puiffe noircir des êtres dont les parties font - fucceffives, & dans un changement continuel. Ce n'eft donc point le foleil qui produit cette couleur, du moins je croi l'avoir ren du probable; mais quand ces peuples ont-ils commencé d'être noirs, c'est encore une enigme; & il y auroit de la présomption à vouloir fixer une pareille époque. Mais puifque nous en ignorons la caufe phyfique, effayons d'en affigner qui foient vraifem blables. Examinons d'abord fi la boiffon de certaines eaux n'auroit point pû produire cet effet. Nous trouvons des exemples femblables dans Ariftote, dans Strabon dans Pline. Telles étoient deux fontaines de la Béotie, dont l'une blanchiffoit les moutons, & l'autre les noirciffoit; telle étoit encore l'eau de Siberis qui rendoit noirs les bœufs, & les hommes même, dont elle noirciffoit & la peau, & les cheveux. Voilà du moins quelle fut l'idée d'Ariftobule, qui ne pouvant comprendre que le foleil peut produire l'effet dont nous recherchons la caufe, aimoit mieux l'attribuer aux eaux. 2° On pourroit auffi concevoir que cela fe fit au commencement de la même maniere que les moutons de Jacob prirent differentes couleurs, c'est à dire par le pouvoir de l'imagination. Car on rapporte plufieurs faits femblables, qui ne peuvent être révoqués en doute. Hippocrate fait mention d'un homme qui ayant attentivement regardé un tableau, engendra un négre. Heliodore parle d'une reine maure qui pour avoir confideré un tableau qui repréfentoit Andromede conçut & mit aumonde un enfant blanc. On pourroit donc rapporter l'origine de cette noirceur à une cause semblable; enforte que l'imagination ayant d'abord influé fur la femence, & trouvant dans le climat une disposition favorable, l'effet fut perpetué. C'est ainfi que Plotin explique l'origine des paons blancs, & que plufieurs attribuent à l'abondance des neiges qui tombent dans les régions feptentrionales, & qui y durent long-tems la blancheur des faucons, des vautours, & d'autres animaux. Et S. Auguf tin va jufqu'à croire que Satan employa cette méchanique pour faire que les égyptiens euffent toujours un bœuf blanc, qu'ils adoraffent fous le nom d'Apis. 3° Cette noirceur pourroit avoir les mêmes principes que ceux à qui nous voyons produire certaines jauniffes; enforte que ces principes fe trouvant combinés avec d'autres caufes de même nature ils auroient produit comme par degrés cette noirceur qui n'avoit eu que de foibles commencemens. Ce qui rend ceci plus vraisemblable, eft que pareille chofe eft arrivée arrivée en des organes entiers, & que cette alteration a paffé aux defcendans, & s'est même augmentée de génération en génération. Telle fut l'origine des macrocephales, ou des hommes à longue tête, dont Hippocrate parle en ces termes : Cum primum editus eft infans caput ejus tenellum manibus effingunt, & in longitudine adolefcere cogunt; hoc institutum primum hujufmodi natura dedit vitium, fucceffu verò temporis in naturam abiit, ut proinde inftituto nihil amplius opus effet ; femen enim genitale ex omnibus corporis partibus provenit, ex fanis quidem fanum, ex morbofis morbo(um. Si igitur ex calvis calvi, ex cacis caci, & ex distortis ut plurimum diftorti gignuntur,eademque in cateris formis valet ratio, quid prohibet cur non ex macrocephalis macrocephali gignantur. C'est ainfi qu'au rapport d'Ariftote les cerfs d'Arginufe avoient les oreilles fendues, parce qu'on les avoit auparavant fendues à quelquesuns. C'est ainsi que les chinois ont les pieds petits; la plupart des négres des nés plats, & de groffes lévres ; & que plufieurs efpagnols defcendus des maures de Barbarie, quoiqu'ils fe foient fouvent mélés depuis avec d'autres races, font encore plus ou moins camus. Ceux que nous appellons bohêmes fe noirciffent en fe frottant avec du lard & des huiles, & s'expofant enfuite au foleil, On a remarqué que les maures de la Guinée Tome II. T s'humectent fouvent la peau avec des fubftances graffes & huileufes, pour diminuer la démangeaifon que la fechereffe caufée par l'ardeur du foleil, leur feroit fouffrir autrement. Ne fe pourroit-il pas que cet ufage eût contribué à leur noirceur, & qu'enfuite elle leur fût devenue naturelle: Enfin, fi l'on vouloit abfolument que nous expliquaffions comment & en quel tems cette partie de la pofterité d'Adam a commencé de prendre cette couleur noire, nous répondrions qu'elle devint noire de la même maniere que certaine espece de renards, d'écureuils, de lions, tels qu'on en voit des efpeces entieres dans plufieurs régions, devinrent noirs eux-mêmes : que certaines perdrix commencérent à avoir le bec & les pattes rouges; changemens qui paroiffent devoir fubfifter, quelqu'en ait été l'origine. Si l'on nous preffoit encore pour expliquer la maniere de ces changemens, nous avouerions que dans les faits d'une grande antiquité, il eft impoffible de rien statuer, à moins qu'ils n'ayent été foigneufement détaillés dès le commencement. De même fi l'on demandoit comment les animaux furent difperfés dans les differentes parties de la terre après le deluge, & comment ils avoient été raffemblés dans l'arche, la réponse ne feroit cer |