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E

tainement pas aifée, & l'on auroit de la peine à faire comprendre comment plufieurs efpeces d'animaux fe font trouvés dès le commencement en des îles, & principalement dans l'Amerique; ce feroit envain que l'on auroit recours à la philofophie pour expliquer comment les maux veneriens y ont commencé, puifque l'histoire garde für cet article un filence profond. Je fçai que lon attribue l'origine de ce mal à l'usage où étoient les americains de manger des hommes; mais fi nous en croyons Ptolomée, Strabon, Pline, il y a eu des cannibales dans les trois autres parties du monde. Et fi Moyfe ne nous avoit pas inftruits fur ce qui regarde la confufion des langues, s'il ne nous avoit appris nettement qu'elle commença au tems de la conftruction de Babel, les dif putes n'auroient jamais fini fur cette matiere, & peut-être auroit-il fallu attendre le retour du prophete Elie pour avoir fur cela des éclairciffemens.

que

Que fi l'on infifte davantage, je demande à mon tour pourquoi les chanieaux de la Bactriane ont deux boffes fur le dos, tandis fuivant la relation de tous les voyageurs ceux de l'Arabie n'en ont qu'une? comment & quand les boeufs de certains pays ont commencé & continuent d'être boffus? d'où eft venue la prodigieufe dif

ference des chiens, dans leur forme, dans leur couleur, dans leur nature? pourquoi il s'en trouve en certains pays, lefquels n'ont point de poil, tandis que d'autres en ont une grande quantité ? pourquoi les lievres des Indes ont de longues queues, tandis qu'ailleurs ils n'en ont prefque point? pourquoi dans l'Illyrie les cochons, au témoignage d'Ariftote, n'ont point les pieds fendus comme dans les autres régions, & fuivant la defcription qu'en fait Dieu lui-même : ce qui doit beaucoup furprendre ceux qui reconnoiffent qu'il n'y avoit dans l'arche qu'une feule paire d'animaux impurs; car ils font forcés de recourir ici à des caufes inconnues.

Mais de quelque maniere que cette couleur ait commencé, il eft évident qu'elle fe perpetue par la genération; & que la noirceur de la peau opere de genération en genération comme un principe feminal: enforte que les étrangers ne prennent point la couleur dont il eft queftion, en demeurant dans le pays des négres, & que ceux-ci ne la perdent point en des terres étrangeres, à moins qu'il n'intervienne un mélange de quelqu'autre nation; encore ce changement n'arriveroit-il qu'après plufieurs genérations. Et, fuppofé le fait veritable, ceci pourroit être confirmé parce que Magin & beaucoup d'autres rapportent

de l'empereur des abyffins qui étant def cendu de Salomon n'a point encore pris la couleur de ses sujets. Mais bien que nous concevions que le principe de la couleur des maures foit feminal, nous ne fommes pourtant pas de l'avis d'Herodote qui croyoit que leur femence étoit noire : Ariftote a refuté cette opinion, & les fens en ont confirmé la fauffeté. Ce qu'avance ce philofophe eft probable, je veux dire que la femence de tous les animaux eft blanche; & c'est un fait inconteftable par rapport à ceux qui produifent vivans leurs femblables, à ceux encore qui ont des tefticules & des vaiffeaux où fe prépare la femence, car elle y acquiert une blancheur fenfible. Ce même fait m'a paru certain auffi par rapport aux poiffons, & même à la femence des plantes qui renferment la plûpart, même fous des gouffes noires une fubftance de couleur blanche, comme on le voit dans la graine des oignons, de la pivoine &c. Je ne dirai pas qu'il en foit de même par rapport aux grenouilles & aux écreviffes de mer à longue queue, dont le fray eft blanc d'abord, mais fe noircit enfin ; & qui dans les écreviffes dont il est queftion répond à la couleur de leurs écailles, & dans les grenouilles, à celle du petit animal qui en fort, & fe forme enfuite en grenouille. La même chofe peut arriver

à la femence des négres qui de blanche qu'elle étoit d'abord, peut dans fon dévelopement prendre une teinture de noir. Du moins eft-il certain que non feulement leurs enfans qui viennent à terme, mais les avortons mêmes font noirâtres, quoiqu'ils n'ayent point encore fenti la chaleur, ou aucun des effets du foleil.

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Continuation du même sujet.

Ly a encore une autre opinion genéralement reçue fur le chapitre des négres, c'eft que leur couleur eft l'effet de la malé diction portée fur Cham leur ancêtre, parce qu'il avoit découvert la nudité de fon pere Noé. Mais fuivant cette explication, il y auroit bien d'autres peuples noirs que ceux que nous reconnoiffons tels; car l'effet de la malédiction n'aura pas dû tomber feulement fur les éthiopiens & ceux que l'on croit defcendus de Chus, il aura dû tomber encore fur les égyptiens, les arabes, les affyriens, les chaldéens car ces régions furent également peuplées par la pofterité de Cham. Et fi nous jugeons des voyages & des établiffemens de celui-ci par quelques paffages de Denys d'Halicarnaffe, de Macrobe, de Berofe, de Caton, nous pourrons chercher des noirs jufqu'en

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Italie, où pourtant il n'y en eut jamais.

2o La malédiction dont il s'agit ne fut pas prononcée contre Cham, mais contre Chanaan le plus jeune de fes trois fils'; en voici des preuves. La premiere eft fondée fur la tradition des juifs qui foutiennent que ce fut Chanaan qui découvrit la nudité de Noé, & qui la fit remarquer à Cham. La feconde preuve eft que fi Cham avoit été maudit, ç'eut été pour le crime d'un feul enveloper dans la même punition toute fa pofterité. Cham enfin fut épargné, parce qu'il avoit été beni auparavant. Or fi bornant la malédiction au feul Chanaan, nous penfons qu'elle fut accomplie dans fes descendans, nous faisons des fidoniens, des habitans de la Palestine autant de négres; car de Chanaan font fortis les chananéens, les jebufites, les ammonites, les gergazites, & les hivites.

&

3° En fuppofant que la malédiction regarde un des fils de Cham, qui nous déterminera dans le choix des trois ? car leur pofterité n'eft pas exactement diftinguée; & l'on ne peut affurer duquel font defcendus les éthiopiens. Quoique ceux d'Afrique paffent ordinairement pour defcendre de Chus fils ainé de Cham, cette

opinion n'est pas facile à prouver. Car la terre de Chus que les feptante rendent par la terre d'Ethiopie, n'eft point une

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