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defcend fur les épaules des ânes eft un present fait à la race entiere, parce qu'un âne a porté le Sauveur. Toutes ces idées font plus ridicules que celles de fympathie, d'antipathie, & de qualités occultes; car en ce dernier cas on ne fait que renvoyer les effets à leur caufe genérale & primitive; au lieu que dans l'autre on veut pallier fon ignorance.

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CHAPITRE XI I.

Digreffion fur la noirceur.

E vais effayer maintenant de donner quelqu'idée de la noirceur; peut-être ne rencontrerai-je pas mieux que ceux que j'ai refutés; mais je m'appuyerai du moins fur des faits & des experiences, & je déduirai les caufes de la noirceur de ce que nous connoiffons dans la nature qui peut être rendu noir par artifice. L'art eft une imitation de la nature, une expreffion fenfible d'effets qui ont les mêmes causes, quoiqu'un peu plus éloignées. Ainfi les ope rations de l'art peuvent fervir à déveloper les operations de la nature. Et bien que les couleurs ne viennent peut-être que des differentes modifications de la lumiere, j'espère démontrer qu'il y a certaines matieres qui difpofent plus les corps à recevoir les couleurs particulieres.

1° Les corps font noircis par une matiere fuligineufe qui vient du fouffre des choses enflammées, & qui reffemble à la fuye. Par-là nous entendons, non toute excretion vaporeuse & humectante; mais ce qui, fuivant Ariftote, renferme toute féparation des corps par l'action du feu, feche, ou humide, & qui colore les corps. qui y font reprefentés. Ariftote, dans fes metéores en diftingue trois fortes qu'il tire des qualités du fujet; les exhalaifons des corps ligneux & fecs, tels que les os, les cheveux &c; & il les nomme xxvos fumée ; les exhalaifons des corps graiffeux, mais dont la graiffe n'eft point raffemblée, & ne fe manifefte pas; tels que la cire, les refinés, les therebentines; & il les appelle A fuligo, enfin les exalaifons des corps. onctueux dont la graiffe eft vifible, & celles-ci il les nomme sα, ou nidor. Or ces trois efpeces d'exhalaifons noirciffent les matieres qui leur font prefentées, & par là elles appartiennent à notre fujet.

Je dis les particules fulphureufes qui fortent des corps brûlés d'où refultent l'huile, la graiffe, & les parties onctueufes en quoi confiftent les principes de l'inflammabilité. Je ne dis pas le fouffre pur & rafiné, mais celui qui contient des parties terreftres, qui entraîne avec soi le sel volatile des corps, & que l'on diftingue au goût

dans la fuye. Je ne dis pas non plus le fouffre commun: car celui-ci ne donne prefqu'aucune noirceur fenfible, à moins qu'on ne lui prefente un corps métallique.

Je dis encore qu'il faut que ce corps foit brûlé, ou qu'il ait reçu quelque impreffion du feu. Tels font les corps noircis par accident, ou à deffein qui étoient naturellement d'une autre couleur. Tel eft le charbon de bois noirci par la fuffocation de fes propres exhalaifons. Tels font encore ces corps dont on dit adusta nigra, perusta alba, qui d'abord étant noircis par leurs exhalaifons fuligineufes, blanchiffent enfuite lorfqu'ils font abfolument brûlés, comme les cendres. C'eft ainfi que le feu purifie certains corps, parce qu'il consume les fouffres qui caufoient leur impureté & qu'il en nettoye d'autres que l'eau ne pourroit nettoyer. Le camphre qui eft blanc produit par fa fuye un noir foncé. Le goudron vient du même arbre que la refine; cependant il est noir parce que la refine diftille naturellement, & que le goudron eft exprimé par l'action du feu..

Ainfi de la vapeur des flambeaux, & de. la fumée des lampes on fait une forte de noir velouté; de la corne de cerf brûlée on fait une autre efpece de noir. Ainfi le lard fe noircit dans les cheminées. La langue, les dents, les excremens des ma

lades deviennent noirs dans les fièvres chaudes par l'impreffion de la bile enflammée. Un coup de foleil, ou un vent fec & boreal noirciffent les arbres & les grains. Les chairs cauterifées, gangrenées, ou fphacelées deviennent noires, parce que l'humide radical, ou le fouffre de vie s'y trouve éteint ou fuffoqué. Ce n'eft pas feulement le feu actuel qui noircit, mais encore tout ce qui a la vertu du feu; ni le feu ardent feul, mais encore une eau cauftique. Les cheminées & les fournaifes font communément noires, à moins que l'on n'y brûle un fouffre clair; car la fumée du fouffre ne noircit pas même le papier, & les femmes s'en fervent pour blanchir leurs gazes. Il produit cet effet par fon acide vitriolique, & l'efprit pénétrant qui en fort; & c'eft pour cela qu'il n'eft pas propre à allumer des matieres, pas même une chandelle, jufqu'à ce que cet efprit foit confumé, & que la flamme

touche le coton. C'eft cet acide & cet

efprit fi pénétrant qui font fi dangereux dans les operations chymiques, & d'autres operations. Ainfi l'on peut ajouter foi à Bellon, lorfqu'il dit que le charbon fait de bois de cedre aigu, oxicedron, eft blanc. Et le docteur Jordan en donne la raifon dans fon excellent traité des eaux minerales.; c'est dit-il parce que la vapeur du cedre eft

plus

plus fulphureufe que la vapeur de toutes
les autres fubftances combuftibles. Nous
voyons de même en Angleterre que le char-
bon de terre de Tinby loin de noircir le
linge expofé à fa fumée, le blanchit plus
tôt, parce qu'il eft plein de parties ful-
phureufes qui blanchiroient des roses rou-
ges. Ce n'est donc pas raifonner philofo-
phiquement que de concevoir dans l'enfer
une noirceur univerfelle, en même tems
que l'on
y établit des flammes de fouffre
pur puifque cela repugne aux effets na-
turels de ce mineral.

Telles font les noirceurs artificielles dont on peut trouver des analogies dans la nature. Tels font les effets des feux ordinaires, auxquels répondent, ceux des feux élémen taires. C'eft par le même méchanisme que l'on peut concevoir l'origine de la noirceur dans le bitume, le charbon, le jais, le plomb noir, & plufieurs terres minerales, qui ne font ou que des concretions fuligineufes de la terre, ou qui dès leur premiere formation ont fouffert une forte d'embrafement dans quelques-uns de leurs principes. De même le teint des hommes eft different felon leurs divers temperamens, & les transpirations qui en refultent, & ils font plus ou moins noirs à proportion qu'ils ont plus ou moins de cette humeur fuliEgineufe; & voilà peut-être la cause de la

Tome II.

V

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