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grande noirceur des éthiopiens, ou des négres.

Une autre caufe de la noirceur des corps, c'eft une qualité atramenteuse, ou une qualité vitriolique ou de couperofe jointe à une humidité terreftre & aftringente. Telle eft l'encre que l'on fait ordinairement avec de la couperofe fur une infufion de noix de galle. J'ai dit une qualité de couperose ou de vitriol; car le vitriol eft ce qui entre principalement dans la compofition de 'encre ; & je ne connois point d'autre fel qui opere cet effet fur l'infufion des noix de galle, car ni l'alum, ni le fel gemme, ni le nitre, ni le fel armoniac ne le produifent point. Or la couperofe artificielle dont on fe fert d'ordinaire eft un fel acre & rude que l'on tire des terres ferrugineufes, laquelle tient fur tout du fer & du cuivre, la bleue de celui-ci, & la verte de celui-là, & l'on diffout fouvent des morceaux de fer dans fa liqueur pour en aug-menter le poids par la concretion. J'ai dit encore une humidité aftringente ou terreftre, parce qu'autrement il n'en resulteroit aucune noirceur; car fi l'on jette de la couperofe dans une décoction de laitues ou de mauves, cette décoction ne deviendra point noire au lieu qu'elle prendra cette couleur, fi l'on y mêle quelque chofe d'aftringent, quand même on y

joindroit de l'huile, comme les couleurs des peintres ne permettent pas d'en douter. Mais comme dans la compofition de l'encre on n'employe d'ordinaire que la noix de galle qui eft une excrefcence du chêne il n'eft pas hors de propos d'avertir qu'en cela nous fommes plus tôt guidés par l'usage que par la raifon; car toute plante qui a des parties rudes & ftiptiques y eft également propre ; comme je l'ai experimenté dans la biftorte, les myrobolans, & le myrte du Brabant, les balauftes & les rofes rouges. Auffi la décoction de la plûpart des plantes aftringentes, de quelque couleur qu'elles foient, eft d'un rouge foncé, lequel devient noir fi l'on y jette du vitriol; & Diofcoride n'employoit point la noix de galle dans la compofition de fon encre; il fe fervoit de fuye avec la couperofe.

Or fi l'on examine en quelle partie du vitriol réfide cette vertu de noircir, on verra que c'eft principalement dans fon fel le plus fixe. Car le phlegme, ou l'évaporation aqueufe ne noircit pas, ni l'efprit de vitriol, parce qu'il eft impregné de fel volatile, & moins fixe. En effet fi l'on jette fur une décoction de couperofe & de noix de galle, de l'efprit ou de l'huile de vitriol, l'encre perdra fa couleur, les noix & la couperofe fe précipitant au fonds, & l'encre redevenant claire. Or

ceci ne fe fait pas fi facilement dans l'encre commune, parce que la gomme arabique que l'on y ajoute empêche la féparation de fes parties. Au contraire le vitriol rougi au feu, & fa lescive dans l'eau chaude font de bonne encre, parce qu'ils contiennent le fel fixe. Mais ce qui refte de la terre infipide loin de produire aucune noirceur, fert à faire un rouge commun. Et quoi que l'efprit de vitriol jetté fur une décoction de noix de galle ne produife point de noirceur, fi pourtant on le fixe de quelque maniere, & que l'on en refaffe du vitriol, il produira la noirceur comme auparavant. Si nous examinons encore de plus près par quelle qualité, ou quel principe le fel de vitriol communique cette couleur, nous trouverons que cela vient d'un principe métallique, & furtout du rapport qu'il a avec le fer. Car la couperofe bleue qui a plus de rapport au cuivre ne noircit que foiblement le verd de gris du cuivre ne noircit point du tout. Mais la limaille de fer infusée dans le vinaigre avec la décoction de noix de galle fait de bonne encre fans couperofe. On réuffira de même avec l'infufion de l'aiman à caufe de fa relation avec le fer. Et quoi que cette qualité ou vertu de noircir fe faffe plus remarquer dans le fer, nous ne la refufons pas abfolument aux autres métaux, dans les folutions

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defquels nous appercevons fouvent quelque - teinture de noir. C'eft ainfi qu'un citron, qu'un coin, ou une pomme aigre se noirciffent au moment qu'on les a coupés avec un couteau. La même chose arrive aux artichaux, & au fublimé battu avec du blanc d'œuf. C'est par la même raifon que l'eau forte noircit les corps auxquels on l'applique. La feule folution de couperofe noircit facilement le cuir tanné avec l'écorce du chêne. Les eaux minerales ferrées fe noirçiffent avec une infufion ou la poudre des noix de galle. L'acier infufé dans quelque liqueur la rend brune, & pris interieurement par des perfonnes d'un temperamment qui y ait rapport, il noircit leurs excremens. C'eft auffi par la même raifon que le mercure doux & les émetiques vitrioliques font fortir des matieres noirâtres. Mais il n'eft pas également certain fi cette vertu de la couperofe vient des parties ferrées, ou fi elle se rencontre dans le fer à caufe des parties vitrioliques qui

y

font attachées; ou fi les teintures noires tirées des corps métalliques ne procedent pas plus tôt des parties vitrioliques contenues dans leuf fouffre, puifque le fouffre commun même renferme beaucoup de vitriol. Mais quelque parti que l'on embraffe, il eft indubitable que le fer & le vitriol font les deux principales caufes de

la noirceur.

que

11 fe rencontre naturellement dans quelques animaux vivans une difpofition femblable. Ainfi cette humeur noire qu'Ariftote appelle θολος & l'on rend communément par encre, peut fe trouver dans un certain poiffon. Il en eft de même de certains fruits comme des grofeilles & des cerifes noires: ce qui leur donne la vertu de rafraîchir, de fortifier l'eftomach, & les rend, felon quelques-uns, d'excellens fpecifiques contre l'épilepfie. Cette qualité d'encre fe trouve quelquefois dans notre fang, lorfqu'il s'y rencontre des acides, que les uns nomment acetum, & les autres vitriolum, en même tems qu'il y a d'autres parties difpofées à recevoir une impreffion de noirceur. Et feroit-il impoffible que la couleur des négres ait eû une femblable origine?

Ce que nous difons qu'il y a dans les corps vivans des parties vitrioliques & même du vitriol, ne doit furprendre perfonne. Car dans tout ce qui eft terreftre il y a un fel acide & ftiptique répandu, & ce fel étant reçu dans les plantes par la vegetation, s'adoucit, & devient plus agréable au goût. Cela même eft un vitriol vegetable qui donne à plusieurs plantes & à leur fruit un acide agréable: tels font les grenades, les citrons, les cerifes ; & qui donne à d'autres une rudeffe ou une

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